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Il serait avantageux pour les émetteurs de fonds négociés en Bourse (FNB) de signer une entente avec au moins deux participants autorisés (PA) considérant leur rôle crucial dans le fonctionnement et la liquidité d’un FNB, selon les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM).

C’est l’un des messages clés de ce groupe de régulateurs provinciaux dans la consultation 81-409 portant sur le rehaussement de la réglementation en matière de fonds négociés en bourse.

Communément nommés courtiers désignés, les PA sont les seuls participants au marché qui sont autorisés par le gestionnaire d’un FNB à créer et à racheter des parts d’un tel fonds, ce qui leur permet d’ajuster l’offre de parts du FNB à la demande du marché. En plus de ce rôle qu’ils remplissent sur le marché primaire, les PA sont aussi d’importants fournisseurs de liquidité pour les FNB du marché secondaire en général (achats et vente de parts de FNB).

Dans le secteur des FNB, la coexistence des marchés primaire et secondaire donne lieu à des occasions d’arbitrage qui facilitent le rapprochement du cours des parts des FNB et de la valeur sous-jacente du portefeuille du FNB.

« Notre analyse d’impact montre des preuves statistiques qu’un plus grand nombre de PA était associé à un plus faible écart de prix par rapport à la valeur liquidative, ce qui suggère qu’un plus grand nombre de PA peut contribuer à améliorer le mécanisme d’arbitrage d’un FNB », lit-on dans une étude de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à la base de cette consultation.

Pour favoriser un arbitrage efficace d’un FNB, le marché primaire doit être solide et permettre la création et le rachat efficace de parts. Le fait d’avoir un seul PA autorisé pour un FNB crée donc un risque advenant une défaillance du PA, ce qui ferait accroître de manière significative l’écart cours acheteur/cours vendeur durant la période de défaillance. Il s’agit également d’un risque commercial pour un émetteur d’un FNB.

Avoir plus d’un PA pourrait également améliorer la résilience du marché primaire, comme l’indiquent les ACVM : « La dépendance à l’égard d’un seul PA pourrait entraîner un risque indu. En période de tensions sur les marchés, le PA qui subirait un choc inattendu pourrait se trouver dans l’incapacité de participer au marché primaire ». Avec un second PA, il serait alors possible de recourir sans délai à cet autre PA si le premier n’était plus en mesure de créer ou de racheter des parts.

Même si près de la moitié des FNB canadiens comptaient huit PA ou plus qui agissaient ainsi comme mainteneur de marché pour ces fonds en 2023, pour 8 % des FNB, on comptait un seul PA. Les fonds ayant un seul PA sont généralement des FNB ayant peu d’actifs et représentaient collectivement moins de 5 % de l’actif en FNB canadiens.

Mais pour quelle raison un FNB a-t-il si peu de PA ? Divers facteurs l’expliquent, y compris l’absence de divulgation publique des actifs sous-jacents du fonds. En effet, pour des raisons commerciales, un émetteur de fonds peut choisir de ne divulguer l’ensemble de ses actifs sous-jacents qu’à un seul PA. C’est particulièrement le cas pour les FNB gérés activement et qui profitent de la réglementation qui ne les force pas à rendre publiques leurs positions en portefeuille.

L’ajout d’un second PA pourrait faire promouvoir les comportements concurrentiels, selon les ACVM : « Le fait que le gestionnaire du FNB ait déjà engagé un second PA capable de tenir le marché pour le FNB pourrait inciter le premier PA à maintenir des écarts acheteurs-vendeurs faibles et à suivre de près la valeur sous-jacente du FNB pour éviter de perdre des opérations. Il pourrait s’avérer particulièrement important de promouvoir un comportement concurrentiel dans le cas des FNB qui ne rendent pas publique l’information sur leur portefeuille aux fins d’arbitrage. »

Des gestionnaires de FNB ont indiqué aux ACVM que la conclusion d’accords avec de multiples PA réduisait la possibilité que des PA bénéficient injustement de l’information sur la composition du portefeuille qui n’est divulguée qu’aux PA étant donné que la concurrence entre eux pour les opérations aurait pour effet de rétrécir l’écart coté des titres du FNB et de ramener leur cours plus près de leur valeur sous-jacente, selon le rapport.

