Les réserves entendues

On veut étatiser la retraite : bien que le gouvernement ou une agence aurait éventuellement à administrer ce nouveau régime, le gouvernement n’aurait pas à financer celui-ci, les cotisations des employés et des employeurs financeront ce régime. Ce nouveau régime ne constituerait donc pas une prise en charge supplémentaire par l’état d’une responsabilité individuelle, les particuliers devront encore épargner en vue de la retraite.

On veut forcer les québécois à travailler plus longtemps : le régime prendra en charge une partie des revenus de retraite à partir de 75 ans. Les particuliers devront encore épargner s’ils désirent quitter plus tôt à la retraite ou toucher des revenus supplémentaires. La liberté de quitter plus tôt à la retraite découlera de l’épargne individuelle.

Encore une autre taxe : ce régime serait pleinement capitalisé et paiera des prestations de retraites. Il s’agit plutôt d’une forme d’épargne systématique. Est-ce que tous auraient les moyens de payer cette nouvelle cotisation? Peut-être pas, dans quel cas des mesures d’atténuation devraient possiblement être instaurées. Est-ce que l’épargne REER constitue une taxe pour le particulier? Non, la rente longévité non plus. Toutefois, pour l’employeur, cela constituera effectivement une nouvelle taxe sur la masse salariale (voir plus loin).

On veut forcer les québécois à épargner: en lien avec la réserve précédente. Force est d’admettre que les québécois n’épargnent pas suffisamment pour la retraite, voici une solution. Une solution parfaite : non, une panacée : non, mais un excellent bout de chemin. Encore une fois, avec la mutualisation du risque de survie, les cotisants profiteraient d’un gain d’efficacité, par une diminution de l’effort d’épargne retraite requis. En conclusion, pour le même objectif de retraite (dollar pour dollar) on diminuera l’effort d’épargne.

Impact négatif sur le SRG : les particuliers à faible revenus et ayant droit au Supplément de revenu garantis verraient leurs prestations de ce régime diminuées. On ferait donc cotiser des particuliers à ce nouveau régime afin de recevoir des prestations qui étaient déjà partiellement payable par le SRG. Vrai, toutefois dans un mémoire déposé par l’IQPF , des mesures d’atténuation sont proposées (exemption de cotisations pour les faibles salaires, retrait ponctuel des petites rentes longévités).

Cette réserve ne doit pas être balayée du revers de la main d’autant plus qu’elle touche des aspects financiers et émotifs de la situation financière des particuliers. D’une part en poussant cet argument à la limite, il serait discutable de travailler parce que le salaire perçu rend inéligible à l’aide sociale. D’autre part, si un tel argument avait prévalu en 1966 (même si le SRG n’a vu le jour qu’en 1967) force est d’admettre que le Régime de rentes du Québec n’aurait probablement jamais vu le jour. La question se pose, sommes-nous en meilleure santé financière, aujourd’hui, en raison du RRQ ou en pire santé financière? Poser la question, c’est y répondre!

Les jeunes se font encore avoir : puisqu’aucun service passé ne serait considéré au moment de la création de la Rente Longévité, les plus jeunes travailleurs, ceux qui cotiseront le plus longtemps à ce régime, seront ceux qui profiteront éventuellement le plus de cette initiative, respectant ainsi l’équité intergénérationnelle. Des ajustements proposés dans le mémoire de l’IQPF (modulation de la cotisation ou de la prestation selon l’âge du particulier au moment de la création du régime) renforceraient même cette équité.

Nous n’avons pas les moyens d’un tel régime : avons-nous les moyens de ne rien faire?

Attendons de nous entendre avec les autres provinces ou le fédéral : la mise-en-place d’un tel régime nécessiterait des pourparlers avec le fédéral (notamment en ce qui à trait à l’impact sur le facteur d’équivalence, à l’impact sur le SRG et le traitement fiscal du régime). Toutefois, attendre d’avoir un consensus, équivaudrait reporter le projet aux calendes grecques.

Augmentation des taxes sur la masse salariale : du moins pour les employeurs qui n’offrent pas de régime PD, ces derniers pourront en effet coordonner leur rente avec la rente longévité, la création de la rente longévité se traduira par une nouvelle taxe de 1,65% sur la masse salariale. VRAI, mais le statu quo n’est pas souhaitable.

Il risque de se passer beaucoup de temps avant qu’un tel régime ne voit le jour et ce régime prendrait ensuite beaucoup de temps avant de verser des prestations matérielles. Ce régime ne règle donc en rien, à court terme, le défi de la retraite pour les très nombreux québécois qui quitteront à la retraite d’ici 10 ans. Pour ceux-là, d’autres mesures seront nécessaires. Entre-temps, peut-on quand même travailler à sécuriser la santé financière de nos enfants? En passant les miens ont 13 et 15 ans.