kithara / 123rf

Ce sont deux des constats qui se dégagent de l’analyse du financement du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime de rentes du Québec (RRQ). Les conseillers en placement peuvent y trouver divers enseignements et éléments intéressants. Voici ce que j’ai retenu pour eux de ma lecture du 30e Rapport actuariel sur le RPC et de l’Évaluation actuarielle du RRQ, deux documents produits en décembre 2019 et ayant comme point de départ les informations au 31 décembre 2018 (actifs, prestataires, cotisants, etc.).

Pertinent rééquilibrage

Selon l’analyse du RRQ, le taux de rendement moyen à long terme d’un portefeuille diversifié et régulièrement rééquilibré est systématiquement supérieur à la moyenne pondérée des taux de rendement des diverses catégories individuelles d’actif. Cette différence est appelée effet de diversification.

Le tableau 29 de l’analyse du RRQ documente cet effet, qui est notamment fondé sur un rééquilibrage périodique afin d’éviter les déviations trop importantes par rapport à la cible du portefeuille d’investissement. Le document cite que, sur la base de la littérature financière et des travaux d’analyse stochastique réalisés, la valeur ajoutée au portefeuille représente 40 points de base (pb) pour le régime de base, et environ 30 pb pour le régime supplémentaire ayant une répartition plus prudente.

Le RRQ n’attribue par ailleurs aucune valeur ajoutée à long terme à la gestion active basée sur les choix de titres et de secteurs et les déviations par rapport aux cibles de la politique de placement.

De façon similaire, le RPC présume une valeur ajoutée de 80 pb pour la gestion active, laquelle se retrouve complètement éliminée par des coûts supplémentaires pour la gestion active. Au bout du compte, il n’y a pas de valeur ajoutée.

Dans les normes de l’Institut québécois de planification financière (IQPF)/FP Canada, il n’est pas mentionné de mettre une prime pour l’effet de la diversification. Toutefois, on mentionne de ne pas rajouter de valeur ajoutée par la gestion active, ce qui est similaire aux approches des analyses actuarielles. Le planificateur financier peut le faire, mais il doit justifier cet écart.

Analyse de la relation risque/rendement

Parfois, plus de risque signifie moins de volatilité. C’est l’une des conclusions du tableau 1, présenté ci-contre. Ainsi, il est connu qu’à chaque niveau de rendement peut correspondre un niveau de risque. C’est ce que montre le tableau 1, qui présente le rendement réel espéré en fonction de différentes compositions de portefeuille. Rappelons cependant que les portefeuilles hypothétiques comprennent non seulement des actions de sociétés ouvertes, mais aussi des actions de sociétés fermées, du crédit et des actifs réels. Malgré cette composition, ces portefeuilles donnent une bonne idée du comportement de cette pondération d’actif.

On retrouve deux séries de portefeuilles : l’une pour le régime de base du RPC et l’autre pour le régime supplémentaire (commencent par un S) du RPC qui débutait en 2019. Le portefeuille ciblé pour le régime de base est le «BME», pour «base meilleur estimé». Le «SME» est plus prudent et reflète la cible pour le régime supplémentaire.

Le régime supplémentaire a une politique plus prudente, car, à long terme, 70 % des déboursés proviendront du rendement, alors que pour le régime de base, une plus grande partie provient des cotisations versées.

Pour chaque portefeuille du tableau, on observe un rendement réel espéré sur 75 ans et un risque (l’écart-type prévu sur 1 an). Il faut ajouter essentiellement 2,0 points de pourcentage, soit l’équivalent de l’inflation, au rendement réel pour estimer le rendement nominal. Cette information est utile pour les utilisateurs des normes d’hypothèses de projection de l’IQPF/FP Canada, car elle complémente en présentant un repère pour la volatilité, information souvent demandée.

Il est intéressant de voir que le portefeuille S1 est moins efficace que le B1, car il prévoit moins de rendement avec plus de risque. L’ajout de 30 % en actions augmente le rendement et réduit le risque. Toute augmentation subséquente en actions est suivie par une augmentation du risque. Une mince discordance sur le plan du rendement semble exister entre les portefeuilles B2 et SME.

Les pertes importantes ne sont pas rares sur trois ans

Le tableau 2, qui résulte du rapport actuariel du RPC, montre une évaluation de la probabilité de subir une perte cumulative nominale sur trois années consécutives en fonction de différents portefeuilles en place.

