Un homme d'affaire sur un marche pied sur un toit qui regarde à l'horizon.
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Les fonds négociés en Bourse (FNB) américains et canadiens semblent être sur le point de perdre l’avantage fiscal du report de gains en capital offerts par le mécanisme de création/rachat de part, signalait à la fin de septembre Valeurs mobilières TD dans une note à des clients. Tant aux États-Unis qu’au Canada, les autorités veulent éliminer cet avantage et il reste à savoir comment cela se fera.

Ainsi, depuis des décennies, en Amérique du Nord, les fonds communs de placement (FCP) et les FNB profitent des mécanismes de report des gains en capital offerts aux promoteurs de fonds, ce qui a profité à des millions d’investisseurs, indique Valeurs mobilières TD. Bien qu’une grande partie de la législation qui a permis le report des gains en capital au Canada et aux États-Unis existe depuis avant le lancement des FNB, la prolifération des FNB a augmenté cet avantage fiscal pour les investisseurs et est devenue plus perceptible pour les gouvernements.

Depuis 2019, le ministère des Finances du Canada cherche activement à modifier la méthode d’« attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat », tel qu’il a été invoqué dans le budget de cette même année. Le but est d’empêcher certaines fiducies de FCP, comme de FNB, de sur-attribuer des gains en capital aux rachats des détenteurs d’unités, ce qui, selon le budget, « entraîne un report abusif » d’impôt.

En 2019, Melissa Shin, journaliste à Investment Executive l’expliquait dans l’article Bouleversements fiscaux en vue.

En septembre, le président de la commission des finances du Sénat américain, Ron Wyden, a soumis un projet de loi qui élimine certaines exemptions pour les sociétés d’investissement réglementées (désignée Regulated Investment Companies ou RIC), comme les FNB. Tout comme la législation canadienne, celle-ci cible les reports de gains en capital.

« À ce jour, aucune législation officielle n’a été mise en œuvre dans l’un ou l’autre pays, mais la lumière qui s’intensifie sur les reports de gains en capital devrait maintenir les investisseurs attentifs à l’élimination potentielle de cet avantage fiscal clé », souligne les auteurs de la note, lesquels sont menés par Andres Rincon, directeur et chef des ventes et stratégies de FNB chez Valeurs mobilières TD.

Différences réglementaires

Les auteurs dressent une fine analyse des écarts fiscaux entre les FNB américains et les FCP américains ainsi qu’entre les FNB canadiens et les FCP canadiens, soulignant au passage que les premiers permettent davantage de différer dans le temps la réalisation des gains en capital. Voici un résumé de leurs constats.

Aux États-Unis, une disposition fiscale permet aux FCP et aux FNB américains d’allouer de manière sélective leurs titres ayant le coût de base le plus faible aux investisseurs qui rachètent leurs parts lorsque le rachat est effectué en nature plutôt qu’en espèces. Ceci réduit ainsi la charge fiscale des détenteurs de parts restants du fonds aujourd’hui et reportant les impôts sur les gains en capital jusqu’à ce que l’investisseur existant décide de vendre le fonds.

« Ce texte législatif a fait des FNB l’une des structures de fonds les plus efficaces sur le plan fiscal aux États-Unis en reportant les impôts et en évitant la double imposition entre celui qui rachète ses parts et les détenteurs restants, ce qui fait que de nombreux FNB n’ont souvent aucun gain en capital », écrivent les auteurs de Valeurs mobilières TD.

Cet avantage fiscal provient de la structure unique des FNB, qui font intervenir un courtier autorisé, comme un mainteneur de marché, dans l’équation. Ces courtiers rachèteront régulièrement un FNB en nature à la suite d’une transaction d’un investisseur. C’est lors de ces rachats en nature qu’en échange de la remise de parts du fonds par le courtier autorisé, l’émetteur du FNB peut choisir ceux ayant les coûts les plus bas pour la livraison en nature au courtier autorisé. Or, les FCP peuvent beaucoup plus difficilement utiliser le même mécanisme de rachat en nature, car très peu d’investisseurs ont la capacité de le faire.

