Photo portrait de Serge Lessard.
Crédit : Louis-Charles Dumais

Serge Lessard n’a jamais craint de s’attaquer aux questions les plus complexes de planification financière, quitte à devoir développer lui-même ses propres modèles et simulations sur le logiciel Excel.

« Je n’aime pas ça avoir des questions auxquelles je n’ai pas la réponse », lance Serge Lessard, vice-président adjoint régional pour le Québec (Investissements), Service de fiscalité, retraite et planification successorale, à Gestion de placements Manuvie. Il illustre son point en évoquant son arrivée chez Manuvie, en 2011. Il demande alors aux représentants des ventes (wholesalers) quelle formation serait la plus pertinente à créer. Réponse : le décaissement.

La difficulté avec le décaissement, affirme le planificateur financier, est qu’il y a plusieurs variables qui vont dans des sens différents. « Quand on les combine, le cerveau n’est pas capable de déterminer dans quelle direction il serait le mieux d’aller. C’est une question à laquelle on ne peut répondre sans un logiciel, et à l’époque, je n’avais pas encore de logiciel. » Il a donc créé une série de chiffriers Excel pour arriver à des résultats et produire cette formation.

Chez Manuvie, Serge Lessard agit à titre de personne-ressource auprès des conseillers en placement et donne des conférences « dans presque toutes les firmes et tous les réseaux de valeurs mobilières du Québec », dit-il.

Il élabore ses conférences avec beaucoup de soin. « Dans le passé, souvent, le contenu venait de l’extérieur du Québec. On se retrouvait avec des taux d’impôt d’autres provinces et des cas traitant davantage de la situation de l’Ontario, par exemple, et je devais m’arranger avec ça. » Maintenant, à l’inverse, il partage le matériel qu’il crée avec les autres provinces.

Le fiscaliste a aussi mis au point une façon personnelle de présenter son contenu. « Ma façon de présenter est différente des standards promulgués dans le domaine. »

Il produit ainsi des fiches qui offrent une vue d’ensemble grâce à laquelle il est possible de faire visuellement tous les liens pour que la compréhension soit complète, sans devoir aller sans arrêt d’une fiche à l’autre. « J’insiste, car les gens du marketing chez presque tous les employeurs que j’ai eus m’ont toujours dit que ça faisait trop de contenu dans chacune des fiches. En contrepartie, je n’ai jamais entendu un conseiller me dire que j’en mettais trop, et mes formations sont très appréciées. » Serge Lessard se distingue aussi par les tableaux qu’il crée et partage. « C’est beau d’affirmer une chose d’un point de vue fiscal, mais quand on prend une approche “planification financière”, surtout, il est intéressant de calculer ou d’avoir des outils qui permettent de calculer et de prendre des décisions. »

Il programme donc beaucoup de choses dans Excel. « J’ai créé des tableaux sur le décaissement et l’accumulation, notamment. Ça fait environ six ans que je travaille dans cette direction, de créer beaucoup de tableaux, et c’est très utile. »

Il a particulièrement conçu des tableaux à l’intention des conseillers qui servent des actionnaires de sociétés, par exemple sur les taux combinés d’imposition (société/personnel). « Mais au lieu de le faire avec le taux maximum, ça inclut tous les paliers d’imposition. Cela fait toute la différence et permet de voir les impacts des choix de placement et de prendre les décisions en toute connaissance de cause. »

Riche expérience

Serge Lessard a plus de 20 années d’expérience en services financiers. Il a agi comme vendeur, directeur des produits chez un agent général, formateur – il prononce de 150 à 200 conférences chaque année –, concepteur de produits d’assurance et de placement, élaborateur de concepts avancés, accompagnateur de ventes, juriste, planificateur financier et fiscaliste. Il a été nommé en 2014 l’« un des 25 planificateurs financiers d’exception des 25 dernières années », selon une sélection de l’Institut québécois de planification financière, effectuée d’après le vote de ses membres.

Il est très fier de cette reconnaissance. « J’ai l’impression d’avoir donné tout ce que je pouvais pendant ces années-là en formation et en aide aux conseillers, parce que les conseillers, je les aime. J’ai fait leur job, ce n’est pas facile ce qu’ils font, et je veux les aider au maximum », lance-t-il.

Originaire de la région de Québec, Serge Lessard a étudié le droit à l’Université Laval. Il prévoyait pratiquer le droit toute sa vie, mais il a changé d’idée après avoir plaidé dans des procès pendant trois ans. « Ce fut une expérience exceptionnelle, sauf que je suis un fonceur, un créateur, pas un batailleur. »

Un concours de circonstances le mène au secteur de l’assurance. « J’avais une police d’assurance vie avec le Groupe La Laurentienne et le renouvellement est venu accompagné d’un coupon qui mentionnait : Si la carrière vous intéresse, engagez-vous… »

Peu après, il commence alors à offrir de l’assurance et des placements.

Serge Lessard a déménagé dans la région de Montréal pour des raisons familiales et est entré chez SFL en 1997, le Groupe La Laurentienne ayant entre-temps fusionné avec le Mouvement Desjardins. « Après un an, l’un des propriétaires du bureau a décidé de lancer un agent général et je suis allé le voir pour lui offrir d’être son directeur. Je suis alors passé de la vente à la direction, pour offrir le soutien aux courtiers. »

Il comprend alors l’importance de la fiscalité. « Ce fut un tournant. » Le juriste va donc suivre les cours de l’Association de planification fiscale et financière (APFF) sur la fiscalité d’entreprise.

