Plusieurs ombres discutant devant un mur représentant la Bourse sur laquelle on voit en grand un logo de recyclage.
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Au cours des dernières années, l’investissement ESG (tenant compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance) est sans doute le sujet qui a été le plus actuel, le plus engageant et le plus controversé au sein des professionnels du secteur des placements.

Les discussions intenses en cours sur ce sujet n’ont rien de surprenant. L’augmentation fulgurante de l’intérêt des investisseurs et de l’offre de produits qui répond à l’enthousiasme à l’égard de l’investissement ESG est sans précédent. Selon ce qu’indiquait BanquenNationale Marchés Financiers dans son rapport sur les flux de FNB canadiens pour 2021 : « L’investissement ESG mobilise de l’argent et remet en cause les fondements du secteur de la gestion d’actifs. »

L’investissement ESG revêt une importance particulière pour les FNB en raison de la hausse spectaculaire de l’offre de produits en un laps de temps étonnamment court. En réponse à l’appétit des investisseurs, le nombre de FNB ESG a doublé, passant de 50 en 2020 à 100 en 2021, indique Banque Nationale Marchés financiers, tandis que les rentrées de fonds ont augmenté au cours des deux années, profitant aux FNB d’actions, de titres à revenu fixe, et de répartition d’actifs axés sur les facteurs ESG. Dans son rapport sur les FNB et les fonds indiciels pour 2021, Investor Economics précisait que 7,7 milliards de dollars (G$) étaient investis dans des actifs de FNB ESG canadiens à la fin de l’année dernière, une hausse par rapport aux 2,75 G$ investis l’année précédente. Le profil de croissance mondiale est tout aussi impressionnant : le secteur des FNB ESG comptait 954 produits, 2 730 inscriptions, des actifs gérés de 379 G$ américains et 188 fournisseurs dans 32 pays, a annoncé ETFGI en février.

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Parallèlement à cette extraordinaire tendance haussière et à la nécessité correspondante de faire valider les déclarations de différenciation relativement aux critères ESG, il existe un écosystème de renseignements ESG complet. Cela comprend une série de principes et de normes ESG, de critères d’évaluation et de notation, de méthodes de gestion financière, d’outils d’analyse et de ressources documentaires pour aider à mesurer, à sélectionner ou à refuser, et à comparer les investissements. Votre société est probablement abonnée à au moins une plateforme de production de rapports sur les facteurs ESG parmi une multitude de sociétés internationales réputées. Vous pouvez également utiliser les filtres en ligne de NEO ETF Market, de TMX Money – et de la CETFA –, qui permettent de façon gratuite, rapide et facile, d’effectuer des recherches sur les FNB axés sur les facteurs ESG (et également de satisfaire aux exigences en matière de connaissance du produit dans le cadre des réformes axées sur le client).

Les renseignements qui permettent aux professionnels de prendre des décisions en matière d’ESG ne manquent pas, mais il y en a probablement trop et ils ne sont pas toujours utiles. Plus d’un observateur a ouvertement dénoncé les incohérences dans les notes ESG et les critères d’évaluation. Ces critiques n’ont pas atténué l’intérêt des investisseurs pour les produits ESG, mais elles minent la confiance des professionnels des placements à l’égard de la légitimité des sceaux ESG et du cadre de la formulation de recommandations.

Le secteur reconnaît le besoin d’améliorer les classements ESG.

Les défis que pose l’absence d’un ensemble solide et uniforme de critères ESG à intégrer dans le cadre de la prise de décision sont reconnus et ont suscité scepticisme et confusion au sein du secteur – nous le savons. La demande des investisseurs à l’égard d’occasions de placement axées sur les facteurs ESG a également provoqué l’augmentation du nombre de déclarations douteuses (en lien avec la recherche d’un avantage concurrentiel) qui ont conduit à des accusations d’« écoblanchiment » contre certaines entreprises et certains fonds d’investissement.

Enfin, les investisseurs qui ne peuvent pas se fier aux déclarations relativement aux critères ESG feront leur choix librement et refuseront d’investir ou retireront leurs placements dans les fonds qui ne tiennent pas leurs promesses. Un large consensus se dégage à l’échelle internationale en faveur de la nécessité d’une norme cohérente et comparable en matière de facteurs ESG. Mais ce consensus n’a pas encore abouti à une formule durable et universellement acceptée.

Par exemple, un article publié récemment par ETF Stream indique que le règlement de l’Union européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) occupe une place prépondérante auprès des investisseurs européens « plus que tout autre outil » (28 % s’y fient). Toutefois, les investisseurs américains choisissent principalement des FNB ESG sur la base de la « notoriété de l’émetteur du FNB ».

