Photo portrait de Michael Grondin
Crédit: Louis-Charles Dumais

C’est en mai 2021 que Gestion d’actifs mondiale Walter (Walter GAM), le Groupe W Investissements et le Groupe Grondin ont annoncé le lancement de Samara, un bureau de gestion de patrimoine multifamilial.

La firme, qui n’est affiliée à aucune institution financière, se présente comme ayant été conçue « par des familles pour des familles ».

« Walter GAM s’est intéressée aux bureaux de gestion de patrimoine multifamilial, les multi-family offices, parce qu’il existe un énorme potentiel de croissance dans cette industrie au Québec et au Canada. C’était donc important pour nous d’en faire partie », explique Sylvain Brosseau, chef de la direction et associé fondateur de Gestion d’actifs mondiale Walter.

Walter GAM est l’une des équipes spécialisées de la Société financière Walter, une entreprise d’investissement privée à travers laquelle elle déploie son capital.

« Pour y arriver, il fallait trouver notre champion », ajoute Sylvain Brosseau.

Ce champion, c’est Michael Grondin, associé, président et chef de la direction de Samara. Sylvain Brosseau vante « sa fibre entrepreneuriale, son énergie contagieuse, son ouverture d’esprit, sa capacité d’écoute et son expérience ».

Du sang d’entrepreneur

Natif de la Beauce, Michael Grondin se présente d’abord comme un entrepreneur de troisième génération. « J’ai grandi dans une entreprise familiale active dans le secteur du bois de sciage », dit-il.

Son père a toutefois vendu l’entreprise à la papetière Domtar en 1996. Michael Grondin avait alors 22 ans et cela a « changé le cours de ma vie », déclare-t-il.

Il avait travaillé jusque-là seulement dans l’entreprise familiale. « J’étais de la troisième génération. C’était normal que je me dirige dans cette voie, explique-t-il. Ç’a été une bonne chose que mon père vende, car cela m’a permis de découvrir qui j’étais réellement. »

Michael Grondin, qui a toujours aimé l’investissement, s’oriente vers cette industrie. Diplômé en administration des affaires de l’Université Laval, il est recruté en 1998 par Merrill Lynch Canada alors qu’il n’a pas 25 ans, afin de créer sa propre équipe de gestion de patrimoine.

C’est Jean-Pierre Janson, qui occupe alors un poste de haute direction chez Merrill Lynch Canada, qui l’embauche, raconte sa fille, Catherine Janson. Celle-ci est aujourd’hui associée et chef des investissements chez Samara.

« Il m’a fait croiser la route de Michael en 2003 avec l’idée que je rejoigne son équipe alors que je revenais d’un séjour de trois ans à Boston », relate-t-elle. À l’époque, elle prévoyait de servir des clients institutionnels et non des familles de particuliers. « Mon père m’a convaincue de lui donner une chance et il a eu raison, car ça fait maintenant près de 19 ans que nous travaillons ensemble. Michael est devenu pour moi un grand frère. »

Le passage de Michael Grondin chez Merrill Lynch est marquant, à commencer par l’acquisition des activités canadiennes de Merrill Lynch en 2002 par la Banque CIBC. « J’avais le taureau tatoué sur le bras. Je fus très déçu et ce fut un choc culturel important », explique-t-il.

Il poursuit son parcours au sein de CIBC Wood Gundy jusqu’en 2008. La situation lui fait réfléchir à son avenir. « Lorsque mon père a vendu l’entreprise familiale, il m’a dit : “Un jour, tu partiras ta business” ». Alors, déjà en 2004, il caresse l’idée d’avoir sa propre firme.

