Roy Gori parle avec enthousiasme du défi qui l’attend. Manifestement, le dirigeant d’origine australienne veut que les choses bougent au sein de l’assureur. «Notre industrie n’a pas su s’adapter aux besoins des clients», dit-il lors d’une entrevue avec Les Affaires avant l’inauguration officielle de la nouvelle tour de Manuvie au centre-ville de Montréal.

Les assureurs n’échappent pas aux changements technologiques qui bouleversent le secteur financier. Les banques ont dû s’adapter aux besoins des particuliers qui réclamaient des services plus simples et rapides en ligne. L’industrie de l’assurance, pour sa part, traîne de la patte, du propre avis du dirigeant entré en fonction le 1er octobre. L’homme d’affaires veut que Manuvie soit désormais «obsédée par l’expérience client».

La tâche semble plus difficile pour les assureurs, toutefois. Les étapes irritantes nécessaires à l’achat d’une police d’assurance sont l’occasion pour l’assureur d’évaluer son risque, a-t-on fait remarquer.

Manuvie devra-t-elle sacrifier une partie de sa gestion du risque pour plaire aux clients? «La solution passe par les données, répond M. Gori. Je pense que nous n’en avons pas fait assez sur ce front. Nous avons une foule de données sur nos assurés, mais nous traitons tous nos clients de la même façon. Nous ne les différencions pas suffisamment. L’utilisation des données nous permettra d’offrir un meilleur service au client, mais en même temps de mieux gérer notre risque.»

Les appareils comme les bracelets électroniques permettront à l’assureur de recueillir des données sur les habitudes de vie de ses clients qui acceptent ce partage de leur vie privée en échange d’un service moins coûteux. Au bout du compte, cela permettra d’offrir des produits mieux adaptés aux risques encourus.

Emplois

M. Gori ne veut pas trop s’avancer sur de possibles pertes d’emplois qui découleraient de son intention de rendre Manuvie plus efficace. Les banques canadiennes, par exemple, ont toutes aboli des postes de nature cléricale dans le cadre de leur virage technologique.

«Nous n’envisageons pas un nombre spécifique [de réduction de postes] et nous n’avons pas rendu cette information publique, dit le dirigeant. Nous voulons effectivement améliorer le service à la clientèle et être plus efficaces, mais cette démarche s’inscrit dans le cours normal de nos activités.»

Pour la majorité des employés, les changements technologiques sont en fait une occasion de mettre leur expertise à contribution, assure notre interlocuteur. «Les employés qui seront prêts à s’adapter et à apprendre vont certainement en profiter», ajoute-t-il.

Dividende et John Hancock

M. Gori affiche la même réserve sur le dividende et l’avenir de la filiale américaine John Hancock.

Le dividende de l’assureur, qui a dû être coupé de moitié en 2009 après la crise financière, est bien financé à court terme et est augmenté régulièrement. Brett Horn, de Morningstar, pense que Manuvie a tiré les leçons qui s’imposaient de ce revers. Par contre, les plus pessimistes se demandent si Manuvie ne devra pas lever des capitaux à plus long terme si les taux d’intérêt demeurent trop bas trop longtemps, constate l’analyste.

M. Gori n’a pas voulu prendre un engagement à long terme au sujet du dividende. «Spéculer sur le futur est un exercice loufoque, répond-il. La décision revient au conseil d’administration. Nous ne ferons pas de prévisions à cet égard.» Est-il confortable avec le ratio de paiement du dividende en ce moment? «Je suis ravi de l’état de notre bilan et je suis confortable avec notre situation financière.»

M. Gori a été encore moins loquace sur l’avenir de la filiale américaine John Hancock. L’été dernier, le Wall Street Journal avait évoqué des pressions pour vendre cette division en difficulté. À ce moment, son prédécesseur Don Guloien n’avait pas fermé la porte à ce scénario, mais avait nié que des plans concrets étaient sur le point d’aboutir. «On nous pose souvent la question, mais je n’ai rien de plus à dire que ce que nous avons déjà dit à ce sujet», répond M. Gori.

Taux d’intérêt

Manuvie est considérée comme la plus sensible aux taux d’intérêt, selon Mario Mendonca, de Valeurs mobilières TD. Pour certains actionnaires, le titre est vu comme un pari sur la hausse des taux d’intérêt.

Pourtant, M. Gori dit ne pas avoir besoin d’une hausse des taux pour exécuter son plan d’affaires. «On ne parie pas sur une hausse, notre plan tient compte du fait que les taux pourraient rester à ce niveau.»