En novembre dernier, comme l’a indiqué Investment Executive dans son article (IOSCO seeks standards for ESG ratings, data), l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) a réclamé « une meilleure surveillance des notations ESG et des fournisseurs de notations et de données ESG ». L’OICV a également émis des « recommandations à suivre à l’intention des organismes de réglementation lors de l’établissement des exigences relatives aux notations et aux données ESG, ainsi qu’aux entreprises qui fournissent ces produits ». Le même mois, le CFA Institute a publié ses normes définitives, les normes Global ESG Disclosure Standards for Investment Products, qui sont « les premières normes mondiales volontaires de divulgation pour les produits d’investissement qui tiennent compte des considérations ESG dans leurs objectifs, stratégies de placement et activités de gérance ». Le CFA Institute a déclaré que des ressources supplémentaires seront publiées pour fournir des explications, des directives d’interprétation et des procédures afin de permettre d’établir une assurance indépendante d’ici le début de mai.

Pour donner un élan supplémentaire à la recherche d’une solution faisant autorité, en janvier, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des indications sur l’information des fonds d’investissement au sujet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les indications des ACVM sont fondées sur les exigences réglementaires existantes et ont une incidence générale sur la divulgation, le marketing et les pratiques de vente afin d’aider « les investisseurs à prendre des décisions éclairées au sujet de leurs placements ESG, ainsi que de prévenir le risque d’écoblanchiment ». Les ACVM ont également déclaré qu’ils poursuivront la surveillance de l’information des fonds d’investissement au sujet des facteurs ESG. Ses indications visent l’harmonisation de la réglementation canadienne sur les facteurs ESG avec d’autres instances de gouvernance et organismes de réglementation des placements internationaux, notamment la SEC des États-Unis et l’Union européenne, qui est largement considérée comme le chef de file en matière d’investissement durable.

Certains observateurs critiques ont proposé le dégroupement de la formule pour la corriger.

Ironiquement, alors que des efforts sont déployés pour consolider et parfaire une norme ESG partagée et digne de confiance, on examine dans le cadre du débat public sur les « lacunes » en matière de facteurs ESG l’intérêt d’un dégroupement des trois composantes distinctes. Certains commentateurs se sont demandé : Devrait-il y avoir un regroupement donnant lieu à une seule note alors que chaque élément porte sur une préoccupation particulière? (Au moment de la rédaction du présent document, le microsite Financial Times Moral Money offre un examen approfondi de cette question et d’autres questions liées aux facteurs ESG.)

Pour jouer l’avocat du diable, on peut faire valoir que la gouvernance (« G ») n’est en fait que le strict minimum : Toutes les sociétés d’investissement de grande valeur ont besoin d’une bonne gouvernance. La dimension sociale (« S ») est extrêmement complexe, surtout dans un contexte international, et est influencée par les deux autres mesures. Pour sa part, c’est la dimension environnementale (« E ») qui a été le véritable attrait pour les investisseurs (une compréhension de la motivation des investisseurs que Mark Noble, premier vice-président, stratégie ETF à Horizons ETFs, a présentée en réponse à la demande de renseignements de la CETFA sur les membres). Cependant, les opinions et les classements au sujet de ce qui constitue les bons et mauvais comportements environnementaux, des entreprises qui devraient être incluses ou exclues, et de la façon de déterminer équitablement leur statut « écologique » varient grandement.

La séparation des composantes de la notation ESG ne sera pas d’emblée acceptée comme solution de rechange efficace.

En se concentrant sur un seul aspect des facteurs ESG, « on comprend profondément mal les concepts de l’investissement dans les enjeux ESG et de l’investissement responsable », a déclaré Dustyn Lanz, conseiller principal à ESG Global Advisors, à la CETFA. L’intégration des facteurs ESG, souligne-t-il, « consiste à adopter une approche élargie de l’évaluation des entreprises afin d’obtenir un portrait plus complet ». Il y a toujours plus d’un enjeu ESG important à prendre en considération : « Il est tout aussi difficile d’entrevoir de bonnes raisons en faveur de la création d’ensembles de normes distincts pour chaque enjeu, car cela entraînerait une plus grande fragmentation à un moment où le marché a réellement besoin de convergence vers un cadre commun. » Du point de vue d’un conseiller, les notes « globales » de fonds ne tiennent pas compte des activités d’intendance d’un fonds ni de ses intentions, et elles voilent les nuances qui sont valables, prévient Dustyn Lanz. (Dans une chronique d’août 2021, M. Lanz a rédigé pour IE l’article intitulé An advisor’s short guide to greenwashing, qui explore ces questions en profondeur.)