À cette époque, soit en 2003, Jean-Guy Desjardins et Sylvain Brosseau créent Fiera Capital. « Nous avons tenu des discussions pour que j’aille y ouvrir une division de gestion privée, raconte Michael Grondin. J’aimais la philosophie, qui était très institutionnelle, avec un côté marché alternatif. Toutefois, j’étais moins emballé par leur vision de la gestion de patrimoine. Je ne voulais pas être un distributeur de produits manufacturés par l’entreprise et étiquetés Fiera. Il valait mieux avoir une architecture pleinement ouverte. »

Il regarde alors les autres firmes et RBC Dominion valeurs mobilières est « celle qui était la mieux structurée pour être mon prochain nid », illustre-t-il. Il la rejoint en 2008 et y dirigera une équipe pendant plus de 12 ans.

Ce fut une bonne expérience, évoque Michael Grondin. « Le management de la Royale est très professionnel et j’y ai appris beaucoup de choses », dit-il.

Michael Grondin a amorcé sa carrière en 2002 à titre de gestionnaire de portefeuille avec l’ambition de chercher à approfondir ses connaissances et à multiplier les services qu’il pouvait offrir à ses clients. « La Royale m’a donné des connaissances en gestion de patrimoine et en assurance qui m’ont doté d’une vision beaucoup plus large que le seul volet investissement. »

Or, alors que les années passent et que les taux d’intérêt baissent, Michael Grondin constate que certaines occasions lui échappent. « Je ne perdais pas de clients, mais si lorsqu’un client vend son entreprise 200 M$, je ne récolte que 25 M$ à gérer, c’est que je deviens alors l’outil dans le coffre à outils plutôt que le gars qui tient le coffre à outils », illustre-t-il.

Cela le pousse à rencontrer les dirigeants de la RBC en 2017 afin de leur proposer la création d’un bureau multifamilial. « Ils m’ont dit : “C’est une bonne idée, mais c’est infaisable dans notre réalité”. »

Michael Grondin les comprend : « J’aime ce qu’ils font. Je ne suis pas parti de la Royale parce que je n’avais pas confiance en eux. Ç’a été la meilleure école où j’aurais pu aller. Sauf qu’en réponse à notre clientèle et à ce que l’on voulait faire comme famille et comme équipe, je me devais d’aller là où les clients voudront être dans 10 ans. »

« Lorsque je suis entré à la Royale, j’avais 250 M$ d’actif sous administration [ASA], et en partant, plus de 3 G$ d’ASA. Ç’a été un très bon passage », dit-il.

Samara découle donc d’un besoin de mieux diversifier le portefeuille et d’avoir une approche plus intégrée et diversifiée, avec une plus grande proximité avec les clients, analyse Michael Grondin.

« Michael est un visionnaire de notre industrie, affirme Catherine Janson. Il a toujours de nouveaux projets avant-gardistes en tête qui visent le même objectif, soit de mettre à profit notre réseau et nos connaissances pour améliorer le niveau de service qu’on offre à nos clients. Le fait de venir d’une famille entrepreneuriale lui permet entrepreneuriale lui permet de comprendre réellement les besoins de notre clientèle. »

« Michael est quelqu’un d’authentique qui s’investit beaucoup dans ses relations. Sa grande écoute et sa capacité à se mettre dans la peau de son interlocuteur font qu’il comprend bien les besoins de sa clientèle », indique Sylvain Brosseau.

L’approche Samara

Samara n’a pas été créée du jour au lendemain et ses partenaires ont travaillé fort en amont, souligne Michael Grondin.

Il évoque, à l’origine du projet, le rapprochement de « 9 ou 10 familles qui avaient besoin d’avoir leur propre family office, ou qui avaient déjà leur family office, mais avec des besoins non comblés ». L’idée a donc été de s’adjoindre les services de professionnels d’expérience de l’industrie, dotés d’un côté entrepreneur, et de créer un conseil d’administration et un comité d’investissement de premier ordre.

Une des fiertés de Michael Grondin est d’avoir attiré « autant de personnes de qualité », aussi bien à l’intérieur de l’entreprise que parmi les actionnaires et le conseil d’administration. « On a du monde qui ont vu neiger », lance-t-il.

