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Les conseillers en sécurité financière interrogés dans le cadre du Baromètre 2018 de l’assurance de Finance et Investissement ne parviennent pas à s’entendre sur la vente de produits d’assurance vie en ligne sans l’intervention d’un professionnel.

«Les autorités de réglementation envoient un message contradictoire en mettant d’une part de la pression sur les règles de conformité du conseiller, et d’autre part, en faisant croire au public qu’elles veillent sur l’industrie, tout en tolérant une « walmartisation » de l’assurance», soutient un répondant.

Le projet de loi 141 du gouvernement du Québec, adopté à la fin de la dernière session parlementaire, prévoit l’ouverture à la vente de certains produits d’assurance de personnes.

Dès juin 2019, les clients pourront obtenir des produits directement en ligne sans avoir à parler avec un conseiller en sécurité financière dûment enregistré auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

D’ici là, le régulateur a promis de tenir des consultations et de prendre des mesures pour encadrer, avec des balises claires, la distribution de produits d’assurance par Internet.

Le débat fait rage depuis deux ans et les arguments de manque de connaissance des clients et de besoins de conseils d’une personne physique n’ont pas convaincu le ministre des Finances, Carlos Leitão, et les membres de la Commission des finances publiques de revenir sur leur proposition.

Malgré tout, les deux tiers des conseillers interrogés voient d’un mauvais oeil l’ouverture à la vente en ligne.

«Vous croyez qu’un client va s’ouvrir à parler de ses rêves, projets, perception de la vie à un parfait étranger qu’il n’a jamais vu et qu’il ne reverra jamais ? Imaginez-vous la qualité de l’analyse qui est à la base de la recommandation», explique l’un d’eux.

Ils croient que les clients connaîtront des difficultés au moment de faire des réclamations.

Un répondant explique qu’une soumission pour une police d’assurance vie faite en ligne sans tests médicaux demandés pourrait receler des surprises si jamais la maladie frappe le client subitement.

L’assureur demandera alors des preuves médicales au moment de la réclamation du client, alors que ce dernier est malade.

«Dans la majorité des cas, le client ne comprend pas les détails de la police d’assurance vie […] La plupart du temps, le client n’obtiendra pas la totalité du montant qu’il pensait avoir», dit-il.

Un autre commentaire fréquent fait par les conseillers en sécurité financière se positionnant contre la vente en ligne d’assurance vie est de savoir à qui profitera réellement cette nouvelle loi.

«Ce projet vise la vente massive pour augmenter les profits des banques et des caisses», explique l’un d’eux, faisant écho à des propos similaires.

Vivement le progrès technologique

Près du tiers des conseillers interrogés croient néanmoins que la distribution de produits d’assurance en ligne est une bonne chose ou n’ont pas d’opinion sur le sujet.

Ces derniers soutiennent qu’il s’agit tout simplement d’un rattrapage législatif face à une tendance mondiale.

«La technologie et les logiciels sont de plus en plus performants pour guider les consommateurs dans une démarche d’étude de besoins et dans l’évaluation des types de protection requise. Malgré cela, l’expertise du conseiller est une valeur sûre pour aider le consommateur dans ses choix», souligne l’un d’eux.

Ce commentaire rejoint celui d’un autre conseiller : «Je crois que nous devons saluer le changement et l’innovation, pour une fois que nous y assistons dans notre domaine. Notre objectif commun devrait être d’aider les familles à établir une situation financière plus saine et de grossir leur patrimoine, il ne faut pas l’oublier», dit-il.

Augmentation du nombre de clients ?

Certains répondants, bien qu’ils voient d’un mauvais oeil la vente de produits d’assurance de personnes simplifiés en ligne, considèrent qu’à terme, ils enregistreront une augmentation de leur clientèle.

«Cette ouverture à la vente en ligne nous apportera plus de clients, puisqu’elle va créer de l’incertitude chez les clients», souligne un conseiller en sécurité financière.

Un autre répondant ne considère pas le choix des législateurs québécois comme problématique, mais croit que les limitations technologiques forceront les clients à revenir vers un professionnel de l’assurance de personnes.

«Au moment d’une réclamation, les clients vont constater l’importance du conseil et ils vont se tourner vers les conseillers, dit-il. C’est malheureusement une réalité.»