Pour la CETFA, il est clair que toute démarche en vue de dissocier les facteurs ESG n’est pas susceptible de porter ses fruits compte tenu de ce que veulent et s’attendent les investisseurs, de la réalité du secteur et de l’orientation qu’il est en train de prendre, et de ce dont les professionnels de l’investissement ont besoin pour conseiller leurs clients en toute confiance. Le désir de clarifier et de solidifier ce que représentent vraiment les facteurs ESG – en tant que concept unifié – ne disparaîtra pas. Que nous réserve l’avenir?

Bien qu’il reste encore certains éléments à intégrer, les normes publiées par le CFA Institute ont eu un impact au Canada. « La norme de divulgation du CFA Institute pour les produits d’investissement est le seul cadre de divulgation crédible pour les fonds ESG à l’échelle mondiale, déclare Dustyn Lanz. Cela dit, il y a encore une lacune sur le marché qui doit être comblée. La chose est plus facile à dire qu’à faire, car il existe tellement d’approches en matière de facteurs ESG… mais il est important que les groupes sectoriels explorent cette question dans l’intérêt des investisseurs et des conseillers du secteur de la vente au détail. »

Le Comité de normalisation des fonds d’investissement du Canada (CIFSC) a également exprimé sa confiance dans les normes du CFA Institute. En décembre dernier, le CIFSC a déclaré que ces normes « seront cruciales pour la transparence » et qu’elles seront utilisées pour éclairer son travail de réforme du cadre de désignation des fonds ESG (voir l’article de IE intitulé : Data providers to build on new ESG disclosure). Ce cadre s’alignera en grande partie sur les normes Global ESG Disclosure Standards for Investment Product du CFA Institute et servira de complément aux récentes indications des ACVM sur la divulgation des fonds ESG, en utilisant un langage et des termes communs.

Le président sortant du CIFSC, Reid Baker, vice-président des opérations analytiques et des données à Fundata Canada, et le nouveau président, Ian Tam, directeur de la recherche sur les placements à Morningstar Canada, ont déclaré à la CETFA que le CIFSC s’emploie à améliorer les normes ESG et IR depuis mars 2020 et que le processus d’élaboration en est à un stade avancé. « Maintenant que les lignes directrices du CFA Institute ont été publiées et que les ACVM ont publié leurs indications sur l’information des fonds d’investissement au sujet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, le moment est bien choisi pour finaliser notre travail », a déclaré Reid Baker. Ian Tam a ajouté : « La prolifération des fonds durables illustre la nécessité d’un cadre commun pour aider les investisseurs et les conseillers à cerner les approches que les gestionnaires de fonds canadiens utilisent. »

Une fois que le cadre sera finalisé et que les commentaires des intervenants auront été intégrés, la version définitive sera publiée aux fins de commentaires du public et sera ensuite modifiée au besoin. Les sociétés membres du CIFSC peuvent ensuite « lancer » la liste en inscrivant les fonds existants qui correspondent à une ou plusieurs approches ESG confirmées; la même approche s’appliquera aux nouveaux fonds, et tout sera rendu public sur le site Web du CIFSC. « Le fait d’avoir un cadre normalisé de désignation des fonds ESG fournira aux conseillers une base plus efficace pour entreprendre leurs recherches », a déclaré Ian Tam.

Les travaux en vue de mettre au point une solution ESG pratique et conviviale pour les conseillers progressent.

Du point de vue de la CETFA, les travaux vers l’adoption d’un ensemble contraignant de critères ESG au Canada qui peut répondre aux nombreuses attentes doivent encore progresser, mais ces travaux progressent. On ne pourra peut-être jamais parvenir à mettre en place une méthode unique entièrement acceptée pour établir les notes ESG à l’échelle mondiale, mais cela ne doit pas nécessaire empêcher les conseillers canadiens de donner des conseils avec prudence et confiance.

Finalement, l’absence d’un seul « règlement en matière de facteurs ESG » mondial pourrait ne pas présenter autant de complications pour les placements ESG qu’on pourrait le croire aujourd’hui. En fin de compte, les conseillers préféreront peut-être orienter les choix de placement ESG de leurs clients en se fiant à leur jugement de ce qui constitue des sources (au pluriel) crédibles et approuvées, en mettant l’accent sur l’utilisation de personnes ayant une perspective canadienne sensée. Le temps nous le dira.