Retraité et endetté : la maison, cette tirelire

Les marges hypothécaires permettent d’utiliser la valeur de sa maison pour financer certaines dépenses, mais elles sont aussi de puissants outils qui doivent être utilisés avec prudence, prévient Daniel Plouffe, directeur régional, service de planification financière et successorale chez Sun Life.

« La valeur des propriétés immobilières est à un sommet historique alors que les taux sont au plus bas. Les institutions financières sont agressives avec des produits novateurs. Lorsqu’ils achètent une voiture, ils la mettent sur la marge. Avec les très faibles taux qui viennent avec ces produits, ils ont l’impression qu’ils peuvent se le permettre. »

Grâce à une marge hypothécaire, on peut financer jusqu’à 65 % de la valeur d’une maison ou 80 %, dans le cas où un prêt hypothécaire est aussi en cours de paiement. S’il dépense l’ensemble de la somme, le client se trouvera donc toujours 20 % à 35 % au-dessous de la valeur totale de la maison.

Utilisée seule, la marge de crédit hypothécaire permet donc d’éviter d’hypothéquer de nouveau la maison, une stratégie qui amènerait notamment des frais liés à l’assurabilité du prêt auprès de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

« Je trouve que les institutions financières sont très agressives sur le marché du crédit. Les baby-boomers ont des maisons qui ont pris beaucoup de valeur avec les années et les institutions financières cherchent à aller là où la valeur dort, souligne pour sa part Danielle Dozois, planificatrice financière chez Groupe Mathieu Turgeon. Selon moi, la marge devrait être le dernier recours. »

Fusionner passif et actif

Les institutions financières sont d’ailleurs allées plus loin que les marges de crédit hypothécaire traditionnelles et ont mis sur le marché des produits qui permettent de consolider l’ensemble de l’endettement d’un client à l’intérieur d’un seul produit comme le compte Tout-en-Un de la Banque Nationale ou le Compte Manuvie 1 de Manuvie.

Ces produits ont des particularités, mais fonctionnent selon le même principe : on fusionne la marge de crédit et le compte chèque. Tous les montants déposés dans le compte font donc réduire les intérêts payés sur la marge durant la période où ils sont dans le compte. De plus, le client économie sur les différents frais d’opération puisqu’il n’a qu’un compte où les transactions sont illimitées moyennant un frais mensuel de 10 à 15 $ selon le produit.

« Une hypothèque conventionnelle est capitalisée semestriellement alors qu’avec ce genre de produits l’intérêt est calculé tous les jours. Le client économise donc beaucoup en intérêts, note Jean-Sébastien Gilbert, conseiller en sécurité financière, courtier hypothécaire agréé et président de Gilbert et associés à Val d’Or. Par contre, le client peut utiliser les montants remboursés à tout moment. Si c’est utilisé à mauvais escient, c’est certain que ce type de produit peut nuire au client s’il ne gère pas bien son crédit. »

Qu’elle soit de type traditionnel ou non, la marge de crédit hypothécaire peut être utilisée pour permettre au retraité de vivre dans sa maison plus longtemps tout en ayant accès à sa valeur. Jean-Sébastien Gilbert se fixe d’ailleurs des règles particulières pour ce genre de stratégie.

« Les marges permettent de faire face à des imprévus et d’avoir accès à des sommes rapidement sans défaire la stratégie de décaissement mise en place. Si une maison vaut 200 000 $, je serai à l’aise avec le fait de dépenser jusqu’à 50 % de sa valeur sur une marge de crédit. Une fois que le client passe le seuil des 100 000 $, j’aurai une discussion avec lui afin de savoir s’il souhaite vendre et encaisser la différence. »

Cette stratégie ne fonctionne qu’avec les clients qui savent bien vivre avec le crédit : « Ce n’est pas pour ces clients qui apprécient le fait d’avoir de l’argent facile puisqu’avec une marge, il n’a plus besoin de rencontrer son banquier pour avoir un prêt, ajoute Jean-Sébastien Gilbert. La réponse sera toujours oui. Il faut que ça soit utilisé pour des dépenses intelligentes comme des frais liés à des soins de santé ou investir dans l’immobilier et non pas pour l’achat d’une voiture de luxe. »
 

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