Sans surprise, la probabilité est très faible pour le portefeuille B1. Bien qu’il soit écrit que la probabilité de perte est de 0 %, on nous dit qu’une petite probabilité demeure. À l’opposé, le portefeuille B4, composé à 100 % d’actions, aurait 13,8 % de risque de présenter une perte cumulée dépassant 10 % sur trois années. Toutefois, ce même portefeuille n’a que 7 % de risque de produire une perte d’au moins 20 % sur trois ans. À titre comparatif, si on examine le rendement sur trois ans de l’indice S&P/TSX depuis 1956, il y a eu des périodes négatives sur 36 mois, comme une perte de -15 % fin octobre 1976, de -30 % fin août 2003, et de -25 % fin février 2009. Bien entendu, mon analyse porte sur une seule catégorie d’actions, les actions canadiennes, alors que le RPC a utilisé un portefeuille mieux diversifié sur le plan géographique.

Même si on investit à long terme, il peut y avoir des périodes de trois ans moins faciles à traverser, où un conseiller doit expliquer les rendements négatifs et peut-être rassurer son client.

Même sur 50 ans, les rendements peuvent décevoir

Les graphiques 34 et 35 de l’Évaluation actuarielle du RRQ font notamment une projection de la moyenne des taux de rendement et d’inflation sur une période de 50 ans en fonction de 5 000 scénarios d’une période analogue.

Ainsi, pour ce qui est des simulations de l’inflation, il est attendu que la moyenne soit de l’ordre de 2,1 %. Parmi les multiples simulations, 10 % des résultats produisaient une inflation de 1,8 % ou moins, et 10 % de 2,4 % ou plus. L’écart-type est très mince à 20 points de base.

En ce qui concerne le portefeuille cible du régime de base, il est attendu que la moyenne soit de l’ordre de 6,2 % de rendement nominal. Parmi les multiples simulations, 10 % des résultats produisaient un rendement de 3,7 % ou moins, et 10 % de 8,5 % ou plus. L’écart-type est plus important à 1,9 point de pourcentage, ce qui est énorme lorsqu’on calcule l’effet du rendement composé.

En d’autres mots, même si les actuaires du RRQ s’attendent à 6,2 % de rendement, ils sont conscients que 1 fois sur 10 le rendement ne sera que de 3,7 % sur 50 ans, une longue période. L’écart de 250 pb est monstrueux sur 50 ans.

Par ailleurs, les graphiques montrent que, en moyenne, il est peu probable d’avoir un rendement négatif sur une si longue période.

On peut tirer quelques enseignements de ces projections. D’abord, il est pertinent de réviser fréquemment les sommes qu’un client doit cotiser ou décaisser pour assurer la viabilité de son plan, parce qu’on ne sait jamais à l’avance si l’on traverse une de ces mauvaises périodes de 50 ans. La planification financière est un exercice dynamique, car nos hypothèses peuvent s’avérer trop optimistes et ne plus correspondre, par exemple, au budget de retraite initial d’un client.

Ensuite, il est prudent de faire des projections où le rendement du client est de 100 à 200 pb inférieur au rendement espéré. L’exercice permet de mesurer à l’avance l’impact sur son coût de vie de cette baisse.

Par ailleurs, pour le régime supplémentaire du RRQ, qui est plus prudent que le régime de base, le taux de rendement moyen attendu est de 5,8 %. En tout, 10 % des résultats produisaient un rendement de 3,8 % ou moins, et 10 % de 7,8 % ou plus. L’écart-type est plus bas à 1,5 point de pourcentage, par rapport à 1,9 point pour le régime de base.

Notons que les régimes de base et supplémentaire du RRQ, de 2019 à 2028, ont une pondération de 20 % en titres à revenu fixe, de 8 % en infrastructures, de 17 % en placements privés, de 41,5 % à 43 % en actions et de 12 % à 13,5 % en immobilier. Le RRQ prévoit augmenter sa pondération en titres à revenu fixe avec le temps pour le régime supplémentaire. Tout comme le RPC, le RRQ aura une politique d’investissement plus prudente pour le régime supplémentaire.

En résumé, les différents rapports actuariels contiennent des analyses intéressantes pour un conseiller en placement qui cherche à enrichir ses discussions avec son client investisseur, notamment sur la volatilité des rendements. Avis aux intéressés : ces analyses ne sont produites que tous les trois ans.

*A.S.A., Pl. Fin., Directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859