«Ce n’est écrit nulle part, sauf que c’est la pratique qui s’est développée au cours des ans», affirme Richard Legault, président d’IAVM.

«Cela fait partie de notre modèle d’affaires où l’on favorise l’autonomie des conseillers, on est moins directifs en matière de produits et d’objectifs de vente. Le rôle des directeurs ne se limite donc pas au développement des affaires. Ils font aussi du coaching», explique Richard Legault.

«Ils ont leur propre clientèle, ce qui fait d’eux de meilleurs coachs. Ils comprennent bien ce que représentent la réglementation et la conformité pour les conseillers, car ils y sont eux-mêmes confrontés. Ils savent communiquer avec les clients, et ils ont déjà une bonne idée de la manière dont ils réagissent quand, par exemple, on demande à un représentant de communiquer avec eux de nouveau pour leur faire signer des formulaires supplémentaires», poursuit-il.

Toutefois, le président d’IAVM se montre plus prudent lorsqu’on lui demande si un modèle produit de meilleurs résultats financiers que l’autre : «Notre modèle ne vise vraiment pas à réduire la fonction du directeur à un rôle de développement des affaires».

Richard Legault reconnaît toutefois qu’il pourrait y avoir des conflits d’intérêts si le directeur est également conseiller, notamment lorsqu’un book d’affaires est à vendre.

«Dans ces cas-là, c’est la direction qui intervient, mais de telles situations surviennent rarement», dit-il.

Une autre difficulté peut également survenir : «Un directeur producteur dispose de moins de temps à consacrer à ses conseillers», dit Richard Legault, selon qui ce problème est probablement plus criant chez les grands courtiers associés aux banques dont les succursales comptent de nombreux représentants.

Plus grande crédibilité

La situation diffère à la Financière Banque Nationale (FBN). «Tous nos directeurs sont à la fois directeurs et producteurs. C’est une politique officielle, mais ce n’était pas le cas il y a sept ans», se souvient Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national des ventes à la FBN.

À l’époque, les succursales les plus importantes étaient gérées par des directeurs sans clientèle contrairement aux plus petites. «Cela posait des problèmes d’alignement, ne serait-ce que pour planifier les réunions. Les enjeux n’étaient pas les mêmes, la disponibilité non plus», illustre-t-il.

Denis Gauthier reconnaît aussi que le cumul des deux fonctions impose une lourde tâche aux directeurs. «C’est pourquoi nous avons créé le poste de directeur régional», explique-t-il.

«Le directeur régional s’occupe dorénavant de la conformité et de certaines tâches administratives. Le directeur de succursale est maintenant notre leader en matière de développement des affaires et de présence dans la collectivité, en plus de servir d’agent de liaison entre la haute direction et les succursales», précise-t-il.

Tout comme Richard Legault, Denis Gauthier voit un avantage important dans le cumul des deux fonctions. «Il y a un arrimage entre le vécu des représentants et celui du directeur. Quand les marchés sont turbulents, il comprend l’inquiétude des représentants, car il la partage. Et il a plus de crédibilité lorsqu’il parle de développement des affaires», observe-t-il.

Denis Gauthier se montre toutefois plus positif lorsque vient le moment de chiffrer l’impact financier du modèle retenu. «Depuis la réforme de la structure, nous constatons une croissance annuelle de 10 % et je suis sûr qu’elle découle en bonne partie de cela», estime-t-il.

Faible risque de conflits d’intérêts

Chez BMO Nesbitt Burns, on n’a pas de politique officielle. «Sur plus ou moins 50 succursales, il n’y en a que cinq ou six où le directeur n’est pas producteur», affirme Sylvain Brisebois, premier vice-président et directeur principal chez BMO Nesbitt Burns.

«C’est le résultat d’une démarche entreprise il y a environ cinq ans. On recherche le meilleur candidat possible, peu importe qu’il ait ou non une clientèle», ajoute-t-il.

Un point important dans la décision de BMO Nesbitt Burns repose sur la crédibilité accrue dont jouirait un directeur qui est également conseiller auprès des conseillers. «C’est le point le plus important pour nous», atteste Sylvain Brisebois. «Les temps changent, et les représentants ont besoin du soutien d’un confrère qui réussit et qui sert de modèle.»

Le vice-président soulève aussi la question de la rémunération. «Il est rare qu’un conseiller qui réussit bien accepte de laisser sa clientèle pour devenir directeur», constate-t-il.

Quant au potentiel de conflits d’intérêts, il le minimise. «Advenant qu’un conseiller prenne sa retraite, le directeur producteur pourrait se réserver les meilleurs clients. C’est un point souvent soulevé par les adversaires du modèle directeur producteur. Il est de plus en plus difficile d’agir ainsi aujourd’hui, car c’est une réalité trop connue. Je suis directeur régional, et si une situation semblable se produisait, j’interviendrais», analyse Sylvain Brisebois.

Quant au fardeau que peut poser le cumul des deux fonctions, BMO a opté pour une voie qui lui est propre. «Lorsqu’une succursale atteint une certaine ampleur, on fournit de l’aide au directeur, en créant notamment des postes de directeur opérations, de préposés conformité, etc., mais au niveau local», explique Sylvain Brisebois.

Avantages au directeur professionnel

Chez Gestion de patrimoine TD, la situation est quelque peu différente. On semble y être plutôt partisan du modèle du directeur «professionnel», quoiqu’on y apporte aussi certains bémols.

«Nous avons trois catégories de succursales, explique Stéphan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional, Est-du-Canada, Gestion de patrimoine TD. Dans les succursales d’environ 25 conseillers et plus, nous aurons un directeur professionnel ; dans les succursales qui comptent de 10 à 25 conseillers environ, ce sera un directeur producteur, mais nous imposerons un plafond à sa production ; tandis que dans les succursales les plus petites, les directeurs producteurs n’auront pas de plafond.»

«La charge de travail s’est nettement accrue. Pensons aux nouvelles responsabilités en matière de conformité, de ressources humaines, de transparence en matière de rémunération, etc. Les représentants ont besoin d’encore plus de soutien. Il devient difficile pour un « directeur conseiller » de trouver un équilibre entre les tâches de directeur et celles de conseiller», constate Stéphan Bourbonnais.

«Je crois beaucoup au modèle de directeur professionnel, à cause du coaching requis aujourd’hui», souligne-t-il.

Toutefois, Stéphan Bourbonnais constate lui aussi la difficulté d’attirer au poste de directeur les conseillers qui réussissent. «Ce que les conseillers ont de plus important, c’est leur clientèle. Si vous devenez l’employé salarié d’une organisation, cette dernière peut à tout moment changer les règles de rémunération, procéder à une consolidation des opérations. Dans ce contexte, le conseiller acceptera-t-il de laisser sa clientèle ?» demande-t-il.

Cependant, la TD n’abandonne pas le modèle de directeur producteur pour autant. «J’ai recours au directeur producteur lorsque je veux développer un marché hors des grands centres avec trois ou quatre conseillers. Là, il me faut une présence locale forte, et pour que le directeur ait une rémunération intéressante, on lui permet d’avoir sa clientèle.»