Les régulateurs vous répondent
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Marie Elaine Farley
Présidente et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière (CSF)

Finance et Investissement (FI): Les répondants sondés trouvent que les délais d’enquête sont trop longs et que cela suscite de l’incertitude chez les représentants. Y aurait-il lieu d’améliorer le processus ?

Marie Elaine Farley (M.E. F.) : Nous avons une équipe de 20 personnes dans ce service, et bon an mal an, nous avons environ 500 dossiers à traiter. Tout le monde peut se plaindre à la Chambre et nous devons avoir la version des deux parties. Il faut aussi donner le temps au représentant visé de répondre.

Je ne dis pas que nous avons de mauvais délais, mais il faut voir la façon dont on traite chaque dossier. Certains sont plus rapides à traiter que d’autres, tout dépend de la gravité. Plus de ressources seront allouées pour une allégation d’appropriation de fonds, parce que l’image de la profession et la protection du public sont en jeu.

Je comprends que pour le représentant, ça puisse être inquiétant, mais il faut prendre le temps de bien faire le travail. En moyenne, nos enquêtes durent de sept à neuf mois. C’est comparable à d’autres organismes d’autoréglementation. Et si on ne faisait pas bien notre travail, l’Autorité des marchés financiers nous le dirait. Alors, nous avons tout intérêt à bien faire les choses.

FI : Les responsables de la conformité aimeraient être consultés davantage. Ils disent ne pas savoir de quelle faute le conseiller est suspecté avant le jugement et apprécieraient être tenus au courant du déroulement de l’enquête. Qu’en pensez-vous ?

M.E. F. : Nous recevons parfois des plaintes infondées, et cela ne paraît pas à première vue. La personne n’a peut-être pas commis de faute, alors pour des raisons évidentes, les enquêtes doivent être confidentielles pour éviter que des gens innocents se retrouvent à la rue.

Le processus devient public lorsque la plainte est déposée devant le comité de discipline. Cependant, l’enquête reste étanche pour protéger tout le monde.

Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de rapprochement à faire avec les responsables de la conformité et nous travaillons à trouver des mécanismes de collaboration. Nous sommes ouverts à le faire dans la mesure où nous le pouvons en nous assurant de mener les enquêtes en toute indépendance. Il est déjà arrivé qu’on échange avec un responsable de la conformité dans le cadre d’une enquête, c’est du cas par cas.

FI : Les répondants estiment que la réglementation n’est pas assez vulgarisée et qu’ils apprennent souvent les fautes commises lors de l’inspection. Quels ajustements pourraient être apportés ?

M.E. F. : Il y a toujours possibilité d’amélioration, mais je suis surprise parce que nous avons eu un taux de satisfaction de 94 % pour notre cours sur la conformité, axé sur les bonnes pratiques et bien vulgarisé. Notre site Info-déonto contient une rubrique qui répond aux questions les plus fréquemment posées par les membres. Les médias sociaux nous permettent aussi d’échanger avec eux. J’ai également entrepris une tournée régionale pour comprendre les besoins et améliorer le soutien à la pratique. Nous faisons beaucoup, mais peut-être que c’est méconnu.

D’autre part, il faut être conscient des coûts. Je peux augmenter ma cotisation de 300 % et avoir une équipe de 40 personnes, mais je ne pense pas que ce serait souhaité. Quand on compare notre effectif à celui d’autres organisations, vu le nombre de dossiers traités et les salaires qui y sont attribués, je peux vous dire que nous sommes efficaces.

Lire aussi – Dossier – Pointage des régulateurs 2016

Claudyne Bienvenu

Vice-présidente pour le Québec

Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM)

Finance et Investissement (FI): Les répondants reconnaissent que les inspections de l’OCRCVM sont efficaces, toutefois, plusieurs se plaignent des délais de réponse aux questions de l’industrie. Qu’avez-vous à dire à ce sujet et comment pourriez-vous améliorer le processus ?

Claudyne Bienvenu (C.B.) : L’OCRCVM dispose déjà d’un certain nombre de canaux officiels et non officiels pour répondre aux demandes de renseignements des membres d’une manière à la fois pratique, rapide et pertinente.

