« Ne pas attendre d’être prêt à 100 % avant de saisir une opportunité. Il faut sauter lorsqu’elle se présente. » C’est la philosophie de carrière d’Adam Elliott, président et chef de la direction d’iA Gestion privée de patrimoine (iAGPP). Cette approche a guidé ce diplômé en histoire de l’Université McGill depuis ses premiers pas dans le secteur financier britannique jusqu’à la tête de l’un des plus importants courtiers au Canada.
Né à Pointe-Claire dans l’ouest de l’île de Montréal, Adam Elliott a grandi dans un environnement où l’éducation occupait une place centrale. Ses deux parents enseignaient au cégep John Abbott, et ses deux sœurs ont embrassé la médecine. Lui a choisi une voie différente, ce qui « n’a pas complètement enthousiasmé ses parents » au départ. Inscrit en histoire et science politique à McGill, il n’avait pas initialement la finance en tête. C’est un oncle travaillant dans le secteur financier à Londres qui a changé la donne en l’invitant à effectuer des stages d’été outre-Atlantique.
« À la fin du premier stage, cet oncle m’a proposé un poste à la fin de mes études à condition que je suive quelques formations supplémentaires. Une semaine après avoir obtenu mon baccalauréat, j’ai donc déménagé à Londres pour commencer ma carrière dans l’assurance, avant de passer rapidement à la finance », raconte Adam Elliott.
Cette expérience européenne lui a offert un cours intensif sur les risques du marché et l’impact de la politique sur l’économie, notamment pendant la crise financière russe de 1998. Pour lui, le lien entre histoire, économie et finance est évident. « Comme investisseur, c’est très important d’avoir une bonne connaissance de l’histoire et de la politique », dit-il.
De retour au Canada en 2000, il s’installe à Toronto et entame une carrière de 18 ans chez Fonds Dynamique (acquis par Scotia en 2011), d’abord comme vice-président senior au développement commercial puis vice-président régional pour l’Ontario. En parallèle, il suit plusieurs formations spécialisées (valeurs mobilières, fonds spéculatifs, etc.).
En 2018, il se joint à iA lors du rachat de HollisWealth par l’assureur. Après avoir fait partie de l’équipe de direction d’iA Clarington, la division de fonds communs de placement, il est promu à son poste actuel en 2023.
Toujours basé à Toronto, il se rend à Montréal environ toutes les deux semaines — à Québec à l’occasion — et est heureux de parler plus régulièrement le français. « C’est une langue que j’avais un peu perdue pendant toutes ces années à Toronto, alors c’est un plaisir de la parler davantage », confie-t-il.
Durant sa carrière, Adam Elliott a pu compter sur des mentors, dont son oncle, Christian Hoy, qui a exercé une influence déterminante sur sa carrière. « Je l’ai accompagné dans des rencontres avec ses clients, ce qui a été très formateur. Ça m’a beaucoup aidé à comprendre comment travailler avec eux », raconte-t-il.
Plus récemment, Stéphan Bourbonnais a aussi eu un effet sur son parcours. Lorsque celui-ci a été promu vice-président exécutif, gestion de patrimoine chez iA, il a convaincu Adam Elliott de postuler pour lui succéder à la présidence d’iAGPP. Dans leurs rôles respectifs, les deux hommes maintiennent une collaboration étroite sur les dossiers stratégiques, notamment sur des acquisitions d’envergure comme celle de Patrimoine Richardson réalisée récemment. « On se parle régulièrement. Le fait qu’il ait déjà occupé mon poste m’aide beaucoup », précise Adam Elliott.
Dans son rôle actuel, son mandat est clair : stimuler la croissance sans dénaturer l’ADN entrepreneurial du courtier. Le réseau compte environ 480 équipes de conseillers et 67 milliards de dollars (G$) d’actifs sous gestion. Les conseillers sont propriétaires de leur pratique et agissent soit sous la marque de la firme, soit sous leur propre bannière. « La collaboration reste essentielle dans les décisions d’investissement et de développement », insiste-t-il, rappelant la place donnée à l’autonomie et au jugement professionnel.
Importante intégration
L’achat de Patrimoine Richardson, qui compte 40,3 G$ en actifs et 23 bureaux dans tout le Canada, est une étape importante. « C’est la deuxième plus importante acquisition de notre histoire et la plus grande dans le secteur de la gestion de patrimoine. iA est ainsi devenue la première firme indépendante non bancaire au Canada, avec 107 G$ sous gestion », souligne Adam Elliott.
La « priorité absolue » pour les 12 prochains mois est d’en réussir l’intégration, ce qui représente un certain défi. iAGPP fonctionne selon un modèle entrepreneurial « 80-20 », c’est-à-dire dans lequel la part des revenus bruts générés qui revient aux conseillers est élevée. Cela détonne avec le modèle structuré par le courtier, avec une répartition des revenus de type « 50-50 » chez Richardson, où les conseillers travaillent dans les bureaux de l’entreprise et où les adjoints sont salariés de celle-ci. Dans les deux cas, les conseillers restent propriétaires de leur clientèle.
Malgré cette différence, l’équipe d’Adam Elliott a toutefois bon espoir de réussir l’opération grâce à l’expérience acquise lors de l’achat de Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL), un réseau d’environ une trentaine de conseillers et 2 G$ d’actifs en 2024. « Cela a constitué un laboratoire pour nous, car c’était la première fois que la firme rachetait une organisation fonctionnant selon un modèle corporatif plutôt qu’indépendant », explique Adam Elliott.
« C’était un changement de culture important pour les conseillers, qui ont dû passer d’un environnement structuré par l’entreprise à un fonctionnement entrepreneurial », ajoute-t-il. L’opération a nécessité un accompagnement renforcé : formation, soutien technique et aide à l’installation des conseillers dans leurs nouveaux bureaux. « Certains, habitués à ce que tout soit fourni par la banque, ne savaient pas trop comment acquérir un ordinateur ou configurer Outlook », donne-t-il en exemple.
