Recette pour une succession réussie

Un client, en couple ou monoparental, qui s’occupe d’un enfant handicapé ou invalide, a des besoins successoraux bien particuliers. Qui s’occupera de l’enfant si le client devait devenir invalide lui-même ou décéder? Comment peut-on s’assurer que la transition, tant financière qu’humaine, se fera sans heurts?

Pour Sophie Ducharme, vice-présidente fiducie et services conseils chez Gestion privée 1859, le premier ingrédient à ne pas négliger dans une planification réussie est le mandat donné en prévision de l’inaptitude: « Souvent, les gens sont plus inquiets de ce qui va se passer à leur décès et ne pensent pas au mandat en cas d’incapacité, pourtant très important. C’est l’un des premiers outils auquel on devrait penser.»

Elle suggère d’ailleurs de mettre en place un mandat comportant un volet humain important qui inclura, en plus des grandes règles financières et juridiques, des renseignements sur les habitudes de vie ou les besoins spécifiques de l’enfant à protéger. Si le parent le désire, il peut même y insérer les valeurs qu’il désire que l’on transmette à son enfant advenant une incapacité.

« On peut y inclure une foule de volontés pour le bien-être de l’enfant, comme par exemple des informations sur ses loisirs préférés, s’il voyage chaque année, qui est son médecin ou son psychologue, explique Sophie Ducharme. Les enfants handicapés sont assez confortables dans une routine, il est donc important de donner assez d’information aux gens qui en prendront soin, surtout dans le cas d’une personne monoparentale. Agir ainsi rend service à tout le monde, enfant et mandataire.»

Dans le mandat donné en cas d’inaptitude, il est aussi important de penser accorder au mandataire le pouvoir d’utiliser les fonds du mandant (le client) pour subvenir aux besoins de l’enfant handicapé une fois que son parent sera devenu invalide, suggère Geneviève Coupal, notaire et directrice principale Services fiduciaires chez BMO Banque privée Harris : « Maintenant, on intègre des clauses qui stipulent que le mandataire aura la liberté d’utiliser les sommes pour venir en aide au conjoint survivant, au bénéfice de l’enfant handicapé ou de toute personne à la charge du mandant.»

Procuration

De plus, il faut savoir qu’avant qu’un mandat d’inaptitude soit mis en vigueur, plusieurs formalités doivent être complétées, comme des certificats médicaux et psychosociaux et un jugement d’homologation du mandat. Ce processus peut durer plusieurs mois durant lesquels les actifs du client seront gelés. Certains professionnels conseillent donc la mise en place d’une procuration générale qui donnera immédiatement au mandataire l’autorisation d’utiliser l’argent de la personne maintenant invalide pour subvenir aux besoins de l’enfant à charge.

« Une procuration générale peut être utilisée, par exemple, dans le cas d’un couple. Le client signera aujourd’hui une procuration en faveur de son conjoint, note Geneviève Coupal. L’avantage c’est que cette procuration générale va rester en vigueur pour toute la durée de l’homologation.»

Il faut toutefois faire très attention avec ce type de document, comme l’indique Sophie Ducharme: « Lorsqu’on confie des pouvoirs en vertu d’une procuration générale à quelqu’un, on lui donne dès maintenant le pouvoir d’agir. Si c’est fait de façon éclairée entre conjoints, par exemple, ça peut être fort utile et pertinent. Par contre, si les pouvoirs sont confiés à un tiers ou un membre de la famille, il faut être prudent et surtout bien comprendre la nature de cet acte et l’ampleur de la discrétion accordée par cette procuration.»

De plus, il peut être pertinent de nommer, dans un mandat d’inaptitude, une personne à qui le mandataire devra rendre des comptes si l’enfant à charge n’a pas les moyens intellectuels de le faire, comme le souligne Sophie Ducharme : « Entre conjoints, ce n’est pas nécessairement requis tout dépendant de la situation, mais si le client monoparental nomme un beau-frère ou une belle-sœur, il voudra peut-être que ce mandataire rende compte de son administration au tuteur de l’enfant ou encore à une tierce personne une fois par année par exemple.»

Fiducie testamentaire

Une fois que l’enfant à charge est bien protégé en cas d’invalidité de son parent, la prochaine étape est de prévoir ce qui se passera en cas de décès du ou des parents. On peut alors choisir de mettre en place une fiducie testamentaire.

L’avantage de créer une fiducie testamentaire est qu’on assure un contrôle sur le transfert du patrimoine même après le décès du client. Ainsi, l’argent et autres biens ne seront pas versés en mains propres à l’enfant, mais le seront plutôt en faveur d’une fiducie, administrée au bénéfice de l’enfant à charge par un ou des fiduciaires choisis par le parent.

« Avec une fiducie, on évitera la mise en place d’une tutelle ou d’une curatelle ainsi que l’application des différentes mesures qui régissent ces régimes de protection », rappelle Sophie Ducharme.

Les récentes mesures touchant les fiducies testamentaires, incluses dans le budget fédéral 2014, ne devraient pas toucher celles qui sont mises en place pour le bénéfice d’un enfant handicapé. En effet, si l’enfant se qualifie pour le crédit d’impôt fédéral pour personne handicapée, la fiducie continuera de bénéficier du taux d’imposition progressif.

« Le gouvernement a démontré qu’il comprenait qu’une fiducie testamentaire, dans le cas d’un enfant handicapé, était une question de protection du patrimoine et non pas une façon de faire des économies d’impôt », observe Geneviève Coupal.

Photo Bloomberg