« Étant donné les exonérations de gains en capital sur les rachats en nature, les FNB aux États-Unis ont tendance à être plus efficaces sur le plan fiscal que les FCP et n’ont souvent pas payé d’impôts sur les gains en capital pendant des années », lit-on dans la note.

Au Canada, l’efficience fiscale des FNB est significative, mais moins prononcée qu’aux États-Unis, peut-on y lire.

Au Canada, les FNB sont actuellement autorisés à attribuer entièrement les gains en capital à un racheteur de parts (en fonction du prix de base moyen) sans aucune restriction liée au prix de base de l’investisseur lui-même. « Cela signifie que tant que le gain en capital ajusté au prix de base moyen dépasse le montant du rachat, le fonds est autorisé à attribuer les gains en capital au racheteur et à reporter le paiement des gains en capital aujourd’hui, selon Valeurs mobilières TD. Il est important de noter qu’au Canada, il n’est pas nécessaire que le rachat soit en nature pour que le fonds puisse utiliser la méthode d’« attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat ».

Au Canada, les ajustements proposés à cette dernière méthode permettent à un fonds d’attribuer des gains en capital à une opération de rachat uniquement de manière équivalente aux gains en capital du détenteur de parts initial, explique Valeurs mobilières TD. « Cette méthode est simple pour les fonds communs de placement, car l’acheteur et le prix de base sont connus à la date d’achat. »

Or, une des caractéristiques des FNB, que ne partagent pas les FCP, est l’anonymat de l’investisseur. Étant donné que les investisseurs doivent passer par un courtier pour acheter ou vendre un FNB, les manufacturiers de FNB n’interagissent souvent pas avec l’investisseur final et ne peuvent donc pas identifier le client ni son coût de base. « En l’absence de cette information, l’émetteur du FNB ne peut pas attribuer de manière réaliste un certain montant de gain en capital à un racheteur de parts, ce qui rend la méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat inutile pour les FNB », soutient Valeurs mobilières TD.

Le 30 avril 2021, le projet de loi d’exécution du budget (projet de loi C-30) a déposé une législation similaire à celle proposée en juillet 2019 (utilisant la nouvelle méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat) avec une date d’entrée en vigueur en décembre 2021, donnant essentiellement au gouvernement plus de temps pour consulter l’industrie sur la façon de mettre en œuvre cette méthode pour les FNB, observe Valeurs mobilières TD.

« Ce projet de loi a maintenant été adopté par le Sénat dans sa forme actuelle, mais nous comprenons que le ministère des Finances s’est engagé activement avec l’industrie des FNB sur les moyens de modifier la méthode pour mieux convenir à l’industrie des FNB et en même temps répondre aux souhaits du gouvernement d’une allocation plus proportionnelle des gains en capital », écrivent les auteurs de la note.

Il semble donc que les gouvernements américain et canadien cherchent activement à réduire le montant des gains en capital reportés par les fonds. « Au Canada, l’adoption du projet de loi C-30 indique à l’industrie qu’une atténuation de l’avantage du report des gains en capital est inévitable et que seul le temps dira comment une nouvelle méthode, qui n’a pas encore été proposée, limitera cet avantage fiscal », observe Valeurs mobilières TD.

Aux États-Unis, les parties prenantes croient largement que les mesures proposées afin de limiter l’avantage du report du gain en capital ne deviendront pas une loi officielle, mais il est toujours possible qu’elles passent entre les mailles du filet.

« Dans les deux cas, la mise en œuvre d’une telle législation entraînerait une accélération du paiement de l’impôt sur les gains en capital aujourd’hui par rapport à l’avenir, ce qui conduirait finalement à une moindre accumulation de richesse pour les investisseurs en Amérique du Nord. Manger un plus petit gâteau aujourd’hui ou attendre d’avoir une plus grosse part demain, voilà le dilemme auquel sont confrontés les gouvernements sur ce plan », concluent les auteurs.