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«Il s’agit d’une véritable bombe à retardement pour les agents généraux !» s’exclame James McMahon, président, région du Québec, du Groupe Financier Horizons.

Peu nombreuses sur le marché jusqu’à maintenant, ces séries comportent une commission réduite sur quelques années, habituellement entre deux et cinq ans. Si le client décide d’abandonner ses fonds, le conseiller doit alors rembourser la portion de commission correspondant à la période restante au contrat.

James McMahon reconnaît l’utilité de ces produits chez les jeunes conseillers en début de carrière, étant donné que «ces commissions génèrent, pendant quelques années, des revenus sensiblement supérieurs à ceux des honoraires».

De plus, comme le précise Bruno Michaud, ancien responsable des ventes chez iA Groupe financier, «les clients plus fortunés n’aiment pas les contraintes liées aux frais de sortie. Les séries sans frais de rachat leur conviennent .»

En revanche, le risque de remboursement de telles commissions soulève des questions. «Si le conseiller ne peut pas rembourser ces reprises de commissions exigées par l’assureur, qui devra payer la note, sinon l’agent général ? Le problème, c’est que nous ne sommes pas des prêteurs», s’inquiète James McMahon.

Si le scénario de récupération de commissions pivotant sur des agents généraux transformés en prêteurs devenait réalité, il pourrait y avoir conflit d’intérêts, poursuit-il.

«Supposons qu’un agent général prend une entente de financement avec le conseiller qui ne pourrait pas rembourser ses reprises de commissions. L’indépendance du conseiller risquerait probablement de devenir une simple fiction», explique James McMahon.

Scénario inquiétant

La question de l’impact des récupérations de commissions est «inquiétante», affirme Yan Charbonneau, président-directeur général du Groupe AFL.

«Chez les consommateurs, l’ancrage des fonds distincts est moins solide que celui des produits d’assurance de personnes. On achète les polices d’assurance vie après mûre réflexion et quand on le fait, on ne change pas de produit du jour au lendemain. En placements, c’est différent. Les clients de fonds distincts peuvent changer de fournisseurs pour toutes sortes de raisons», explique Yan Charbonneau.

Selon lui, il est inévitable que des conseillers qui vendent des fonds distincts avec récupération de commissions en viennent un jour à faire faillite.

Il donne l’exemple théorique d’un conseiller en début de carrière qui aurait vendu, à trois clients, des fonds distincts d’une valeur totale de 3 M$. «Cela pourrait représenter 150 000 $ de commissions. Si au bout de six mois ces trois clients décident de changer de fournisseur, le jeune conseiller pourrait avoir de grosses difficultés à rembourser les commissions déjà perçues», illustre-t-il.

Yan Charbonneau prévoit que les agents généraux qui auront eu à payer les pots cassés «finiront par demander des garanties à leurs conseillers».

Autres sons de cloche

Sans être aussi alarmante, la question soulevée par James McMahon rencontre un certain écho chez d’autres agents généraux.

Guy Duhaime, président-fondateur du Groupe Financier Multi Courtage, affirme que dans son entreprise, «ce problème ne se pose pas, car nos conseillers utilisent moins les fonds distincts que les fonds communs de placement. Ce n’est donc pas un risque très élevé.»

Toutefois, ajoute-t-il, «il est certain que si quelques conseillers avaient, disons, 50 M$ de fonds avec récupération de commissions, cela pourrait effectivement devenir une bombe à retardement».

Pour sa part, Dominic Demers, président de la Financière S_entiel, ne semble pas préoccupé par le risque de remboursement de commissions.

«Nos courtiers vendent peu de fonds distincts avec récupération de commissions. Toutefois, il nous est déjà arrivé de faire face à des situations où des conseillers ont eu des difficultés à rembourser des commissions. Nous avons récupéré les sommes dues grâce à des ententes avec les conseillers. Dans 99 % des cas, les conseillers sont de bonne foi et ils veulent rembourser les sommes dues», affirme-t-il.

Bruno Michaud juge que les agents généraux auraient raison de s’inquiéter si les périodes de reprise de commissions atteignaient quatre ou cinq ans. «Mais pas pour des périodes de deux ou trois ans. Les risques sont bien moindres», dit-il.

Daniel Guillemette, président-fondateur du cabinet Diversico, Experts-conseils, est également de cet avis. «Lorsque le conseiller fait un bon travail, les probabilités qu’un client lui fasse faux bond au bout de deux ou trois ans sont très, très faibles», soutient-il.

Selon lui, il arrive que des clients mettent fin à une bonne relation d’affaires de façon abrupte. «Mais cela fait partie des risques à assumer dans le monde des affaires. Et le temps où les clients assumaient le risque d’être financièrement sanctionnés s’ils en venaient à changer d’avis est révolu», dit Daniel Guillemette, qui est également agent général associé.

Vers l’agent général unique ?

Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, confie que «certains cabinets d’investissement craignent la responsabilité qu’impliquent les produits d’investissement avec reprise possible de commissions».

Faudrait-il alors éviter ce mode de rémunération ? «Non, car je ne voudrais pas enlever cette possibilité aux conseillers qui la recherchent, particulièrement ceux qui sont en début de carrière», dit-il.

Daniel Guillemette croit que la meilleure protection des agents généraux contre le risque que des conseillers fassent faillite réside dans la sélection des conseillers, de façon à éviter ceux dont les finances personnelles sont trop précaires.

De son côté, Gino-Sébastian Savard souligne la nécessité de «bien choisir» les conseillers faisant affaire avec son réseau de distribution. Selon lui, la garantie ultime se trouve dans la perspective de l’agent général unique. Avoir un agent général unique forcerait le conseiller à traiter avec un seul agent général pour tous les assureurs avec qui il fait affaire, plutôt que d’avoir la possibilité de traiter avec plusieurs agents généraux.

Les conseillers qui sont relativement plus «indifférents aux faillites personnelles» pourraient alors plus difficilement faire porter le poids des reprises de commissions sur les agents généraux, selon Gino-Sébastian Savard.