Parmi les membres du conseil d’administration figurent notamment Sylvain Brosseau, Jean-François Courville, associé directeur de Purpose Advisor Solutions, François Rivard, président et chef de la direction d’Innocap, et René Fournier, président et chef des investissements à la Société financière Walter.

Selon Michael Grondin, la qualité de ce conseil d’administration a permis « d’attirer les employés que nous avons et qui sont tous des premiers de classe ». Il est d’avis que d’ici deux à trois ans, 75 % et plus de ces employés seront actionnaires de Samara.

Cet actionnariat se divise actuellement entre trois blocs. Catherine Janson et Michael Grondin sont les actionnaires majoritaires, alors que Gestion d’actifs mondiale Walter et le Groupe W Investissements détiennent les deux autres blocs.

Le Groupe W Investissements est un fonds d’investissement privé. Son objectif consiste à créer une plateforme diversifiée « qui reflète une gestion de patrimoine saine avec un horizon d’investissement à long terme », selon son site internet. Une stratégie d’investissement qui s’apparente d’ailleurs à celle d’un bureau multifamilial.

« Le Groupe W étant issu de l’initiative d’entrepreneurs privés qui se sont unis pour mieux répondre à leurs besoins en matière d’investissement, nous comprenons très bien les défis de la gestion intégrée de patrimoine et apprécions les occasions d’affaires qui émergent dans le marché actuel », signalait Maxime St-Laurent, cofondateur et associé directeur du Groupe W, lors du lancement de Samara.

Un cadre de gouvernance strict a donc été construit afin de tenir compte des défis liés à la sécurité du capital, la gouvernance des investissements, la confidentialité des données et la cybersécurité. « Notre cadre de gouvernance a les mêmes standards que celui des grandes banques », affirme Michael Grondin.

Samara s’occupe présentement de 72 familles, réparties entre deux gestionnaires soutenus par les autres professionnels. Michael Grondin signale que chaque gestionnaire n’aura jamais plus de 35 à 40 familles à servir, et que d’autres gestionnaires seront embauchés le moment venu.

L’entreprise souligne que son indépendance lui permet d’offrir un large éventail de catégories d’actif, telles que la dette privée, les fonds d’investissement privés, l’immobilier, les infrastructures et l’agriculture. Dans ses répartitions d’actif, Michael Grondin s’inspire des grands régimes de retraite qui investissent moins dans les marchés financiers publics. « Il y a beaucoup plus d’occasions à l’extérieur de la Bourse, mais ça prend du savoir-faire, une structure, un alignement d’intérêts », dit-il, notant que c’est le cas avec Samara.

Le dirigeant anticipe d’autres occasions : « La prochaine génération de riches, qui ont 35 ans aujourd’hui, leur premier choix ce n’est pas de travailler avec une banque. »

La samare est le fruit de l’érable. « Ça représente les prochaines générations. C’est important de connecter de la première à la deuxième génération, de la deuxième à la troisième, et de faire ce passage-là, qui est très humain, entre les générations », insiste Michael Grondin.

Samara est axée sur la famille et veut aller au-delà de la gestion des investissements, en atteignant les objectifs de cohésion et de prospérité au fil des générations, ajoute Michael Grondin. Âgé de 47 ans, il évoque une vision à long terme pour illustrer ce passage entre les générations, à la fois pour la firme et pour ses clients. « J’ai quatre enfants, le dernier a cinq mois, et j’aimerais que mes enfants travaillent ici un jour. »

À cet égard, Sylvain Brosseau note chez Michael Grondin « un désir profond de continuer à s’accomplir et un intérêt sincère à accompagner les familles dans la gestion de leur patrimoine. Il a un besoin de dépassement qui va plus loin que la réussite financière. »

Le décès à 60 ans de Bruce Kent, à la fin de 2020, constitue un tournant qui a convaincu Michael Grondin de lancer son entreprise. « Je me suis dit : “À 60 ans, si je meurs, où est-ce que je voudrais être rendu dans ma vie ?” C’est là que la décision s’est prise, car je voulais avoir le sentiment d’avoir un impact réel dans la vie des gens. »