Entre aversion pour le risque et désir de décider
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Les entrepreneurs forment une part importante des clients fortunés et ont des profils différents selon qu’ils sont au milieu ou à la fin de leur parcours avec leur entreprise.

«On trouve aussi les grands épargnants qui ont mis régulièrement de l’argent de côté durant toute leur carrière. Ils ont des origines modestes et ont appris jeunes qu’il était important de faire des économies. Je me rappelle un couple de professeurs qui gagnaient chacun 65 000 $ par année et qui se sont retrouvés avec 2 M$ de côté à la retraite. Ces gens-là ne veulent pas prendre de risques», raconte Lewis Rosen.

Fait intéressant, «ce n’est pas parce qu’on a des moyens qu’on aura un gros train de vie», illustre Anne-Marie Girard-Plouffe, conseillère en sécurité financière et en assurance et rentes collectives chez Option Fortune.

Lewis Rosen abonde dans ce sens : «Beaucoup de ces gens vivent dans des maisons modestes, et n’ont pas de voiture de luxe qu’ils changent tous les deux ou trois ans. Ce sont des gens humbles qui font attention à leurs dépenses.»

Un sondage mené en ligne auprès de plus de 1 000 clients a permis à Adam Hennick, conseiller en placement chez Mackie Research Capital, de dégager des tendances comportementales de ces clients.

«Les clients à valeur nette élevée masculins sont plus susceptibles de prendre des décisions d’investissement en suivant leur instinct ou leurs émotions. En effet, 69,2 % de ceux qui avaient un revenu annuel de 100 000 à 149 000 $ ont indiqué avoir regretté une décision de placement prise sous le coup de l’émotion», avance-t-il.

La tendance semble renversée chez les femmes, qui sont «plus méthodiques lorsqu’elles prennent des décisions d’investissement et moins susceptibles de prendre des décisions plus spéculatives», selon Adam Hennick.

Selon lui, les hommes sont aussi plus susceptibles de se laisser influencer par l’avis d’une personne qu’ils connaissent : «Ils arrivent en disant : « Warren, de mon équipe de baseball, pense que je devrais investir dans… » Eh bien, je ne connais pas Warren et je préfère dissuader mes clients d’investir dans quelque chose qui sort de mon offre de services.»

«Ces clients riches ont l’habitude d’avoir de bonnes connexions sociales et pensent parfois que les gens qu’ils connaissent peuvent aussi les aider en matière d’investissement, mais je préfère les ramener à la base. Quelle est la valeur de l’entreprise dans laquelle ils me suggèrent d’investir ? À combien s’élèvent les frais liés à cette proposition ?» ajoute Adam Hennick.

Le client fortuné est-il plus éduqué financièrement ? Selon les conseillers interrogés, ces clients sont souvent plus versés en matière de placement parce qu’ils ont côtoyé des professionnels en investissement, en fiscalité ou en comptabilité durant leur parcours.

«Le niveau de littératie financière ne va pas nécessairement avec la taille du portefeuille, indique l’avocate Caroline Renaud, vice-présidente, directrice régionale-Est, planification du patrimoine chez BMO Gestion de patrimoine. Ce n’est pas parce qu’on a beaucoup d’actifs qu’on connaît tout. Toutefois, avec Internet, c’est facile pour eux d’avoir accès à toutes sortes d’informations.»

Certains clients ont aussi très peu de temps pour s’instruire en matière de finance, ajoute-t-elle : «Par exemple, les chirurgiens n’ont absolument pas de temps à consacrer à leurs placements. Pour les entrepreneurs, ça varie, mais souvent ils vont dire qu’ils prennent tous leurs risques dans leur entreprise et qu’ils ne veulent pas en prendre avec leurs placements.»

De plus, une tranche de la clientèle fortunée administre seule ses placements, d’après une étude commanditée par l’Institut CFA dans laquelle 892 CFA, 478 conseillers et 4 000 clients fortunés ont été sondés.

«Ce qui est inquiétant, c’est que 25 % des clients à valeur nette élevée n’ont pas de conseiller, remarque John Bowman, directeur général pour la région des Amériques à l’Institut CFA. Deux raisons principales expliquent cela : ils trouvent que c’est trop cher (40 %) et ils ne croient pas qu’un conseiller agirait au mieux de leur intérêt (32 %).»

En tout, 60 % des clients riches n’ayant pas de conseiller ont aussi dit préférer prendre leurs décisions d’investissement eux-mêmes, alors que 11 % ont dit avoir eu une mauvaise expérience avec un conseiller dans le passé.

Selon Caroline Renaud, les clients fortunés ont des besoins plus précis que par le passé en matière de philanthropie : «Avant, les clients faisaient un don à un organisme qui existait déjà et le laissaient le gérer. Maintenant, puisqu’il y a eu de la publicité négative faite autour de certains organismes, ils veulent s’assurer d’avoir un certain contrôle, même après avoir fait le don.»

Le client fortuné qui fait un don majeur va ainsi demander à ce qu’un achat précis d’équipement soit fait avec l’argent confié à un hôpital, ou encore que la somme serve à des bourses d’études et non à l’administration d’une école, souligne Caroline Renaud : «Ils n’aiment pas savoir que ça a servi à autre chose qu’à la philanthropie elle-même.»

La même logique s’applique aux héritages confiés aux enfants après le décès de ces clients. Leur testament prévoit souvent la création d’une fiducie, laquelle comprend des instructions précises sur la façon dont le capital peut être versé, par exemple après l’obtention d’un diplôme.