Les fonds de couverture : rendements «alternatifs»
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Cependant, ce long parcours se découpe en deux temps, le deuxième étant beaucoup plus décevant que le premier. Ainsi, de 1990 à 1999, les rendements annuels moyens de 18,3 % ont fortement tiré la moyenne à la hausse. Les 10 dernières années, de 2006 à 2016, ne sont que le pâle reflet des 10 premières, avec un rendement annuel moyen de 3,4 %.

Cela n’a pas empêché les actifs des fonds de couverture de croître substantiellement, doublant presque en sept ans, selon BarclayHedge : ils sont passés de 1,69 billion de dollars américains en 2010 à 3,2 billions de dollars américains à la mi-2017. La baisse des rendements s’explique par un facteur très simple : l’afflux trop grand d’investisseurs, juge l’auteur de l’article de Bloomberg.

«Le succès des fonds de couverture, peut-on lire dans l’article datant de 2016, repose ultimement sur deux ressources rares – des gestionnaires talentueux et des inefficacités de marché qu’on peut exploiter – et on ne trouve pas assez des deux pour soutenir une industrie» de 3,2 billions de dollars américains.

Il reste que les meilleurs fonds de couverture ont la faveur pour deux raisons : tout en offrant une performance équivalente ou supérieure à celle des titres boursiers, ils présentent une volatilité aussi faible et même plus faible que celle des titres obligataires. Les remarquables ratios de Sharpe de notre palmarès le confirment. Au-dessus de 2.0, un ratio de Sharpe est jugé très bon, et au-dessus de 3, il est vu comme excellent.

Un jeu d’écarts

Dans l’univers des fonds de couverture, plusieurs stratégies peuvent être mise en oeuvre pour dégager un rendement. L’éventail de possibilités est large, comme en rendent compte les propos qui suivent d’acteurs de l’industrie.

«L’afflux de capitaux dans les fonds de couverture a réduit les écarts dont on peut tirer parti», dit Marc Amirault, président-fondateur et directeur des placements de Gestion Cristallin, pour expliquer la plus faible performance de ce type de fonds.

«Les gestionnaires « normaux » comprennent mieux notre façon de fonctionner et laissent moins d’argent sur la table. Ils savent que certaines transactions nous intéressent plus particulièrement et ils nous vendent plus cher, mais on a appris à être encore plus efficace. Ça égalise le terrain», ajoute Marc Amirault, qui pilote à partir de Montréal le Fonds d’arbitrage Améthyste.

Cette firme, fondée en 1998, pratique trois stratégies d’arbitrage qui visent à exploiter les écarts entre différentes catégories d’actifs. La première de ces stratégies, la «gestion d’événement» (event driven), est pratiquée surtout dans le contexte d’une prise de contrôle d’une entreprise par une autre. En achetant d’une part le titre d’un des deux acteurs de l’acquisition, et d’autre part en vendant à découvert le titre de l’autre acteur, Gestion Cristallin cherche à tirer profit d’écarts dans le prix des titres qui prévaudront entre le moment de l’annonce de l’acquisition et le moment de son exécution finale.

Présentons un exemple avec des chiffres simplifiés. Au moment où on annonce la fusion au prix de 10 $, le titre de la cible monte, par exemple à 9,80 $. À ce moment-là, le fonds de couverture vend à découvert le titre de l’acquéreur à 10 $ et achète simultanément le titre de la cible à 9,80 $ ; le gestionnaire empoche déjà son profit anticipé de 0,20 $. Au moment où se conclut la fusion, il vend à 10 $ l’unité ses actions de l’entreprise cible, ce avec quoi il referme sa position à découvert, réalisant ainsi son profit de 0,20 $ l’action.

Les deux autres stratégies empruntent à peu près la même mécanique d’achat et de vente à découvert, mais en jouant dans un cas sur les écarts de prix entre les actions d’une entreprise et ses bons de souscription, dans l’autre cas sur les écarts de prix entre des obligations de différents paliers de gouvernement.

À travers les différentes positions qu’il adopte, Marc Amirault cherche de façon typique un rendement annuel de base de l’ordre de 5 % à 10 %. Toutefois, le recours au levier financier peut sensiblement améliorer ces rendements de base.

C’est ce qui est arrivé dans la récente prise de contrôle de Canam Manac. Le fonds Améthyste a joué sur un écart de 0,14 $ entre le prix à l’annonce de l’événement et le prix à la conclusion, ce qui a donné «un rendement annualisé d’environ 7 %, note Marc Amirault. Par contre, en ayant recours à un levier de trois, on a pu tripler notre rendement à environ 18 %, en tenant compte de frais financiers et de frais de transaction.»

Profits à la hausse et à la baisse

Chez Stratigis Capital Advisors, on mène le même jeu sur des écarts, mais en privilégiant plutôt l’achat d’options d’achat (dans le jargon : un call) sur un titre donné et la vente à découvert du même titre. En recourant aux options plutôt qu’aux titres eux-mêmes, «nous n’avons pas autant de risques,» dit Robert Celej, chef des investissements. «Seule la prime sur l’option est à risque, ajoute-t-il, et en général nous gageons à contre-courant des attentes des marchés.»

Les positions de Stratigis, dans son Fonds S.E.C. Uber stratégies, engrangent les profits à chaque extrémité, à la hausse ou à la baisse. Par exemple, dans un «jeu» typique, le fonds achète, au coût unitaire de 0,50 $, 1 000 options d’achat sur le titre de XYZ inc. au prix d’exercice de 11 $ l’action. En même temps, il vend à découvert 45 000 actions de la même entreprise au prix de 10,65 $.

Le fonds profite quand le titre chute au-dessous de 10 $ ou quand il grimpe au-dessus de 12 $, explique Robert Celej. Dans les deux cas, le coût des options est essuyé et, signale-t-il, «on a avantage à choisir des titres qui ont une forte volatilité». La performance des trois dernières années, la meilleure de notre palmarès, laisse croire que le jeu en vaut largement la chandelle.

C’est une caractéristique fondamentale de certains fonds de couverture : leurs stratégies visent la neutralité. Ils cherchent à gagner autant dans un marché baissier que dans un marché haussier.

Bâtir des entreprises

Seule exception dans notre palmarès, le Fonds Private Equity de Kensington n’est pas un fonds de couverture, mais plutôt un fonds de capital privé. Ici, le profit n’est pas généré par des jeux d’écarts, mais par l’investissement dans des titres d’entreprises qui, autre différence majeure, sont privées.

Kensington répartit ses actifs à peu près également entre deux catégories de placement, explique Tom Kennedy, président et fondateur de Kensington Capital Partners, à Toronto : indirectement, dans des firmes de capital privé, directement, en acquérant d’importantes participations dans des entreprises privées.

La réputation d’acheter des entreprises pour les dépecer et licencier des masses d’employés stigmatise le secteur du capital privé, reconnaît Tom Kennedy, le fruit du travail des financiers prédateurs. «Je ne me rappelle aucune occasion où nous avons acheté une entreprise et licencié des employés – parce que les bons employés sont difficiles à trouver, dit-il. Si nous voulons faire des profits, nous n’avons pas d’autre choix que de faire grandir nos entreprises.»

Un fonds comme celui de Kensington profite en agissant comme un partenaire actif pour appuyer le management, aider à ouvrir des marchés et inscrire l’entreprise dans un réseau de soutien financier. Les investisseurs dans le fonds reçoivent des rendements de deux sources : les bénéfices d’exploitation des entreprises en portefeuille et le gain en capital résultant de la vente d’une entreprise.

Rappelons que les performances des fonds de notre palmarès sont réservées aux investisseurs accrédités.