couple de retraités parlant avec une femme, des papiers sont posés devant eux.
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Tel qu’indiqué dans une chronique précédente :

Ne pas considérer l’inflation dans un plan de retraite peut s’avérer catastrophique. Certains plaideront que l’inflation est relativement faible de nos jours, ce qui est par ailleurs vrai, mais à long terme, l’inflation cumulative va assurément gruger le pouvoir d’achat du retraité. Aux fins de projections à long terme, les Normes d’hypothèses de projection de l’IQPF établissent actuellement l’hypothèse d’inflation annuelle à utiliser à 2,1%. Sur une période de 30 ans, une durée que les plans de retraite dépassent fréquemment, l’inflation cumulative sera de 86,5%. Ne pas considérer l’inflation enlève toute crédibilité à une telle projection.

Quelles sont les considérations en lien avec l’inflation dont le praticien doit tenir compte?

Indexation des revenus à la retraite

Tel qu’indiqué en introduction, les projections de retraite devraient fort probablement toujours présenter les effets de l’inflation. On pourra soit présenter des revenus indexés à l’inflation (donc un pouvoir d’achat uniforme dans le temps) ou, à tout le moins, si des revenus stables sont présentés, on devrait illustrer la perte de pouvoir d’achat découlant d’une telle décision.

Indexation des salaires

Le texte qui suit est tiré des Normes de l’IQPF évoquées ci-devant :

Pour projeter l’évolution des salaires, on peut utiliser l’hypothèse d’inflation en y ajoutant un maximum de 1,00 % pour refléter le gain de productivité, le mérite et l’avancement.

À moins d’indications contraires, il est donc fréquemment indiqué, dans un environnement où l’hypothèse d’inflation annuelle future est établie à 2,10 %, de projeter les salaires des particuliers avec un taux annuel de croissance de 3,10 %. On notera toutefois la mise en garde suivante également tirée du même document :

Par contre, il pourrait être approprié de dévier de cette norme lorsqu’un client peut raisonnablement s’attendre à des augmentations de salaire plus importantes ou moins importantes dans un avenir rapproché. Par exemple, dans un contexte où le client serait en fin de carrière ou dans un poste sans réelle possibilité d’avancement, il pourrait s’avérer sage de prévoir un taux de croissance égal ou inférieur à l’inflation.

Régime de rentes du Québec

On notera d’abord que les prestations versées par le Régime de rentes du Québec (RRQ) sont indexées essentiellement à l’inflation. L’augmentation annuelle des prestations est basée sur l’Indice des prix à la consommation (IPC) établi par Statistique Canada pour la période de douze mois se terminant le 31 octobre de l’année précédente. Il peut donc y avoir un petit effet de distorsion annuel découlant de la période utilisée, qui n’est pas l’année civile, mais à long terme, cet effet va s’annuler.

Si les prestations du RRQ, une fois versées, sont essentiellement indexées à l’inflation, il en va autrement de la croissance du Maximum des gains admissibles (MGA). Ce MGA tend à croître à un rythme plus rapide que l’inflation, un peu comme les salaires.  La croissance du MGA dicte notamment les rentes maximales payables du RRQ.

D’ailleurs, si on analyse l’évolution du MGA depuis 50 ans (1970-2020) on remarquera que celui-ci est passé de 5 300 $ à 58 700 $ pour une augmentation annuelle moyenne de 4,93 %. Sur cette même période, l’inflation annuelle moyenne a été de 3,90 %[1]. On notera toutefois que pour des périodes d’analyses plus courtes l’écart est un peu moins important.

Puisque les rentes projetées apparaissant sur le relevé traditionnel du RRQ sont présentées en dollars d’aujourd’hui, il en découle que les rentes qui seront réellement reçues du RRQ devraient êtres indexées à l’inflation + 1% pour la période entre la date du relevé et le début du versement desdites rentes. Après quoi elles seront indexées à l’inflation.

Pension de sécurité de la vieillesse

On notera d’abord que les prestations versées par le Programme de sécurité de la vieillesse sont indexées à l’inflation en utilisant l’Indice des prix à la consommation (IPC). Dans les faits, les prestations de ce programme sont indexées trimestriellement mais le cumul annuel représente l’inflation.

En analysant l’évolution de la rente maximale depuis 50 ans (1970-2020) on remarquera que celle-ci est passée de 955 $ à 7 362 $ pour une augmentation annuelle moyenne de 4,17 %. Sur cette même période, l’inflation annuelle moyenne a été de 3,90 %. On peut donc projeter la rente maximale en appliquant l’hypothèse d’inflation.

Aussi cette prestation est soumise à un impôt de récupération si les revenus du prestataire dépassent un certain seuil, 79 054 $ en 2020. Depuis l’instauration de cette règle, en 1989, ce seuil est passé de 50 000 $ à 79 054 $ pour une augmentation annuelle moyenne de 1,49 %. Sur cette même période, l’inflation annuelle moyenne a été de 2,07 %. On pourrait conclure que le seuil progresse beaucoup moins rapidement que l’inflation, or la distorsion provient notamment du fait que de 1992 à 1999, on n’a pas indexé ce seuil. Depuis 2000, le rythme d’augmentation de ce seuil suit essentiellement l’inflation.

Notons toutefois que ce régime constitue essentiellement une dépense courante du gouvernement fédéral et lui coute excessivement cher. Est-ce qu’un changement pourrait y être apporté dans le futur? Pourrait-on ne plus indexer le seuil comme ce fut le cas entre 1992 et 1999?

Régime de retraite privée

Les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) verseront des rentes viagères à leurs participants. Beaucoup de ces régimes versent des rentes qui ne seront pas indexées. Quand elles sont indexées, il est fréquent que l’indexation soit partielle. Il pourrait s’agir d’une proportion de l’inflation, par exemple 50% de l’IPC, ou encore d’une indexation sujette à un plafond, par exemple, l’IPC avec un maximum annuel de 2,0%. Notons enfin que plusieurs cités et villes qui offrent des régimes PD indexés ont suspendu temporairement l’indexation de leurs prestations suite à l’adoption de la Loi 15[2].

L’autre défi fréquent avec les régimes PD est la manière dont ils présentent les droits acquis des participants. Ces régimes fournissent aux participants des relevés annuels de droits acquis sur lesquels apparaissent notamment la rente acquise en date du relevé et la ou les rentes projetées à la retraite. Il est fréquent que ces estimations de rentes projetées soient basées sur le salaire actuel du participant.  Quand c’est le cas, il sera fréquemment judicieux d’augmenter les rentes projetées selon l’hypothèse d’augmentation des salaires citée précédemment afin de présenter les rentes qui devraient être réellement versées par ces régimes.

En conclusion

L’inflation influence les projections de retraite de plusieurs manières. Il importe de la traiter correctement.

Martin Dupras, a.s.a., Pl.Fin., M.Fisc, ASC

ConFor financiers inc.

Février 2020

[1] Tableau : 18-10-0004-01 (anciennement CANSIM 326-0020) de Statistique Canada

[2] Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal