Signe de dollar qui vole comme une fusée à travers les nuages.
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La récente performance des actions privilégiées est trop bonne pour durer, mais les gestionnaires de fonds affirment qu’il y a encore de la place pour ces titres qui combinent des éléments de revenu fixe et d’actions. Les principales raisons sont les suivantes :

  • l’évolution favorable des taux d’intérêt,
  • la diminution de l’offre
  • et les rendements attrayants.

Les actions privilégiées et les fonds qui y investissent ont produit des rendements plus proches de ceux des actions de croissance au cours de l’année écoulée. En comparaison, les rendements des obligations d’État ou d’entreprise de haute qualité ont été dérisoires.

Au cours de la période de 12 mois terminée le 30 juin, l’indice des actions privilégiées S&P/TSX a grimpé de 36,6 %, et certains fonds négociés en Bourse (FNB) gérés activement ont fait encore mieux. Au cours de la même période, l’indice obligataire universel FTSE Canada a reculé de 2,4 %.

En raison des ajustements périodiques apportés à leurs versements, la plupart des actions privilégiées ne se comportent pas comme les autres catégories d’actifs à revenu fixe face aux variations des taux d’intérêt. Lorsque les taux montent, les prix des obligations baissent. Et plus la duration d’une obligation est longue – une mesure de sa sensibilité aux taux d’intérêt – plus les pertes sont importantes.

Pour les actions privilégiées, c’est plutôt l’inverse. En effet, plus de 75 % des actions privilégiées canadiennes sont assorties d’une clause de révision de taux, en vertu de laquelle leurs paiements fixes sont ajustés au moins tous les cinq ans.

Les rendements des actions privilégiées à taux fixe sont liés aux variations du taux des obligations du gouvernement du Canada à cinq ans. Bien qu’il soit encore faible par rapport aux normes historiques (0,97 % à la fin juin), le taux des obligations de référence à cinq ans est en forte hausse par rapport à 0,36 % un an plus tôt. En raison de leur corrélation positive avec la hausse des taux, les actions privilégiées à taux révisable ont reçu un coup de pouce bienvenu.

« Il s’agit d’une classe d’actifs à durée négative, si l’on y réfléchit », constate Marc-André Gaudreau, gestionnaire du FNB Dynamic Active Preferred Shares, doté d’un actif de 729 millions de dollars (M$), et du Dynamic Preferred Yield Class, un fonds commun de placement au mandat similaire. Vice-président et gestionnaire de portefeuille principal au bureau de Montréal de la société torontoise 1832 Asset Management LP, Marc-André Gaudreau est à la tête d’une équipe qui gère plus de 5,3 milliards de dollars (G$), dont 1,9 G$ dans des mandats dédiés aux actions privilégiées.

Notant les énormes mesures de relance budgétaire prises par les gouvernements d’Amérique du Nord et les campagnes de vaccinations massives qui permettent à l’économie de se rouvrir progressivement, Marc-André Gaudreau estime qu’il y a de fortes chances pour que les banques centrales finissent par relever les taux d’intérêt. Cela profitera aux actions privilégiées en tant que catégorie d’actifs et augmentera la probabilité que les rendements positifs se poursuivent, « particulièrement par rapport à ce qui est lié aux titres à revenu fixe. »

Ce résultat est pondéré par le risque d’équité associé aux actions privilégiées, qui s’est manifesté lors du grave repli du marché l’an dernier, au début de la pandémie. Malgré leurs gains surdimensionnés sur 12 mois, les rendements sur trois ans des FNB d’actions privilégiées se situent pour la plupart dans une fourchette de 4 % à 5 %. En 2018, lorsque le marché boursier canadien était également en baisse, certains FNB d’actions privilégiées ont enregistré des pertes à deux chiffres. La constance n’est pas leur point fort.

Les actions privilégiées étant des dettes subordonnées, elles sont de rang inférieur aux obligations en cas d’insolvabilité de l’entreprise. Et contrairement aux obligations, elles n’ont pas de date d’échéance. « Il y a un an, le risque était nul et une récession mondiale se profilait à l’horizon, de sorte que cette catégorie d’actifs a connu une baisse considérable », rappelle Marc-André Gaudreau.

Les craintes de récession s’étant apaisées, les perspectives semblent désormais favorables. Au cours des 12 prochains mois, le marché canadien des titres privilégiés pourrait rapporter de 5 % à 7 %, selon Nicolas Normandeau, vice-président et gestionnaire de portefeuille, titres à revenu fixe, de la société montréalaise Fiera Capital. Fiera gère le FNB Horizons Active Preferred Share de 1,8 G$ et le FNB Horizons Active Hybrid Bond and Preferred Share de 52 M$.

