Une femme devant un cercueil avec une rose rouge.
kzenon / 123rf

C’est la règle fiscale de base qu’ont formulée Martine Cormier, CPA, CA, et Natalie Hotte, D. Fisc., Pl. Fin., conseillère principale, planification et fiscalité au Trust Banque Nationale, lors d’une conférence présentée par l’Association de planification fiscale et financière (APFF), à Montréal, le 22 janvier dernier.

Cette façon de faire permet de cristalliser la valeur du CELI qu’il sera possible de transférer au conjoint survivant par roulement fiscal et ainsi d’éviter que des pertes de la valeur marchande du compte ne réduisent le transfert au CELI du conjoint survivant.

Voyons pourquoi ces fiscalistes en arrivent à cette règle de base. D’abord, lorsque le titulaire d’un CELI décède, il peut transférer son CELI à son conjoint survivant par roulement fiscal. Cette opération devient fiscalement avantageuse, puisque le conjoint se retrouve avec davantage de capital à l’abri de l’impôt jusqu’à son propre décès.

Pour ce faire, le conjoint peut être soit un titulaire remplaçant, soit un bénéficiaire survivant.

Le hic est qu’une exception légale au Québec fait que peu de clients pourront désigner leur conjoint comme titulaire remplaçant, même si cette façon de transférer un CELI est avantageuse. En effet, dans le cas où on désigne un titulaire remplaçant, il n’y a pas de cessation du CELI, donc pas d’imposition des revenus ou de la plus-value après le décès.

« Au Québec, il est impossible de nommer un titulaire subrogé pour un CELI qui n’est pas un contrat de rente ou d’assurance, a indiqué Natalie Hotte. Attention, cependant, car même ces produits pourraient être problématiques, compte tenu de l’application de certains articles du Code civil. Étant donné cette incertitude juridique, certains juristes recommandent d’être vigilant en en parlant aux clients. Dans tous les cas, le mot d’ordre est : renseignez-vous ! »

Il est donc fort probable que les clients québécois n’aient pas de titulaire remplaçant pour leur CELI et cette situation est moins avantageuse fiscalement lorsqu’on veut transférer un CELI au conjoint survivant.

En effet, au moment du décès du titulaire du CELI, ce compte enregistré cesse d’être « exempt d’impôt ». Ainsi, si le paiement fait à l’héritier ou à la succession à partir de cette fiducie CELI est supérieur à la juste valeur marchande du CELI au moment du décès, ce paiement devient imposable comme un revenu de fiducie. Cette dernière phrase est vraie lorsque le paiement est fait durant la période d’exemption, laquelle débute au moment du décès du titulaire et se termine le 31 décembre de l’année qui suit celle du décès. Après la période d’exemption, la fiducie CELI devient imposée au taux marginal le plus élevé sur tous les revenus. De plus, le roulement au CELI du conjoint survivant n’est plus possible.

Exemple chiffré 

Martine Cormier a donné l’exemple fictif suivant pour illustrer certains enjeux fiscaux liés au legs d’un CELI. Un client est décédé le 20 janvier 2019 et la valeur de son CELI s’établissait à 60 000$. Dans son testament figure une clause de legs particulier du CELI à son conjoint. Ce dernier souhaite donc profiter de la période d’exemption afin de faire une cotisation exclue à son CELI, c’est-à-dire une cotisation qui ne touche pas ses droits inutilisés de cotisation à un CELI. Dans ce cas, la période d’exemption, au cours de laquelle il n’y a pas d’imposition dans la fiducie CELI, se termine le 31 décembre 2020.

« Si on attend au 15 novembre 2020 pour effectuer le paiement au conjoint et que la juste valeur marchande du CELI est alors de 70 000$, la cotisation exclue à son CELI est de 60 000$. Un feuillet T4A sera émis à la succession ou à l’héritier pour les autres revenus de 10 000$ », indique-t-elle.

Si les marchés sont volatils et qu’au 15 avril 2019 le CELI a une juste valeur marchande de 50 000$, la cotisation exclue au CELI du conjoint sera alors de 50 000 $ et la perte de 10 000 $ sera justement… perdue, selon elle.

D’où la règle selon laquelle, généralement, il vaut mieux fermer le plus tôt possible le CELI du titulaire défunt.

« Pour que la cotisation du paiement au survivant soit considérée comme une cotisation exclue pendant la période de roulement, [le conjoint] devra la désigner sur le formulaire RC240, Désignation d’une cotisation exclue – compte d’épargne libre d’impôt (CELI), dans les 30 jours après l’avoir faite ou à tout autre moment que le ministre responsable estime acceptable », apprend-on sur le site de l’Agence du revenu du Canada.

Considérant ces faits, en période de volatilité, le conseiller devrait-il rapidement liquider les placements contenus dans le CELI après le décès du titulaire afin que ceux-ci aient une valeur semblable à la juste valeur marchande au moment du décès ?

La réponse n’est pas toute blanche ou toute noire, d’après Natalie Hotte : « Toutefois, lorsque possible, sur le plan fiscal, le CELI du défunt devrait être fermé afin de cristalliser le montant qui sera admissible à la cotisation exclue pour le conjoint survivant. Généralement, les placements dans le CELI pourront soit être vendus, soit transférés en biens dans le compte de la succession ou de l’héritier. De plus, pour les placements transférés en biens, la fermeture du CELI permettra que la plus-value ou moins-value conserve sa nature de gain ou de perte en capital. »

Cotiser au CELI avant un décès imminent 

Dans la conférence présentée par l’APFF, intitulée REER, FERR, CELI et décès : Révélations qui vont changer votre pratique !, Martine Cormier a proposé la stratégie suivante dans le cas où un client ayant d’importants droits inutilisés de cotisation à un CELI est encore en vie, mais risque fort de mourir dans un avenir rapproché.

Dans ce cas, ce client pourrait emprunter pour cotiser à son CELI. Après son décès, on pourrait, si son testament le permet, faire le roulement du CELI au conjoint survivant. Celui-ci pourrait par la suite faire des retraits réguliers de son CELI afin de rembourser le prêt. Ces retraits créent des droits de cotisation au CELI l’année suivante.

Prenons le cas de deux clients qui n’ont jamais cotisé à un CELI et qui avaient plus de 18 ans en 2009. Les droits de cotisation inutilisés cumulatifs s’élèvent à 63 500$ chacun en 2019, pour un total de 127 000$ pour le couple. Si en 2019 on met en oeuvre correctement la stratégie proposée, étant donné la maladie grave d’un des membres du couple, le conjoint survivant se retrouverait, en 2020, avec des droits de cotisation à son CELI deux fois plus importants, à savoir de 133 000$ (127 000$ + 6 000 $) plutôt que de 69 500 $ (63500$ + 6 000$).

Ce droit de cotisation supplémentaire au CELI est bienvenu, par exemple lorsque le conjoint survivant cherche une façon fiscalement avantageuse d’investir le capital-décès qu’il a reçu de la police d’assurance de son conjoint, note Martine Cormier.

Par ailleurs, un autre constat s’est imposé à la conférence de l’APFF. Il s’agit de l’importance que tous les professionnels (conseiller, notaire, fiscaliste, planificateur financier, etc.) au service du client défunt et de sa succession travaillent en équipe afin de réaliser le meilleur plan financier et fiscal pour le client. En clair, lorsque la planification est adéquatement arrimée au testament du client et que tous les professionnels se coordonnent pour bien exécuter le plan, les probabilités sont meilleures qu’on obtienne le résultat voulu et qu’on évite des erreurs coûteuses.