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Près de la moitié (46 %) des conseillers en sécurité financière interrogés dans le cadre du Baromètre 2018 de l’assurance de Finance et Investissement considèrent que les concours de vente, les bonis et les voyages sont des pratiques vouées à disparaître.

«Les incitatifs de vente sont déjà à la baisse ; quand les plateformes d’analyse seront plus détaillées et sophistiquées, il sera facile de se passer d’un conseiller et donc, ces incitatifs disparaîtront», affirme l’un des répondants du sondage.

Pour d’autres, cette disparition n’est pas une certitude, mais plus un désir : «Je souhaite que les voyages disparaissent ! Quelles plaies que ces entreprises qui fonctionnent avec des gratifications à court terme», dit un conseiller.

Lyne Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), estime qu’il est difficile de savoir si ces pratiques sont réellement vouées à disparaître.

Elle souligne cependant que l’Autorité des marchés financiers (AMF) déclarait dans son rapport publié en juillet 2017 sur «La gestion des risques de conflits d’intérêts liés aux incitatifs» que les concours de vente représentaient un «risque élevé de conflits d’intérêts».

Le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) a déclaré qu’il allait faire des travaux cet automne sur la question des conflits d’intérêts en matière d’assurance.

La présidente de l’ACCAP annonce que son association a justement été appelée à collaborer et à donner son avis sur ces questions. L’association avait publié son point de vue sur «les incitatifs sous forme de congrès et de voyages liés au placement de polices pour le compte d’assureur» en 2015. Dans son rapport intitulé «La distribution d’assurance au Canada : Promouvoir un système axé sur le client», l’ACCAP avait déclaré que ce genre d’incitatif pouvait contribuer à hausser la «perception de conflit d’intérêts».

Cependant, si tous semblent s’accorder sur les possibles conflits d’intérêts que peuvent engendrer ces pratiques, Lyne Duhaime estime qu’il est impossible de prédire si les autorités de réglementation vont éliminer certaines formes de rémunération ou d’incitatif dans le domaine de l’assurance de personnes.

«C’est difficile de savoir où les régulateurs vont arriver. Je pense qu’il est toutefois un peu prématuré de conclure quels incitatifs vont disparaître», soutient-elle.

D’après la présidente de l’ACCAP, il est de toute façon impossible de supprimer totalement les conflits d’intérêts potentiels. «Selon la position de l’AMF, toute forme de rémunération ou de reconnaissance autre qu’un salaire de base représente un conflit d’intérêts», rappelle-t-elle.

Cependant dans son «Rapport annuel sur les institutions financières 2017», l’AMF affirmait que l’industrie financière québécoise avait encore des efforts à faire afin d’instaurer une culture du traitement équitable des consommateurs au sein des institutions financières, malgré l’avancement dans la mise en oeuvre des principes énoncés dans la «Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales».

Et si rien ne prédit que les autorités de réglementation décident d’abolir certaines pratiques, il est certain qu’elles vont exiger que ces conflits d’intérêts soient gérés. Selon Lyne Duhaime, l’une des solutions à ce sujet serait davantage de transparence dans la divulgation de la rémunération du conseiller.

Justement, dans une directive publiée par le CCRRA au début de mai, on peut lire qu’«avant de conclure un contrat d’assurance, [les assureurs et les intermédiaires doivent] éviter ou gérer adéquatement tout conflit d’intérêts potentiel». Ils doivent également «s’assurer que les conflits d’intérêts sont communiqués adéquatement et que cela ne fait pas porter au client un fardeau déraisonnable».

Haro sur les commissions de première année

Une autre pratique ciblée par les répondants au sondage est la commission de première année ou commission initiale sur la signature d’une police d’assurance de personnes. L’un des répondants estime ainsi que celle-ci disparaîtra pour être remplacée par des commissions nivelées sur plusieurs années.

Dans son «Document de réflexion sur la gestion des risques de conflits d’intérêts liés aux incitatifs», l’AMF avait conclu qu’effectivement, la bonification liée à la commission initiale représentait un «risque moyen» de conflits d’intérêts et qu’elle pouvait ainsi mener à «de mauvaises pratiques commerciales».

Cependant, aucune mesure n’a encore été prise pour contrer la surenchère de bonification pour les commissions de première année offertes par les agents généraux.

«Les commissions de première année sont un autre exemple. Toute forme de rémunération crée un conflit d’intérêts. Il faut juste s’assurer que ce conflit est géré et que le conseiller agit dans le meilleur intérêt du client, malgré l’incitatif de vente. C’est dans cette optique que la question va être traitée et abordée dans les prochains mois par les régulateurs», explique Lyne Duhaime.

Il est difficile de savoir dans quel sens pencheront les autorités de réglementation canadiennes sur ces questions. Cependant, à moyen terme, les conseillers en sécurité financière devraient être en mesure de connaître le résultat des consultations faites à ce sujet. La gestion des conflits d’intérêts liés à la rémunération des conseillers et la transparence guideront définitivement ces dernières.