Jeu d'échec où une personne renverse le roi blanc avec sa dame beige.
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Deux gestionnaires de portefeuille ont accepté de nous parler des meilleurs et des pires investissements de leur carrière. Les voici.

Impossible de ne jamais faire d’erreur dans un domaine aussi difficile à prévoir que l’investissement. Même Warren Buffett, le célèbre investisseur américain, a récemment admis avoir acquis Kraft à un prix trop élevé. L’important est d’en tirer les leçons adéquates.

«Dans les placements, on ne peut pas toujours avoir de bonnes idées», dit Christine Décarie, vice-présidente principale et gestionnaire de portefeuille chez Placements Mackenzie. Après avoir analysé les placements qui l’avaient le plus déçue, elle s’est rendu compte que c’était souvent une question d’endettement.

«Les entreprises veulent réaliser une transaction pour amener leur société à un autre niveau, mais, pour ce faire, elles prennent beaucoup plus sur le bilan que ce qui serait acceptable», explique-t-elle.

C’est ainsi le cas de PanGeo Pharma, une société de produits pharmaceutiques dans laquelle elle avait pris une participation en 2003. La pharmaceutique a endetté son bilan pour procéder à des acquisitions, mais tout ne s’est pas passé comme prévu et finalement, elle a fait faillite.

Steve Belisle, directeur général et gestionnaire de portefeuille principal au sein de l’équipe Gestion des actions fondamentales canadiennes de Gestion d’actifs Manuvie, a également eu quelques mauvaises surprises avec des entreprises trop endettées. En 2015-2016, il a fait l’acquisition de Newell Brands aux États-Unis, une société qui fournit divers produits de consommation.

«Cette entreprise a fait beaucoup d’acquisitions et a eu des difficultés avec certaines. Elle avait beaucoup de dettes et a subi les contrecoups du commerce en ligne, ainsi que ceux des tarifs douaniers imposés par l’administration américaine et la faillite de Toys « R » Us», confie-t-il.

Même si les événements étaient imprévisibles, le portefeuilliste estime qu’il aurait dû faire preuve de davantage de prudence face au niveau élevé de dettes de l’entreprise.

Un autre de ses mauvais investissements était également difficile à prévoir. À l’époque où il était encore analyste, il avait conseillé d’investir dans une compagnie d’assurance canadienne spécialisée dans les personnes difficilement assurables. À nouveau, l’entreprise a fait plusieurs acquisitions, mais les risques étant élevés par rapport aux réserves de l’entreprise, il y a eu une certaine perte de confiance du marché.

«Cela m’a appris que quand il y a une perte de confiance, peu importe qu’il y ait une explication rationnelle ou non, le titre va être décoté rapidement», déclare-t-il.

Bons apprentissages

Pour ne plus faire les mêmes erreurs, les deux gestionnaires ont décidé de tenir compte d’autres critères dans leur sélection de titres.

«Si je n’ai pas confiance dans l’équipe de direction, je n’envisage même plus d’investir. Je suis également plus méfiante quand une société décide de changer ses logiciels d’opération, car c’est souvent un signe de problèmes. Ça ne veut pas dire que la migration vers un autre logiciel ne se fera pas bien, mais il risque d’y avoir des obstacles et certaines entreprises ne s’en remettent jamais», témoigne Christine Décarie.

Lorsqu’une entreprise la déçoit trimestre après trimestre, elle se questionne aussi sur la raison qui l’a poussée à la choisir. «J’essaie de répondre à la question : « Est-ce que l’entreprise tiendra la route ou ne pourra-t-elle jamais remplir les objectifs qui font que je l’ai choisie au départ ? »» déclare-t-elle.

Steve Belisle et son équipe se focalisent sur les entreprises de bonne qualité, ils analysent donc le rendement du capital investi. Ainsi, dans chaque industrie, ils essaient de détenir les entreprises de meilleure qualité. Ils se montrent également très prudents sur l’évaluation de la dette. «Quand on voit une entreprise avec un niveau de dettes qui n’est pas approprié à la nature de ses affaires, on va être très frileux envers son titre», explique-t-il.

D’excellents coups

Si ces gestionnaires ont fait quelques erreurs de parcours, ils ont aussi fait de très bons coups.

«Ce qui peut être un bon coup est différent pour chaque personne. Pour moi, c’est de découvrir une entreprise qui est au début de son cycle de croissance», résume Christine Décarie.

Dans les années 1990, elle a investi dans de jeunes entreprises qui sont aujourd’hui reconnues, comme Métro, Alimentation Couche-Tard, Quincaillerie Richelieu, ou plus récemment, Groupe CGI.

Plusieurs éléments l’avaient alors attirée, mais ce qui l’a décidée, c’est l’équipe de direction. «C’est souvent des gens qui sont de très bons opérateurs et connaissent bien leur industrie et leur entreprise, et qui sont capables d’amorcer de bonnes transactions», explique-t-elle.

Pour Steve Belisle, la poule aux oeufs d’or a été Microsoft. Anticipant la transformation de l’entreprise vers les souscriptions plutôt que les ventes uniques, il avait acheté le titre en juillet 2014.

«Depuis qu’on a ce titre, on a un rendement annualisé de presque 34 %. Pendant ce temps-là, le S&P 500 a eu un rendement de près de 16 %», déclare-t-il.

Il s’agit encore d’une de leurs plus importantes positions dans leur portefeuille aujourd’hui, car ils estiment que le titre pourrait encore monter.