Lorsque l’argent emprunté sert à financer l’achat d’une maison ou d’une voiture, ces risques ne touchent pas le client. Si un client prête à son enfant majeur à un taux d’intérêt nul ou très faible, il y a toutefois plusieurs notions fiscales dont il faut tenir compte, selon la fiscaliste Natalie Hotte, experte-conseil chez Banque Nationale Gestion privée 1859. En voici quelques-unes, qu’elle a aussi traitées à l’occasion du Colloque sur la fiscalité de la famille de l’Association de planification fiscale et financière, à la mi-mai.

Passer un test d’intention. Lorsqu’un client prête à son enfant majeur à un taux d’intérêt nul ou très faible, des règles anti-évitement fiscales peuvent s’appliquer. C’est le cas lorsque l’argent emprunté est investi dans un véhicule de placement produisant un revenu. À ce moment, le client prêteur doit passer un test d’intention pour savoir si les revenus de placement lui seront attribués, explique Natalie Hotte.

« Est-ce que j’avais intention ou non de réduire ma facture d’impôt? Si par exemple, je suis médecin et que mon fils est aussi médecin, nous avons les deux le taux marginal le plus élevé. Si je lui prête 50 000$, qu’il les investit et gagne un revenu, je n’ai pas réduit mon impôt. Mon intention n’est pas de réduire mon impôt, donc la règle d’attribution ne s’appliquera pas. »

« Par contre, si je prête de l’argent à mon enfant majeur aux études, qu’il place ces sous dans un CPG, qu’il gagne un revenu de l’intérêt à un taux d’impôt bien moindre que le mien et que mon intention était de réduire ma facture d’impôt, le revenu d’intérêt va m’être réattribué », poursuit-elle.

Dans ce dernier cas, le client peut mettre en place des stratégies pour éviter cette règle d’attribution, comme celle d’utiliser un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ou un prêt à taux prescrit.

Profiter du CELI. Lorsqu’un client prête à son enfant majeur sans intérêt, ce dernier peut investir l’argent dans son CELI. Tant que l’argent reste dans le CELI, les règles d’attribution seront évitées, souligne Natalie Hotte.

La fiscaliste donne l’exemple d’un parent qui veut aider son enfant majeur qui songe à s’acheter une maison dans cinq ans. « Je prête 5000 $ par an à mon enfant à 0 % d’intérêt. Lui va pouvoir l’investir dans son CELI. Son placement fait des petits. Éventuellement, il me devra 25 000 $. À ce moment, il retire ce montant du CELI et me rembourse. Le rendement restera dans le CELI et il pourra l’utiliser à sa guise. C’est une belle façon d’aider un enfant », estime Natalie Hotte.

Prêt au taux prescrit. Le prêt à taux prescrit permet d’éviter la règle d’attribution lorsque l’argent emprunté sert à gagner un revenu. « Ça a l’air bien simple la stratégie de prêt au taux prescrit, mais c’est simple de se tromper et de tout détruire! » souligne Natalie Hotte.

D’abord, le prêt doit être juridiquement valable et bien rédigé par un juriste, souligne Natalie Hotte : « Il faut prévoir les modalités de remboursement, le bon taux d’intérêt, les bons remboursements. Et il faut prévoir tout le reste qui n’est pas fiscal. Si je meurs, qu’est-ce qui est prévu dans mon testament? Parce que si je meurs et que je n’ai rien de prévu par testament, celui à qui j’ai fait le prêt va continuer de devoir de l’argent à ma succession. Est-ce que c’est ce que je veux? »

De plus, à la création du prêt, celui-ci doit respecter les règles fiscales. Natalie Hotte privilégie un prêt en argent comptant, car, autrement, des difficultés fiscales peuvent survenir. « Par exemple, je ne peux pas prêter des titres, car lorsque je transfère à quelqu’un d’autres des titres, techniquement, je déclenche un gain en capital imposable », note la fiscaliste.

En outre, le suivi de ce genre de prêt est primordial. En effet, pour que le montage demeure valide, l’emprunteur doit payer les intérêts au prêteur avant le 30 janvier de chaque année qui suit. C’est également vrai durant l’année de la mise en place du montage.

« Si, la troisième année, j’oublie de payer les intérêts de la deuxième année avant le 30 janvier, je détruis le montage. C’est vrai pour toute la durée du prêt. D’où l’importance du conseiller ou du comptable qui doit accompagner son client à long terme », souligne Natalie Hotte.

Par ailleurs, le conseiller ne doit pas sous-estimer le risque que la valeur du placement fait au moyen de l’emprunt puisse chuter. « Prenons l’exemple d’un client qui prête 200 000$ à son enfant que celui-ci l’investit et que deux ans plus tard, le placement vaut seulement 50 000 $. Je suis vraiment mal pris. Chaque année, je dois payer 1 % de 200 000 $ en intérêt, mais il me reste juste 50 000 $ pour cela. Le fractionnement ne fonctionne plus et se fait même en sens inverse. Pour s’en sortir, sans conséquence fiscale, il faut que je rembourse la totalité du prêt initial… avec les 50 000 $ qui reste. L’emprunteur est mieux d’avoir d’autre argent ailleurs », note Natalie Hotte.