Les ACVM conviennent que la présence de deux PA peut tout de même poser des risques de concentration. De plus, les FNB nouvellement créés ayant des actifs moins conséquents ou ceux qui investissent dans des actifs se négociant sur des marchés spécialisés pourraient peiner à conclure une entente avec un deuxième PA, ce qui pourrait éventuellement nuire à la création de FNB novateurs.

Le document de consultation s’intéresse par ailleurs à une foule d’améliorations possible au cadre réglementaire. Parmi celles-ci, notons la divulgation des ententes entre les gestionnaires de FNB et les PA, la divulgation de davantage d’information pour les investisseurs, y compris pour favoriser la compréhension et l’identification des séries de FNB plutôt que les FNB autonomes.

Un PA doit être rémunéré

Dans une récente note envoyée à des clients, Valeurs mobilières TD fournit beaucoup de matière à penser aux ACVM par rapport aux incitatifs des PA ainsi que sur la tenue de marché pour les FNB en général.

D’abord, l’incitatif économique d’un PA provient du mécanisme d’arbitrage et des frais de transaction qu’il peut facturer à la création et au rachat de parts de FNB, selon VMTD : « Bien que ce système fonctionne bien pour les FNB dont les transactions sont fréquentes, il se peut que les PA ne soient pas rémunérés pour soutenir des FNB qui ne sont que rarement négociés. Par conséquent, les FNB peu négociés peuvent avoir des difficultés à attirer des PA. »

Le fait de n’avoir qu’un seul PA, qui dans ce cas serait le courtier désigné, présente des risques pour les émetteurs de FNB selon VMTD. Par exemple, si ce seul courtier désigné subit des pannes, le mécanisme d’arbitrage cessera d’exister, la cotation de prix pour un FNB risque de ne pas être ordonnée et cohérente puisqu’elle ne reposera que sur les acheteurs et les vendeurs naturels (marché secondaire). Cela crée un risque de liquidité important pour les investisseurs.

Par ailleurs, tous les PA ne sont pas égaux et peuvent avoir des activités différentes les uns des autres, a tenu à préciser VMTD. Certains deviennent des PA dans le cadre de leur fonction de tenue de marché, tandis que d’autres le deviennent principalement pour pouvoir faciliter l’exécution de transaction sur le FNB en question. Ces derniers ne doivent pas nécessairement être impliqués dans l’arbitrage de FNB ou dans la cotation active et constante de prix pour un FNB. Certains PA peuvent ne participer qu’à l’activité du marché primaire et ne pas fournir de liquidité quotidienne en tant que mainteneur de marché.

Bref, davantage de PA ne veut pas dire davantage de mainteneurs de marchés. Or ce sont ces derniers qui favorisent la liquidité, pas seulement les PA. Dans une récente étude, VMTD concluait que l’ajout d’un mainteneur de marché actif avait comme conséquence de rétrécir l’écart cours acheteur/cours vendeurs. « Ce dont les FNB ont besoin, c’est d’un plus grand nombre de teneurs de marché actifs », résume Valeurs mobilières TD.

Si les régulateurs envisagent de rendre obligatoire un minimum de deux PA par FNB, elle doit s’assurer que les PA font bien de la tenue de marché, selon VMTD. De plus, « les régulateurs feraient bien d’évaluer comment les émetteurs de FNB inciteront les mainteneurs de marché à coter et à engager des capitaux sur un FNB s’il n’y a pas de raison économique de le faire ».

En Europe, les émetteurs de FNB paient aux mainteneurs de marché une commission pour coter leurs FNB, garantissant ainsi une qualité minimale de tenue de marché sur leurs FNB, fait valoir VMTD. « Au Canada, un tel arrangement n’existe pas et les régulateurs devraient envisager de fournir des lignes directrices autour du modèle de rémunération de la tenue de marché, ce qui garantirait un soutien et une qualité minimum de la tenue de marché pour chaque FNB », lit-on dans la réponse de VMTD.