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En octobre dernier, l’innovant manufacturier Purpose Investments, de Toronto, a lancé un fonds commun ayant pour objectif de reproduire le rendement d’un portefeuille de billets structurés à capital non protégé. Conçu en collaboration avec Banque Nationale Marchés financiers, ce nouveau produit allie les caractéristiques d’un certain type de billet à revenu aux avantages fiscaux des fonds constitués en société par actions, aussi désignés dans l’industrie comme des fonds en catégorie de société. Il s’agit du portefeuille de rendement sur titres de participation structurés Purpose.

Ce fonds vise une possibilité de plus-value du capital à long terme, des distributions mensuelles stables et un risque de perte moindre que dans le cas d’un placement direct dans les marchés boursiers. Sa stratégie à gestion active est fondée sur des dérivés incorporant une protection conditionnelle à la baisse et prévoit ainsi d’investir indirectement dans un vaste portefeuille de titres de capitaux propres mondiaux et nord- américains.

Selon Purpose, ce type de structure permettra de générer des distributions mensuelles initiales d’environ 6 % par année en série F. Le manufacturier a effectué des vérifications a posteriori de cette stratégie et il lui semble réaliste de viser un bêta de 0,6 par rapport à l’indice S&P 500. Il s’agit d’une réduction du risque significative par rapport au marché boursier.

Dans un environnement de taux d’intérêt très bas où la prise de risque est accrue afin de générer du rendement dans les portefeuilles, une telle solution peut bien servir des clients qui souhaitent obtenir un revenu stable et élevé à moyen ou long terme, sans toutefois devoir subir une volatilité aussi élevée que celle du marché des actions ou des obligations à rendement élevé.

Afin d’y arriver, les gestionnaires du fonds ne procéderont pas à l’achat de billets, mais bien aux mêmes produits dérivés qui entrent dans la construction des billets. Le tableau ci-contre donne l’exemple d’une transaction qu’ils pourraient effectuer. Les manufacturiers de billets utilisent du revenu d’options afin de générer des distributions plus élevées que celles de la quasi- totalité des produits à revenu fixe offerts sur le marché, sans toutefois que les investisseurs aient à assumer pleinement le risque du marché des actions.

La structure choisie par Purpose afin de constituer son portefeuille est connue sous le nom de billet remboursable par anticipation à revenu conditionnel avec barrière à l’échéance, et effectue les opérations suivantes :

Exposition à un indice par l’intermédiaire d’un contrat à terme ;

Protection contre la baisse à l’échéance, communément appelée barrière, en achetant des options de vente pour protéger le capital contre une baisse partielle, par exemple de 20 % ;

Financement de l’achat des options de vente en vendant des options d’achat, plafonnant ainsi le rendement potentiel.

Le gestionnaire pourra choisir des produits ayant divers niveaux de barrière à l’échéance, mais devra obligatoirement avoir une barrière minimale de 20 % sur chaque transaction. Le terme initial pour chaque exposition à un indice sera de sept ans, et le revenu sera versé tant et aussi longtemps que l’indice visé ne connaîtra pas une baisse de 30 % ou plus. Finalement, si un indice atteint un rendement de 10 % sur une période d’un an, le mécanisme de remboursement par anticipation sera enclenché et le capital investi dans cet indice sera versé au fonds, puis réinvesti.

Structure fiscalement avantageuse

Le gestionnaire s’engage dans des transactions sur dérivés directement avec la Banque Nationale comme contrepartiste dans un fonds structuré en société, plutôt que de bâtir un produit sous forme de titre de dette (comme les billets). Ainsi, les options conservent leur caractère d’un point de vue fiscal, à savoir d’être imposées au titre de capital.

Comme Purpose a plusieurs centaines de millions de dollars de pertes accumulées dans sa société de placement à capital variable, elle entend verser les distributions sous forme de remboursement de capital, jusqu’à ce que les pertes soient entièrement épuisées. Ensuite, il est prévu que le revenu soit versé sous forme de gain en capital.