L’OCRCVM fait participer les sociétés et les personnes inscrites à une variété de comités permanents ainsi qu’au conseil de section de chaque province. Nos conférences annuelles sur la conformité, tenues au Québec, à Toronto et dans l’Ouest du Canada, comportent aussi des ateliers qui donnent l’occasion de trouver des solutions aux défis de nos membres. Le personnel de l’OCRCVM interagit régulièrement avec ceux-ci pour les aider à clarifier les attentes en matière de réglementation.

Le travail que nous avons fait pour aider les sociétés à mettre en oeuvre les exigences du Modèle de relation client-conseiller (MRCC) et les foires aux questions que nous publions régulièrement pour répondre aux questions qui nous sont envoyées en sont un bon exemple. Nous continuons de faire valoir auprès de notre personnel l’importance d’un travail constructif avec les courtiers et les personnes inscrites afin de répondre rapidement à leurs questions.

FI : Les plus petits courtiers se plaignent de ne pas être entendus. Certains proposent de créer un comité pour faire valoir leurs préoccupations. Qu’en pensez-vous ? L’OCRCVM devrait-elle repenser sa vision de l’industrie ?

C.B. : L’OCRCVM fait plusieurs choses pour faire participer les petites sociétés indépendantes à l’élaboration des politiques. Nous travaillons avec le Comité des petites sociétés de courtage de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), et lors de nos conférences annuelles sur la conformité, nous tenons des séances interactives avec les courtiers de petite taille.

Nous croyons que l’intérêt public est mieux servi par un groupe de membres diversifiés, et nous nous attachons à tenir compte de ces différences dans notre approche en matière de conformité.

Nous reconnaissons que les sociétés devraient disposer d’une certaine latitude pour utiliser des pratiques commerciales qui sont conformes, mais qui diffèrent selon la taille et le modèle d’entreprise de chacune.

FI : Plusieurs répondants trouvent que les formations et l’application des règles de l’OCRCVM coûtent cher. Qu’en pensez-vous ?

C.B. : Nous sommes conscients que nos membres peuvent être assujettis à la réglementation d’autres instances. Nous devons harmoniser nos règles lorsque cela est possible, afin d’éviter les dédoublements et les coûts excessifs, tout en assurant la protection des investisseurs.

Notre processus d’élaboration des politiques comporte des étapes qui ont pour but de cerner toute autre approche possible et d’évaluer les conséquences de chacune, de façon à nous assurer que nos projets de règles et de notes d’orientation procurent le maximum d’avantages sans entraîner de conséquences indues.

Pour revoir son modèle d’assurance des compétences, l’OCRCVM a procédé à une vaste consultation auprès des parties intéressées afin d’évaluer la qualité et le coût des cours.

L’OCRCVM a retenu CSI comme prestataire de formation. Le contrat conclu entre l’OCRCVM et CSI abaisse les plafonds fixés antérieurement à l’égard de l’augmentation des droits d’inscription aux cours et limite à 1,75 % la hausse annuelle des droits de chaque cours que doivent suivre les employés des membres de l’OCRCVM.

Étant donné que les droits d’inscription au Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada peuvent être considérés comme une barrière à l’entrée dans le secteur, le contrat limite à 1,75 % la hausse des droits imposés aux membres et aux non-membres de l’OCRCVM pour s’inscrire à ce cours.

Louis Morisset

Président-directeur général

Autorité des marchés financiers (AMF)

Finance et Investissement (FI) : Plusieurs répondants ont relevé le manque d’encadrement et de clarté des règles. Ils déplorent le fait que l’AMF les renvoie à l’article de règlement, sans plus de précision, ou les invite à parler à leur contentieux pour interpréter la Loi. Les représentants, disent-ils, apprennent les fautes commises lors de l’inspection. Y a-t-il des améliorations à apporter sur ce point ?

Louis Morisset (L.M.) : Nous sommes conscients que certains de nos assujettis ont plus de difficulté concernant l’approche de la réglementation basée sur les principes et qu’ils souhaiteraient que les obligations à l’égard de la conformité règlementaire puissent se résumer à une liste d’éléments à cocher. Cependant, d’autres apprécient cette approche, car elle leur permet une plus grande marge de manoeuvre pour établir un système de conformité adapté à leurs besoins.

