«Vivre du RVER et en faire une campagne ? Je ne le vois pas», affirme Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière et directeur à la commercialisation des produits de placement chez Mica Services financiers.

Rappelons que le gouvernement du Québec a plafonné à 1,25 % les frais de gestion de l’option de placement par défaut et à 1,50 % les frais des cinq autres fonds en option.

Pour se conformer à cette limite, les sept premières institutions financières qui ont enregistré leur RVER auprès de la Régie des rentes du Québec ont établi leurs frais de gestion de 1,09 à 1,25 % pour l’option par défaut, et de 0,46 à 1,50 % pour les autres placements (voir «Les RVER décortiqués», page 6).

Différents modèles

Par exemple, Financière Manuvie offre deux modèles de rémunération. Le modèle «prise de contact» vise à rétribuer un conseiller qui se contente de recommander une firme à l’assureur.

Le conseiller touche une rémunération de 12,50 $ par cotisant, plus une commission de suivi de 0,075 % sur l’actif.

Le deuxième modèle «service complet» propose trois niveaux de rémunération : une commission sur chaque cotisation de 0,30 %, une commission de suivi de 0,10 % sur l’actif et une commission sur les virements de 0,30 %.

Selon des chiffres fournis par Manuvie, un actif accumulé de 13,6 M$ dans un RVER qui compte 47 cotisants gagnant un salaire moyen de 50 000 $ donnerait au conseiller un revenu annuel de 15 550 $, selon le modèle de service complet.

«Habituellement, un tel actif peut donner à un conseiller en épargne collective une commission de suivi de 70 000 $», soutient Jean-François Rémillard.

L’Industrielle Alliance propose une commission de 0,75 % sur chaque cotisation versée, une commission de 0,75 % sur chaque transfert au RVER provenant d’un autre contrat de rentes collectives ou d’un régime, ainsi que 0,225 % sur l’actif moyen des contrats de l’ensemble des clients.

Desjardins verse 1,00 % sur les transferts et les nouvelles cotisations, mais 0,10 % sur l’actif. London Life, quant à elle, n’offre aucune commission de suivi, mais plutôt une commission de 3 % sur les cotisations versées dans la première année, puis de 0,30 % les années suivantes, de même qu’une commission de transfert de 0,30 %.

Dans le cas de Standard Life et de la Financière Sun Life, les structures de rémunération apparaissent très simplifiées. La première accorde au représentant une commission de suivi de 0,20 % sur l’actif. La seconde fait de même, mais ajoute 150 $ à l’ouverture du compte d’un cotisant.

Cette offre de rémunération ne semble pas séduire tout le monde. «Je vais consacrer des énergies ailleurs, note Jean-François Rémillard. Je ne chercherai pas à convaincre des chefs d’entreprise de faire un RVER avec moi. Si je vais chercher de nouveaux clients, je ne l’utiliserai pas. Je vais plutôt vouloir faire des ventes croisées avec d’autres produits, comme le REER collectif ou le CELI collectif, etc.»

Qu’on juge la rémunération insuffisamment élevée, «je comprends ça», concède dans un premier temps Robert Tellier, vice-président régional, solutions retraite et assurance collective chez Manuvie. Mais il ajoute aussitôt : «Sur quoi faut-il se concentrer : sur l’analyse des besoins des clients ou sur l’analyse des besoins des conseillers ?»

Une belle excuse

Si les régimes RVER ne sont pas particulièrement attrayants pour le conseiller, ils constituent toutefois une très belle excuse pour «mettre le pied dans l’entreprise, expliquer les exigences à venir et offrir des solutions plus larges et plus profondes (comme un REER collectif)», fait ressortir Line Lippé, vice-présidente, ventes, chez Placements Mackenzie.

L’occasion est belle, surtout pour les conseillers qui débutent dans le métier, d’offrir un REER collectif à un groupe d’employés et de récolter d’un coup autant de clients, surtout le lien avec les entrepreneurs et leurs employés clés, ajoute Fabien Major, représentant en assurances de personnes et président de Major Gestion privée. «C’est certainement plus intéressant que de faire des appels à froid», dit Fabien Major, qui considère que «les RVER ne sont pas lucratifs pour un conseiller… s’il ne s’en tient qu’à eux».

Le RVER, selon Fabien Major, obéit en marketing au concept du loss-leader. «C’est comme l’essuie-tout à 99 cents à la pharmacie. L’important est d’avoir le pied dans la porte et de passer après ça à d’autres produits.»

C’est un point de vue que les assureurs adoptent eux-mêmes. «Le RVER est une occasion pour le conseiller d’engager une conversation avec l’employeur et d’offrir une brochette de produits, que ce soit nos services de paye ou un plan d’assurance», soutient Éric Filion, vice-président, développement de produits, commercialisation et investissement, chez Desjardins Assurances.

Frais et flexibilité

Line Lippé critique la structure des frais à la charge de l’employeur pour changer de RVER, qui varient de 50 $ à 75 $ par employé, plus des frais fixes de 0 à 500 $, et auront pour effet d’emprisonner les entreprises.

À cause de ces frais, l’entreprise qui sera insatisfaite de la performance des fonds, de l’administration ou de l’absence de conseil, «risque de rester dans le régime, même si elle n’en est pas contente», prévoit-elle.

La formule des bas frais pourrait aussi avoir un autre effet pervers, selon Jacques Pronovost, représentant en assurances collectives de personnes et responsable du dossier du RVER au Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ). Selon lui, la qualité des fonds pourrait en souffrir. «Peut-on penser que la formule va mettre de l’avant les meilleurs fonds ? Non. C’est plutôt le moins cher possible» qui l’emporte.

Jacques Pronovost déplore que la rémunération, peu avantageuse selon lui, risque de résulter en une absence de conseil financier. Ces derniers sont pourtant cruciaux, tant pour l’employeur qui devra choisir le fiduciaire de son régime que pour les travailleurs qui auront besoin d’être secondés sur le plan de leurs besoins en matière d’investissements et de fiscalité.