Il s’est joint au Groupe financier PEAK en 2000 à titre de directeur de la formation et de la planification. « En étant une firme de courtage tous azimuts, cela m’a donné accès à des fiscalistes de plusieurs compagnies d’assurance pour répondre à mes propres questions afin que je puisse ensuite répondre à celles des conseillers », explique Serge Lessard.

Cela lui a permis de bâtir sa connaissance « de façon exponentielle ». Parmi les experts qui lui ont transmis leur savoir, il évoque Diane Hamel, de Manuvie, Hélène Marquis, aujourd’hui chez CIBC Gestion privée de patrimoine, et Suzanne Désy, aujourd’hui chez BMO Gestion de patrimoine. « Je dis souvent qu’il y a trois femmes qui m’ont enseigné la fiscalité, et ce sont ces trois-là », affirme-t-il.

En 2002, Serge Lessard est entré chez Desjardins Sécurité financière comme conseiller en formation, au service du réseau SFL, et deux ans plus tard, il est devenu conseiller en développement des affaires. « Ce titre est utilisé pour beaucoup de choses, mais dans mon cas, j’accompagnais des conseillers du réseau SFL afin d’aller rencontrer des comptables pour leur présenter une assurance maladies graves, version entreprise. »

SFL venait tout juste de lancer le concept de régime maladies graves en copropriété. « On était carrément des pionniers !, s’exclame Serge Lessard. Le lancement d’un nouveau concept, ça n’arrive pas tous les jours et pour moi ç’a été extraordinaire de rencontrer tous ces comptables, et de voir leur façon de penser et leurs questionnements. » Le fiscaliste affirme avoir effectué des entrevues de consultation avec près de 1 000 comptables.

Après un passage de cinq ans chez Transamerica, devenue Aegon Canada, de 2006 à 2011, Serge Lessard s’est joint à Manuvie.

L’art de bien s’entourer

Pour Serge Lessard, toute personne qui amorce sa carrière dans la profession devrait se trouver un mentor. « Quelqu’un qui a la générosité de vous aider, qui a de l’expérience et que vous pouvez appeler à peu près n’importe quand pour lui demander son opinion. Si possible, un mentor qui n’est pas un patron, mais quelqu’un d’externe, avec les coudées franches pour dire ce qu’il a à dire. »

C’est ce qu’il a fait pour bien se former lorsqu’il n’était pas encore fiscaliste, explique-t-il. « Il n’y a pas grand-chose de plus formateur que ça, et cela peut éviter de faire des erreurs majeures. »

Serge Lessard explique avoir bâti sa connaissance par ses réflexions, mais aussi par le partage de connaissances avec des personnes qui font le même travail. « Les échanges sont probablement la raison numéro un de mon implication à l’APFF », dit-il.

Le fiscaliste évoque d’ailleurs sa nomination au conseil d’administration de l’APFF, en décembre 2020, comme un événement de carrière majeur. Il y a tissé un essentiel réseau de contacts. « Ça m’a aidé à me développer et aujourd’hui, j’aide du monde à mon tour. On a une véritable communauté fiscale, on a des discussions incroyables et je crois à la force de ce réseau. En faire partie, ça nous permet de prendre des décisions, de connaître des tendances et de suggérer des changements, des approches par rapport à ce que l’on croit. »

Depuis quelques années, il s’intéresse notamment aux impacts du mariage et du divorce sur les placements. « Un divorce, ça coupe les actifs et ça fait revisiter complètement la planification financière. La perception de comment le partage se fera et la réalité sont extrêmement éloignées, et le choix du produit financier aura un impact majeur », affirme-t-il.

Les questions liées au partage du patrimoine familial, aux régimes matrimoniaux, sont complexes, selon lui. Or, cette connaissance n’est pas très répandue parmi les conseillers, juge-t-il.

Il cite en exemple la différence qui existe, dans le partage, entre certains produits de placement, différence qui est souvent ignorée.

Si les REER ainsi que les fonds de pension font partie du patrimoine familial, certains revenus générés par des fonds communs qui font des distributions d’intérêts, de dividendes canadiens, de dividendes étrangers, et même de gains en capital sont aussi des de gains en capital sont aussi des acquêts, illustre-t-il.

« C’est le cas même si ton fonds, tu l’avais avant le mariage ou que tu l’as acquis par décès. Autrement dit, avec ces revenus, sauf exception, le client augmente ce qui sera partageable dans le futur, tandis que les distributions de gains en capital, elles, ne sont pas des acquêts et ne seront donc pas partageables. »

Selon Serge Lessard, à peu près personne ne fait sa planification en étant conscient de ce type d’implication.

Une autre question qui l’intéresse est de parvenir à faire la démonstration de la valeur du conseil. « On en parle depuis quelques années, mais peu de calculs ont été faits jusqu’ici et la démonstration demeure assez embryonnaire », constate-t-il.

Serge Lessard, après « 1 500 heures de travail sur un logiciel, et ensuite environ un mois et demi de travail pour développer des illustrations », a donc bâti un logiciel qui lui permet d’effectuer ce type de calculs.

« Il y a beaucoup d’intangibles et les calculs sont épouvantables à faire », dit-il, mais il est très fier d’avoir entrepris ce projet, « car personne d’autre ne l’a fait avant, donc ça me distingue vraiment ».