Se mobiliser pour l'entrepreneuriat financier
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Et Finance Montréal, la grappe financière du Québec, entend miser sur l’entrepreneuriat pour donner un nouveau souffle à la métropole.

«L’objectif principal [du chantier entrepreneuriat] est de faire en sorte que plus de firmes de gestion de portefeuille démarrent au Québec», explique Vital Proulx, président et chef de placements chez Hexavest, et leader du chantier entrepreneuriat, qui a été créé il y a trois ans.

Un plan qui vise à encourager et à soutenir l’entrepreneuriat dans le domaine de la finance est même en gestation. À cet effet, bien que l’ensemble des intervenants s’entendent sur la nécessité que Finance Montréal intervienne, la bonne stratégie reste à orchestrer.

Afin de valider les impressions et de connaître les actions entreprises sous d’autres juridictions, Finance Montréal a mandaté la firme Oliver Wyman pour mener une étude et fournir des recommandations.

Déposés au printemps, les résultats de cette étude seront rendus publics cet automne, selon Michel Delisle, directeur de projets chez Finance Montréal.

«Nos constats sont encore préliminaires, car nous venons de recevoir l’étude et nous sommes en train de la diffuser auprès des participants du chantier», lance Michel Delisle.

Une mission, trois comités

Le chantier entrepreneuriat de Finance Montréal est un groupe de travail divisé en trois comités.

Le premier s’intéresse aux questions de réglementation et à la conformité. Son rôle consiste à étudier, en collaboration avec l’Autorité des marchés financiers, des avenues pour aider les firmes émergentes qui disposent de peu de moyens à se conformer aux normes de l’industrie.

Consacré au mentorat, le deuxième comité analyse les formes d’accompagnement qui peuvent être fournies aux entrepreneurs dans leur première année d’opération, que ce soit en matière de réseautage ou de formation.

Le troisième comité a pour objectif de trouver des actifs que pourraient gérer des firmes.

«Le nerf de la guerre, c’est l’argent. On a beau être conforme à la réglementation et participer à plein de cocktails, si on n’a pas d’argent à gérer, on va fermer ses portes», illustre Stéphane Corriveau, président et directeur principal d’AlphaFixe Capital, et pilote de ce comité.

«Le gros problème lorsqu’on démarre une firme, c’est qu’on n’a pas de client. De plus, les gens ont tendance à penser que s’ils vont voir la Caisse [de dépôt et placement du Québec], elle va leur donner de l’argent à gérer. Mais ce n’est pas comme ça que les choses fonctionnent», note Stéphane Corriveau.

Tout en confirmant l’enjeu lié à la disponibilité du capital d’amorçage (seed money), Michel Delisle précise que «ce dont les jeunes firmes ont besoin, ce n’est pas tant de capital dans leur avoir propre, mais bien de mandats de gestion.»

L’obtention de mandats de gestion d’actifs pouvant se traduire par des revenus récurrents d’une valeur annuelle de 200 000 $ suffirait à financer les dépenses de bureau, évoque Stéphane Corriveau.

«Ça ne rend pas ces gestionnaires millionnaires, mais ça leur paye un salaire, ça leur permet de bâtir un historique de rendement et de se faire connaître. Ce n’est pas tout le monde qui va survivre, c’est la loi du marché, toutefois la probabilité de succès est un peu plus grande», dit-il.

Aider à émerger

Le programme en développement évoqué par Vital Proulx a pour but d’inciter des responsables de l’allocation d’actif à fournir des capitaux à des gestionnaires émergents par l’intermédiaire de mandats de gestion.

«Il y a certaines portes à ouvrir du côté des investisseurs institutionnels, et Finance Montréal se voit comme un catalyseur dans ce processus», convient Michel Delisle.

À l’autre bout du prisme, une quarantaine de gestionnaires d’actifs québécois ont récemment uni leurs forces en se regroupant sous le parapluie du Conseil des gestionnaires en émergence (CGE).

Présidé par Geneviève Blouin, présidente fondatrice d’Altervest, le CGE veut contribuer au développement des entrepreneurs locaux qui émergent dans le secteur de la gestion de portefeuille, et dont l’actif sous gestion est inférieur à 1 G$.

Une rencontre avec des entrepreneurs de la finance amorcée par le chantier entrepreneuriat avait permis de cibler des éléments jugés importants au moment du démarrage, raconte Michel Delisle.

Outre le manque d’actif sous gestion, qui s’est révélé le principal enjeu des entrepreneurs, l’idée de se donner une structure commune pour échanger sur les bonnes pratiques d’affaires, d’avoir du mentorat et de se faire connaître des investisseurs institutionnels s’est imposée comme enjeu secondaire.

Voilà pourquoi la création du CGE s’inscrit directement dans la voie privilégiée par le chantier entrepreneuriat, souligne Michel Delisle.

Renverser la tendance

«La création du CGE, c’est parfait, ça constitue une forme de pépinière. Encore faut-il que ces firmes aient des actifs à gérer», lance Stéphane Corriveau.

«Le problème, c’est qu’il y a de moins en moins d’actifs gérés au Québec par des gestionnaires québécois. Depuis dix ans, il y a eu une forme d’exode et beaucoup de caisses de retraite québécoises sont désormais gérées à l’extérieur du Québec», dénonce Stéphane Corriveau, évoquant les conclusions d’une étude effectuée par Jacques Bourgeois.

Jacques Bourgeois, professeur honoraire à HEC Montréal, a en effet cherché à savoir qui gérait l’argent des caisses de retraite du Québec. Le résultat de son sondage fait état d’une baisse de 10 % de la part des fonds gérés par des gestionnaires québécois entre 2005 et 2009. Cette part serait passée de 63 % à 53 %, selon ce que rapporte La Presse en février 2013.

Jacques Bourgeois évalue la valeur des fonds des caisses de retraite du Québec à près de 400 G$.

Pour Stéphane Corriveau, il est primordial d’agir pour renverser cette situation. «À Montréal, on a des talents, mais ils n’ont pas d’occasion de se développer.»

Cette absence de débouchés pour les gestionnaires d’actif est d’autant plus préoccupante qu’en 2011, 8 300 étudiants étaient inscrits dans les différents types de programmes universitaires québécois en finance, selon une étude effectuée en juillet 2012 pour Finance Montréal.

Cet automne, des représentants de Finance Montréal, du chantier entrepreneuriat, et d’investisseurs institutionnels mettront au point un plan d’action.

«Si on veut une stratégie bien orchestrée et efficace, il faut que tout le monde réponde à l’appel, lance Michel Delisle. Et même si un peu tout le monde a son idée sur les actions à entreprendre, il faudra s’assurer d’avoir la recette gagnante.»