Obligation fiduciaire : les ACVM divisés
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Dans le cadre de la consultation sur les Propositions de rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients menée par les autorités membres des ACVM, celle-ci, à l’exception de la British Columbia Securities Commission (BCSC), procèdent également à une consultation sur l’éventuelle introduction d’une norme règlementaire d’agir au mieux des intérêts du client.

Dans le contexte de la législation canadienne en valeurs mobilières, les ACVM estiment que toute norme d’agir au mieux des intérêts du client devrait prendre la forme d’une norme de conduite règlementaire et non celle d’une obligation fiduciaire ou même la reformulation d’une telle obligation.

Les ACVM indiquent à cet effet que « le contenu de la norme règlementaire d’agir au mieux des intérêts du client est plus détaillé et mieux adapté à la relation client-personne inscrite qu’une obligation fiduciaire légale ne le serait ».

On souligne aussi dans le document de consultation que l’obligation fiduciaire et son contenu résultent principalement de la jurisprudence. Selon les ACVM, les mesures correctives fondées sur une obligation fiduciaire sont peut-être trop rigoureuses pour tous les manquements commis par les personnes inscrites.

De même, les ACVM estiment que l’obligation fiduciaire, tel que définie par le common law, « ne présente pas la clarté manifeste et la précision que nous souhaitons et auxquelles les personnes inscrites s’attendent en ce qui concerne leurs normes de conduite quotidiennes ».

La proposition

La norme règlementaire d’agir au mieux des intérêts du client indique que le courtier inscrit, le conseiller inscrit et leurs représentants devront agir avec honnêteté, bonne foi et loyauté dans leurs relations avec les clients et agir dans leur intérêt.

La proposition des ACVM indique que pour respecter la norme de diligence, la personne inscrite devrait se conduire de manière prudente, impartiale et raisonnable, et s’en remettre à cinq principes : « agir au mieux des intérêts du client, éviter ou contrôler les conflits d’intérêts en priorisant l’intérêt du client, fournir de l’information complète, claire et pertinente en temps opportun, interpréter la loi et les ententes avec le client en favorisant l’intérêt de celui-ci en cas d’interprétations raisonnablement conflictuelles, agir avec diligence ».

Quatre réserves soulevées

Les autorités consultantes n’ont pas arrêté leur décision quant à l’adoption de cette norme. Bien que l’AMF soit engagée dans la consultation sur la norme d’agir au mieux des intérêts du client, le régulateur exprime de sérieuses réserves sur les avantages réels liés à l’introduction d’une norme de conduite, en raison notamment de l’environnement règlementaire et commercial actuel.

Plus spécifiquement, l’AMF, à l’instar de la BCSC, de l’Alberta Securities Commission (ASC), de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba (CVMM) et de la Nova Scotia Securities Commission (NSSC), exprime une série de réserves face au projet de norme règlementaire d’agir au mieux des intérêts du client.

En premier lieu, l’AMF estime que le projet de norme d’agir au mieux des intérêts du client pourrait exacerber le décalage entre les attentes des clients et les obligations des personnes inscrites en raison des catégories d’exercice restreint existantes et des modèles d’entreprise exclusifs autorises au Canada.

Les autorités exprimant des réserves indiquent que « les clients pourraient s’attendre à ce que les personnes inscrites aient une obligation non limitée d’agir dans leur intérêt, sans comprendre que certains conflits seraient encore permis ».

Elles estiment aussi qu’il « serait impossible d’imposer aux modèles d’entreprise qui se rapprochent de celui du ‘‘vendeur » une norme règlementaire qui soit réellement une ‘‘norme d’agir au mieux des intérêts du client » et qu’une telle norme ne pourrait empêcher certains conflits fondamentaux de se produire entre les personnes inscrites et leurs clients. De même, elles avancent que le projet de norme pourrait « pousser les clients à tomber dans la complaisance ».

Deuxièmement, les autorités exprimant des réserves croient que le projet de norme d’agir au mieux des intérêts du client sera source d’incertitude juridique, parce qu’il ne « crée pas de norme claire que les personnes inscrites doivent respecter et que les autorités de règlementation puissent appliquer ».

La norme proposée aux fins de la consultation « autorise la continuation de modèles d’entreprise et de structures de rémunération qui présentent des conflits d’intérêts », déplorent-elles.

Ainsi, les autorités exprimant des réserves ne voient pas comment les autorités de règlementation ou les tribunaux interprèteront une norme qui, d’une part, exige expressément de se conduire au mieux des intérêts du client et d’éviter les conflits importants, mais qui, d’autre part, autorise une conduite qui n’est pas au mieux des intérêts du client, pourvu qu’il y ait déclaration.

La troisième réserve découle des efforts effectués pour mettre en oeuvre les réformes propres à la deuxième phase du MRCC et l’information au moment de la souscription par le secteur et les autorités de règlementation concernées. On estime à cet effet que ces réformes visent à améliorer la communication dans la relation client-personne inscrite en ce qui concerne les coûts et le rendement des placements, et qu’il serait pertinent d’en évaluer l’efficacité avant d’envisager la mise en oeuvre d’une norme d’agir au mieux des intérêts du client.

Un projet des ACVM visant à mesurer l’incidence de ces réformes est en cours de planification et se déroulera jusqu’en 2018.

La quatrième réserve exprime une inquiétude face à la perspective que le projet de norme influence l’interprétation des normes fiduciaires actuelles pour certaines personnes inscrites, par exemple les gestionnaires de portefeuille et les gestionnaires de fonds d’investissement.

On estime en effet que l’application du projet de norme à toutes les personnes inscrites, comporte le risque « de réduire la portée de la norme actuellement prévue par la législation en valeurs mobilières de certains territoires qui oblige les gestionnaires de portefeuille et les courtiers qui disposent d’un mandat discrétionnaire ainsi que les gestionnaires de fonds d’investissement à agir dans l’intérêt de leurs clients ».

Les ACVM vont recueillir les commentaires de tout intervenant intéressé, jusqu’au 26 août 2016.