L’Autorité offre à l’industrie diverses formes d’assistance, comme le Centre d’information pour des informations générales à l’égard de ses obligations. Pour des questions plus poussées, elle peut communiquer avec certaines directions plus spécialisées ou solliciter une rencontre plus formelle pour discuter d’un sujet en particulier.

L’Autorité publie également des avis d’interprétation sur l’application des règles qu’elle administre. Toutefois, elle ne peut agir à titre de procureur et produire des opinions juridiques pour ses assujettis, et ne peut évidemment pas prendre en charge cette responsabilité qui leur incombe. Nous offrons un soutien à l’industrie, sans franchir la limite du conseil juridique individualisé.

Sur le point concernant les inspections, il est tout à fait normal que des assujettis apprennent certaines fautes commises lors d’un processus d’inspection. Ceci fait partie d’un processus sain de rétroaction et d’amélioration continue pour l’industrie.

FI : Des répondants ont soulevé une disparité dans les inspections et dans l’application des changements liés à l’inspection. Ils ont l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures, et que ce qui est relevé chez l’un ne le sera pas nécessairement chez l’autre… comment expliquez-vous ce manque d’uniformité dans les processus d’inspection ?

L.M. : Nous ne partageons pas cet avis, et il n’y a pas deux poids, deux mesures dans notre approche d’inspection. Nos programmes d’inspection dans les secteurs des valeurs mobilières et de la distribution des produits et services financiers sont conçus de façon à permettre la validation par rapport aux lois et règlements encadrant la pratique de l’industrie. Les programmes sont modulés de façon à faire le tour des obligations législatives et règlementaires qu’une entité encadrée par l’Autorité doit respecter.

Quelles que soient la taille ou l’importance du cabinet ou de la firme, le programme des inspecteurs leur permet de faire des vérifications des systèmes de contrôle et de supervision d’une entité, du respect de ses obligations dans ses relations avec ses clients ou encore de sa conformité financière.

Vous comprendrez que nous passerons moins de temps à effectuer notre travail chez une entité à représentant unique qui a une cinquantaine de clients que chez une autre qui supervise le travail de plus de 500 représentants, et ce, tout comme un comptable ou un vérificateur interne.

Nous avons confiance dans l’uniformité de nos processus d’inspection tout en comprenant que nous devons continuer à nous améliorer et à travailler sur un certain nombre de perceptions.

FI : De nombreux répondants ont soulevé le manque d’écoute de l’AMF. Ils trouvent que l’Autorité est déconnectée de la réalité des plus petits cabinets et des représentants, pour qui le respect des règles impose une charge administrative de plus en plus lourde et coûteuse. Certains disent que l’AMF se fiche des petits cabinets. Que leur répondez-vous ?

L.M. : L’Autorité ne partage pas du tout ces opinions et estime qu’il est important de faire cesser cette perception que l’Autorité n’est pas accessible ou qu’elle n’écoute pas certains groupes d’intervenants, dont les petits cabinets.

Que ce soit par des rencontres avec les intervenants de l’industrie ou pour soutenir les plus petits acteurs, l’Autorité déploie des efforts considérables pour écouter et pour comprendre les préoccupations de l’industrie et lui prêter assistance.

En plus d’être l’instigatrice de rencontres annuelles avec l’industrie, notamment le Rendez-vous avec l’Autorité, l’AMF participe à de nombreux événements où sa présence et sa participation sont sollicitées par l’industrie.

Ces différentes tribunes permettent de diffuser son message à un public plus large, mais permettent également, en marge de ces rencontres, d’échanger de façon plus personnelle et informelle avec les membres du secteur financier.

L’Autorité a aussi proposé au gouvernement des aménagements aux règles de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels pour accommoder les plus petits acteurs dans l’éventualité de leur application au Québec.

Dans le cadre de la révision de la Loi sur la distribution, on a entendu un certain courant de pensée selon lequel l’Autorité ne connaîtrait pas le «terrain», alors que les Chambres le connaissaient. Rien n’est plus faux ! Le mandat des Chambres se limite à la déontologie et à l’administration de la formation continue. Or, l’Autorité, de par sa mission, a plusieurs contacts directs avec les cabinets et les représentants.