Le but des ACVM est de mettre fin aux paiements au courtier par une autre personne que l’investisseur. «Le règlement interdirait le versement au courtier d’une rémunération payée ou financée par le fonds d’investissement, le gestionnaire de fonds d’investissement ou l’émetteur de billets structurés par prélèvement sur les actifs ou le revenu du fonds», lit-on dans le document de consultation.

Cependant, les ACVM permettraient aux courtiers et à leurs représentants d’adopter d’autres types de rémunération, dont les commissions d’entrée versées au moment de l’acquisition des parts, d’honoraires horaires, d’honoraires fixes, d’honoraires fondés sur un pourcentage des actifs gérés du client.

Un client pourrait aussi négocier avec son courtier une convention de rémunération exclusive à lui-même à condition que seul le client rémunère le courtier.

Se basant sur diverses études, les ACVM jugent que tant que la rémunération des courtiers demeure intégrée dans les produits de fonds, les gestionnaires de fonds pourront continuer de miser d’abord sur la rémunération des courtiers plutôt que sur le rendement pour accumuler des actifs gérés et les conserver.

Selon ces régulateurs, les commissions intégrées limitent la connaissance, la compréhension et le contrôle des coûts de rémunération des courtiers chez les clients.

«Pour régler les enjeux de protection des investisseurs et d’efficience du marché soulevés à l’égard des commissions intégrées, il est nécessaire d’envisager et d’évaluer la transition vers des mécanismes de rémunération directe», a déclaré Louis Morisset, président des ACVM et président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers (AMF), par voie de communiqué.

Celui-ci note qu’il s’agit d’une consultation et qu’il faut évaluer soigneusement les répercussions possibles avant de prendre une décision.

«L’industrie dispose de beaucoup de temps pour devenir volontairement plus professionnelle et pour rehausser les normes grâce auxquelles elle s’est bâtie. Et elle a échoué à en faire assez, donc les régulateurs voient l’interdiction des commissions comme un moyen de forcer l’industrie à atteindre des normes plus élevées», indique Dan Hallett, vice-président et associé chez HighView Financial Group.

Les ACVM collaboreront avec les responsables de la réglementation d’assurance en vue d’atténuer le risque potentiel d’arbitrage réglementaire entre les fonds d’investissement et les fonds distincts individuels.

Elles envisagent également diverses options de transition, dont de changer de mode de rémunération dans un délai donné ou encore, de changer un pourcentage donné de bloc d’affaires à la fois, en fonction d’un échéancier déterminé.

Conflits d’intérêts non visés

Les ACVM permettront encore des rémunérations pouvant «donner lieu à des conflits d’intérêts susceptibles de continuer à inciter les personnes inscrites à adopter un comportement qui ne favorise pas les intérêts de l’investisseur», selon le document de consultation.

Ainsi, les ACVM permettront les commissions d’indication, lorsqu’un conseiller réfère un client à un autre service (voir le texte «Incitatifs sur le gril» en page 1 et 2), les commissions dans le cadre d’un premier appel public à l’épargne (PAPE) et le versement d’argent ou d’avantages pour le soutien d’activités de commercialisation et de formation.

«Les paiements de transfert internes, d’une société au courtier au sein d’un fournisseur de services financiers intégré, qui ne sont pas directement liés à la souscription ou à la détention de titres de fonds d’investissement ou de billets structurés par l’investisseur» restent autorisés.

Permettre certaines formes de commission, mais pas d’autres est un exercice délicat d’équilibrage, estime Dan Hallett : «Je comprends qu’il est difficile de se débarrasser de toutes les commissions, mais cela pourrait risquer de tromper le public investisseur. S’ils sont conscients des nombreuses réformes, ils peuvent avoir l’impression que tous les conflits ont été réglés» alors que ce n’est pas le cas.

«Je ne sais donc pas à quel point cela sera efficace en ce qui concerne l’adoption d’un comportement plus professionnel», poursuit-il.

Des groupes s’en vont en guerre

Plusieurs associations entendent se battre pour conserver les commissions intégrées et les FAR, dont Advocis et l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

«Les commissions integrees ne constituent pas un probleme en matiere de conflits d’interêts, mais ce sont plutôt les mecanismes de remuneration et les mesures incitatives des reseaux de distribution des societes integrees qui doivent être cibles par les autorites, en vue d’enrayer les pratiques commerciales qui vont a l’encontre des interêts des clients», estime Flavio Vani, président de l’APCSF, dans une lettre envoyée à Louis Morisset.

En entrevue, Flavio Vani ne croit pas que la rémunération au moyen de commissions d’entrée soit une bonne option pour les représentants : «Si vous demandez à un client qui a 5 000 $ à investir de vous faire un chèque de 250 $, il va vous envoyer promener, estime-t-il. Tous ceux qui font des règlements n’ont jamais vendu des fonds comme moi et ne connaissent pas notre réalité».

Selon lui, les FAR ont leur raison d’être et devraient demeurer pour faciliter la relève dans l’industrie, qui a besoin de ce genre «d’avance de rémunération».

D’après l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), les organismes de réglementation et les gouvernements devraient se demander si le coût de cette interdiction est proportionnel à l’objectif de gérer les conflits d’intérêts.

«Le fait d’éliminer la possibilité pour les investisseurs de payer leurs frais au moyen de commissions groupées ou intégrées pourrait beaucoup entraver l’accès aux conseils en matière de placement pour un grand nombre d’entre eux», note Paul C. Bourque, président et chef de la direction de l’IFIC, dans un communiqué.

Le lobby estime que les clients ayant de petits comptes seraient les plus touchés. «De nombreux investisseurs dont l’actif est inférieur à 100 000 $ devront choisir entre payer des frais plus élevés ou se passer de conseils financiers», soutient Paul C. Bourque.

Les clients dont l’actif est inférieur à 50 000 $ pourraient refuser de payer des frais plus élevés pour des conseils ou même avoir du mal à trouver un conseiller, estime l’IFIC.

Les mémoires devront être transmis aux ACVM au plus tard le 9 juin 2017.