Par ailleurs, selon le prospectus du fonds, rien ne garantit que les propositions budgétaires de 2019 du ministère des Finances du Canada ne seront pas modifiées de manière à s’appliquer clairement aux contrats à terme de gré à gré devant être conclus par le fonds. Le cas échéant, le traitement fiscal prévu pour le fonds et sa stratégie de placement serait sensiblement et défavorablement touché.

En outre, les actions de série A comportent des frais de gestion de 1,65 %, celles de série F, de 0,65 %.

Portefeuille diversifié

Purpose cherche à bâtir un portefeuille basé sur des indices nord-américains et internationaux, en ayant une exposition cible de base de 40 % au Canada, de 45 % aux États-Unis, de 10 % en pays développés de l’Europe, de l’Australasie et de l’Extrême-Orient (EAEO), et de 5 % en liquidités. Le gestionnaire torontois entend se donner la marge de manoeuvre d’investir tant dans des indices couverts contre les risques de devises que dans des indices non couverts, en plus de pouvoir sélectionner des expositions spécifiques à des secteurs canadiens ou américains. Des balises permettront de dévier de la cible neutre évoquée plus haut en surpondérant ou sous-pondérant les expositions géographiques et de liquidité, sur la base de diverses analyses quantitatives macroéconomiques.

Quelques nuances

C’est d’ailleurs une des différences majeures entre ce fonds et l’achat direct de billets structurés – un gestionnaire s’occupe de sélectionner les expositions aux différents indices. On délègue ainsi les décisions d’investissement à des professionnels qui surveillent en temps réel les occasions et les risques, pour en profiter ou s’en prémunir. Cela évite également de devoir gérer le réinvestissement du capital des billets qui arrivent à échéance. Dans un contexte de gestion discrétionnaire, il peut se révéler intéressant de pouvoir acheter et vendre des quantités petites ou grandes d’un fonds beaucoup plus simplement que des billets dont les termes et dates d’achat changent.

Cependant, l’offre actuelle de Purpose se limite à émuler le rendement d’un seul type de structure de billet. Il en existe une panoplie d’autres, par exemple pour viser la croissance décuplée (comme les structures d’accélération qui multiplient par un facteur donné le rendement d’un indice). Certains donnent aussi un rendement positif même en cas de marché négatif, ou encore visent la sécurité en utilisant les billets à capital protégé. Le fonds de Purpose n’offre pas une protection claire du capital comme un billet, qui, s’il est détenu jusqu’à l’échéance, livrera tel que stipulé dans le prospectus le rendement exact du produit choisi. Le produit de Purpose reproduira plutôt le comportement et la volatilité générale d’une certaine catégorie de billet, sans offrir de réelle garantie.

Bien qu’il s’agisse de titres de dépôts non garantis par des actifs, les banques engagent leur cote de crédit sur l’atteinte des objectifs de placement lorsqu’elles émettent un billet. Ce n’est pas le cas du fonds, qui effectue diverses transactions sans offrir de garantie partielle ni complète du capital.

Une des caractéristiques très intéressantes des billets est que pour des montants minimaux variant d’un à quelques millions de dollars – selon l’institution manufacturière -, on peut concevoir une structure sur mesure d’après notre vision de marché ou l’objectif que l’on souhaite atteindre. On peut de façon générale exprimer des vues de marché très claires grâce aux billets. L’idée d’acheter un fonds est en opposition avec ce genre d’utilisation des produits structurés.

Avant le budget de 2016, le rendement obtenu sur un billet vendu avant son échéance donnait lieu à du gain en capital. Depuis ce moment, tout rendement obtenu d’un billet est considéré comme du revenu, qu’il soit détenu jusqu’à l’échéance ou vendu avant celle-ci. Le fonds lancé par Purpose permet de reproduire les caractéristiques des billets tout en ayant des avantages fiscaux notoires, ce qui distingue significativement les deux produits.

* Conseiller en placement