La majeure partie de ce rendement prévu, soit environ 4 %, consiste en un rendement en dividendes, avec un certain potentiel de gain en capital. Environ 45 % des parts du FNB Horizons Active Preferred étaient récemment allouées à des actions privilégiées qui se négocient à des prix inférieurs à leur prix d’émission de 24 $.

Les rendements des actions privilégiées sont similaires à ceux des obligations à haut rendement, que Nicolas Normandeau décrit comme une classe d’actifs présentant un risque de crédit comparable. En moyenne, les actions privilégiées offrent actuellement un rendement environ deux fois supérieur à celui des obligations de sociétés de qualité.

Mieux encore pour ceux qui investissent dans des comptes non enregistrés, les dividendes canadiens – y compris ceux versés sur les actions privilégiées – sont admissibles à des crédits d’impôt pour dividendes. L’avantage fiscal varie selon la province et les tranches d’imposition individuelles. En Ontario, par exemple, un rendement en dividendes de 4 % est à peu près équivalent, après impôt, à un rendement en intérêts de 5 %.

L’émergence des billets de capital à recours limité (BCRL) et d’autres types de titres hybrides constitue un développement positif révolutionnaire propre aux actions privilégiées canadiennes. Tous deux réduisent l’offre d’actions privilégiées, ce qui a des répercussions positives sur le prix des actions.

Les BCRL ont été lancés par la Banque Royale du Canada en juillet 2020, après une décision favorable du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), et rapidement d’autres banques l’ont imitée. Vendus à des investisseurs institutionnels, les BCRL sont classés par le BSIF dans des fonds propres réglementaires, mais ils portent des intérêts. Comme les intérêts sont déductibles d’impôt alors que les dividendes ne le sont pas, les BCRL constituent une source de financement moins coûteuse pour les sociétés financières que les actions privilégiées.

Par conséquent, les institutions financières canadiennes – qui représentent plus de la moitié du marché des actions privilégiées – continueront de racheter leurs actions privilégiées coûteuses et de les remplacer par des BCRL.

Actuellement, l’indice de référence des actions privilégiées S&P/TSX a une capitalisation boursière d’environ 60 G$ et compte environ 225 composantes. Ces deux chiffres devraient diminuer considérablement. Nicolas Normandeau s’attend à ce que près de 5 G$ d’actions privilégiées soient rachetées d’ici la fin de l’année 2021, et potentiellement 6,8 G$ de plus l’année prochaine.

La diminution de l’offre de titres privilégiés est également due aux rachats effectués par des sociétés non financières, telles que les services publics, en faveur d’obligations hybrides qui sont traitées comme des actions dans les bilans des entreprises, mais qui portent des intérêts et sont donc déductibles d’impôts.

« Ce ne sont pas des actions à part entière, mais ce ne sont pas non plus des dettes à part entière, a déclaré Nicolas Gaudreau. On y retrouve essentiellement le meilleur des deux mondes pour l’émetteur. »

Le FNB Dynamique, géré activement, a la possibilité d’investir également dans des BCRL, des obligations hybrides, des obligations privilégiées et hybrides américaines et des obligations traditionnelles. Mais à l’approche du deuxième semestre de cette année, Nicolas Gaudreau et son équipe pensent que le rapport risque-récompense est plus intéressant pour les obligations privilégiées canadiennes. La raison : contrairement aux obligations privilégiées à taux fixe et à taux variable, les prix de ces autres titres pourraient subir des pressions dans une économie en expansion, car les banques centrales pourraient éventuellement devoir augmenter les taux d’intérêt.

Les BCRL et les obligations hybrides ne jouent pas non plus un grand rôle dans le FNB Horizons Active Hybrid Bond and Preferred Share, sous son nouveau nom et son mandat étendu de titres à revenu fixe qui a pris effet en mars. « Nous pensons toujours qu’il y a plus de valeur au sein du marché des titres privilégiés, rapporte Nicolas Normandeau. Mais ce n’est pas toujours le cas, il faut donc faire très attention aux titres que l’on sélectionne. »

Il ajoute qu’à mesure que les actions privilégiées sont rachetées, le FNB finira par détenir davantage de BCLR et d’obligations hybrides.

Même en se concentrant sur les actions privilégiées, les gestionnaires actifs comme Fiera peuvent utiliser la sélection des titres à leur avantage. « Il y a encore beaucoup d’actions privilégiées qui se négocient à rabais, souligne Nicolas Normandeau. Et c’est là que nous mettons notre surpondération. »

Parmi les deux FNB d’actions privilégiées canadiennes ayant 10 ans d’existence, le FNB Horizons Active Preferred Share a affiché un rendement annualisé de 3,9 % au 30 juin, devant le rendement de 2,4 % du FNB iShares S&P/TSX Canadian Preferred Share Index.