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Maintenant que le train des nouvelles réformes axées sur le client (RAC) a bel et bien quitté la gare, les organismes de réglementation doivent s’assurer que ces réformes atteignent leurs objectifs et n’entraînent pas de conséquences inattendues.

En effet, ces deux dernières années, les RAC ont imposé beaucoup de coûts et d’efforts d’adaptation aux services de conformité, aux dirigeants de firme, au personnel des services de soutien ainsi qu’aux conseillers. La mobilisation a été particulièrement importante en 2021.

À l’occasion du Pointage des régulateurs 2022, les responsables de la conformité et les dirigeants de l’industrie en avaient d’ailleurs long à dire sur les nombreux efforts qu’ils ont déployés afin de s’y conformer, à un moment où tous devaient déjà s’ajuster au télétravail et aux effets de la pandémie. Certains dénonçaient l’impact financier de ces réformes et le délai jugé trop court pour adapter leur modèle d’affaires aux RAC. Or, peu d’entre eux remettaient en question le bien-fondé de ces réformes.

Pour instaurer de nouveaux formulaires, de nouvelles politiques et procédures et de nouveaux outils favorisant la comparaison des titres et produits financiers, les courtiers ont mobilisé des ressources financières, technologiques et humaines considérables. C’est sans compter toute la formation qu’ont dû suivre les conseillers afin de comprendre ces réformes et la manière d’intégrer à leur quotidien les nouveautés et outils.

De leur côté, une majorité de conseillers en placement jugent que les nouvelles exigences sont voraces en temps, surtout la mise à jour tous les 12 mois des formulaires de connaissance du client que bon nombre de courtiers de plein exercice semblent exiger (lire « Dévoreuses de temps »).

Nos deux sondages dressent un bilan ponctuel des conséquences des RAC ainsi que du travail considérable qu’a fait l’industrie pour s’y adapter. Cependant, à plus long terme, quels en seront les effets, et tous ces efforts aideront-ils réellement le client et le protégeront-ils mieux? Difficile à dire pour le moment, mais nous souhaitons que les organismes de réglementation mesurent ces effets dans le temps.

L’industrie est actuellement en période d’adaptation et de rodage. Les services de conformité ont dû travailler fort, mais les conseillers doivent aussi intégrer les nouvelles façons de faire. Les services de conformité doivent répondre à leurs questions, faire des ajustements. Ils s’adapteront aussi au fur et à mesure qu’évoluera leur compréhension des attentes des régulateurs. Ces dernières seront possiblement plus claires au moment où les régulateurs inspecteront les courtiers.

Finance et Investissement reste optimiste à l’égard des RAC. Celles-ci amélioreront probablement certains aspects de la relation avec les clients et feront primer les intérêts de ces derniers sur ceux des courtiers et des conseillers. Les RAC alimenteront de meilleures conversations entre clients et conseillers, notamment sur l’incidence du coût de leurs investissements sur le rendement à long terme.

Les conseillers devront mieux connaître leurs clients (notamment les actifs qu’ils détiennent ailleurs), ils seront en mesure de concevoir et d’adapter leurs plans financiers et d’offrir de meilleurs conseils.

Les RAC devraient standardiser davantage les évaluations et révisions de produits offerts et possiblement aider à gérer certains biais comportementaux de conseillers.

Maintenant, en ce qui concerne les organismes de réglementation, il serait important qu’ils mesurent l’impact des efforts faits par l’industrie et qu’ils s’assurent que les problèmes qu’ils cherchaient à corriger le sont réellement. Ils doivent aussi continuer de déployer des efforts afin d’aider à l’éducation de la population. Et prêter une attention aux conséquences inattendues de ces réformes.

Par exemple, chaque nouvelle réforme est susceptible de donner lieu à une vague de segmentation chez les conseillers, qu’elle provienne de leur initiative ou de celle de leur courtier. Combien de conseillers et de courtiers vont adapter leur modèle d’affaires afin de soustraire de leur clientèle les détenteurs de petits comptes?

Dans le cadre du Pointage des courtiers québécois, un conseiller en placement illustrait d’ailleurs les effets de la segmentation. « Les régulateurs ne sont pas là pour protéger les petits investisseurs. Les clients sont barouettés d’un planificateur à l’autre. Mes clients sont importants, peu importe l’actif », disait-il.

Par ailleurs, l’un des buts des RAC semble être de stimuler la conversation entre clients et conseillers sur l’effet à long terme du coût des placements. Est-ce que les conseillers vont réellement discuter avec leurs clients afin de leur expliquer cet effet sur l’atteinte de leurs objectifs et ainsi stimuler l’adoption de produits à faible coût pour une part importante du portefeuille ?

Suivre des indicateurs leur permettant de mesurer l’efficacité des réformes et l’apparition de conséquences inattendues fait aussi partie du rôle des organismes de réglementation.

L’équipe de Finance et Investissement