Malgré les difficultés, la perspective de devenir entrepreneur a suscité beaucoup d’enthousiasme au sein de la nouvelle équipe. Le résultat parle de lui-même : après un an, le taux de rétention des conseillers est de 100 %. « Lorsqu’on leur a demandé récemment s’ils préféreraient retourner vers un modèle corporatif, tous ont confirmé vouloir rester dans le modèle entrepreneurial d’iAGPP », se réjouit Adam Elliott.
L’acquisition de Richardson apporte une capacité accrue de recrutement. « iAGPP et Investia sont historiquement performants pour attirer des conseillers indépendants, tandis que Richardson excelle dans le recrutement de profils issus des modèles corporatifs ou bancaires », souligne Adam Elliott. Ensemble, ils disposent désormais d’un effet d’attractivité supplémentaire.
L’intégration technologique avec Richardson ne se fera pas par un transfert unilatéral vers les systèmes d’iAGPP. L’approche retenue est collaborative : comparer les forces respectives des deux organisations et sélectionner les meilleures solutions, qu’il s’agisse du portail client, de l’application mobile ou d’autres outils.
Au-delà des acquisitions, la croissance organique demeure un axe stratégique pour iAGPP. En 2023, la firme a accueilli 47 nouvelles équipes, représentant 3 G$ d’actifs. Au 30 juin 2024, 25 équipes supplémentaires s’étaient jointes au réseau, pour 1,5 G$ d’actifs, avec un autre milliard prévu au troisième trimestre. Les départs restent marginaux et liés principalement à des retraites.
Au 31 mars 2023, iAGPP comptait 175 conseillers au Québec, qui géraient un total de 11 G$, selon le Pointage des courtiers québécois. Au 31 mars 2025, le courtier comptait 233 conseillers, qui géraient 18,9 G$. La part de marché en termes d’actifs recueillis au Québec par les sociétés de courtage en placement est passée de 3,13 % en 2023 à 4,35 % en 2025, selon l’Institut de la statistique du Québec.
Si le vieillissement de la profession est un problème reconnu dans l’industrie, iAGPP affirme ne pas en souffrir autant que d’autres. La majorité des équipes sont intergénérationnelles, avec un mélange de conseillers expérimentés et de jeunes professionnels. Dès 2025, tous les conseillers de 55 ans et plus devront avoir un plan de succession interne ou avec une autre équipe du réseau. « Je suis inquiet quand il n’y a pas de jeunes au sein des équipes », confie Adam Elliott. L’entreprise facilite ces transitions grâce à un programme de financement interne, permettant aux conseillers d’acquérir les blocs d’affaires des collègues partant à la retraite.
iAGPP encourage ses conseillers à intégrer pleinement les outils numériques pour fidéliser et attirer une clientèle plus jeune. Des indicateurs, comme le pourcentage de clients utilisant le portail ou l’application mobile, servent à mesurer cet engagement. Les équipes comptant des conseillers plus jeunes tendent à pousser davantage l’usage des solutions numériques, répondant ainsi aux attentes des nouvelles générations.
L’intelligence artificielle (IA) occupe désormais une place centrale dans les discussions stratégiques. iAGPP a développé, en partenariat avec Google, sa plateforme Advisor Experience 360 (AX360), qui intègre déjà des fonctionnalités d’intelligence artificielle (IA) utilisées quotidiennement par les conseillers. « L’IA figure parmi les principales questions suivies par le conseil d’administration chaque trimestre », précise Adam Elliott.
Il constate que les clients, notamment les plus jeunes, se tournent de plus en plus vers des outils comme ChatGPT pour s’informer avant de consulter un professionnel, phénomène qu’il compare à ce que vivent ses sœurs médecins avec leurs patients. Cela impose aux conseillers de « hausser leur jeu » pour rester crédibles face à une concurrence qui ne vient plus seulement des banques ou d’autres firmes traditionnelles, mais aussi de plateformes comme Wealthsimple et d’influenceurs financiers sur les réseaux sociaux.
L’entrée en vigueur de nouvelles règles qui rehaussent l’information sur le coût total des fonds (MRCC3) représente également un défi majeur de conformité et de communication dans l’industrie. Sur le plan technique, iAGPP a réalisé d’importants investissements pour être prête à fournir une information complète sur les frais. Sur le plan relationnel, un effort particulier est déployé pour que les conseillers préparent leurs clients à la lecture des nouveaux relevés. « La discussion doit avoir lieu avant qu’ils reçoivent le premier relevé. Nos conseillers et conseillères sont confiants dans leur proposition de valeur. On a mis beaucoup de temps pour bien les préparer », soutient Adam Elliott.
Selon lui, les perspectives de carrière dans le secteur sont « énormes » compte tenu du grand nombre de départs à la retraite attendus parmi les conseillers dans la prochaine décennie. Il recommande toutefois de commencer en intégrant une équipe plutôt que de se lancer seul afin de bénéficier d’un encadrement, d’investissements technologiques et d’une clientèle déjà établie.
Ce dont il est le plus fier dans sa carrière : avoir toujours accepté les nouveaux défis. « Quand on m’a tapé sur l’épaule pour me dire que je devrais postuler pour un nouveau poste, j’ai toujours sauté sur l’occasion, et ce, malgré la nervosité. Chaque fois, la décision s’est révélée positive », confie-t-il. Il considère avoir aujourd’hui « le meilleur job » de sa carrière, étant en contact quotidien avec des conseillers entrepreneurs dans un environnement en mutation rapide. « C’est vraiment excitant », dit-il.