Un homme d'affaire à un bureau. On ne voit que ses mains. Il tient un style d'une main et écrit sur une calculette de l'autre.
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Davantage de manufacturiers, davantage de produits, davantage d’innovation et une utilisation des fonds négociés en Bourse (FNB) plus répandue chez les conseillers en placements.

Voilà quelques tendances actuelles du marché canadien des FNB et certains de ses développements, selon Kevin Gopaul, chef – fonds négociés en Bourse, chez BMO Gestion mondiale d’actifs. Finance et Investissement s’est entretenu avec lui en octobre dernier. Voici des extraits intéressants.

Finance et Investissement (FI) : Comment le marché canadien des FNB va-t-il évoluer dans les 10 prochaines années?

Kevin Gopaul (KG) : Vous allez voir une concentration des manufacturiers. On va atteindre 50 fournisseurs de FNB avant qu’on revienne à 30 manufacturiers. Dans 10 ans, il va y avoir des gagnants distincts, au même titre que dans le marché des fonds communs de placement (FCP). Toutefois, il y a une différence entre le marché des FNB et celui des FCP, où il est possible pour une firme d’avoir ses propres FCP de petite taille et nourrir ainsi son propre réseau de distribution. Pour les FNB, les réseaux de distribution sont plus larges et il y a un élément qui existe avec les FNB, mais pas avec les FCP : le mainteneur de marché.

Dans 10 ans, les mainteneurs de marché voudront probablement soutenir une poignée de manufacturiers qui sont en croissance et qui les aident à croître. Ce sera un donc marché plus concentré. Ainsi les manufacturiers qui ont une bonne stratégie maintenant seront les gagnants de demain.

Le nombre de produits va aussi probablement continuer de croître, alors que l’innovation est en hausse dans le marché. Il y a environ 3000 FCP au Canada, au point où l’on ne les compte même plus. Probablement que, dans 10 ans, on ne comptera plus non plus le nombre de FNB dans le marché. Toutes les principales institutions financières auront leur gamme de FNB, comme c’est le cas en FCP.

FI : Lorsque nous sondons les conseillers en placement, l’utilisation moyenne des FNB varie de 6 % à 8 % de leur actif sous gestion. Comment voyez-vous l’utilisation des FNB dans le bloc d’affaires des conseillers en placement dans 10 ans?

KG : La proportion moyenne de leur actif va atteindre les 25 %. Certains conseillers vont les utiliser pour 100 % de leurs portefeuilles et d’autres, pour 1 %. Le nombre de conseillers qui les utilisent pour 100 % de leurs portefeuilles va en augmentant, parce qu’ils comprennent les avantages de ces fonds.

Certains conseillers en placement croient même que, plus ils ont de FNB dans leur bloc d’affaires, plus leur bloc d’affaires se vendra à bon prix. D’abord, parce qu’il y a de plus en plus de demandes provenant du client pour les FNB et ceux-ci s’attendent à ce que leur conseiller en mette davantage dans leur portefeuille.

Ensuite, les blocs d’affaires avec beaucoup de FNB vaudraient davantage parce que les FNB sont faciles à comprendre et parce qu’il y a généralement moins de rotation de portefeuille. Lorsqu’un conseiller vend un bloc d’affaires de FCP ou d’actions individuelles, il y a un plus haut degré de rotation des actifs par la suite. La personne qui va leur acheter leur bloc d’affaires va devoir vendre les fonds communs XYZ parce qu’elle a ses propres partenariats avec tel ou tel manufacturier de FCP. Lorsqu’ils ont un bloc d’affaires de FNB, ils pensent qu’ils n’auront pas ou peu à faire de rotation d’actif en portefeuille, donc c’est plus efficient.

FI : Pensez-vous qu’on verra dans les prochaines années des représentants membres de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) et représentants en épargne collective commencer à négocier des FNB?

KG : Est-ce que la technologie va évoluer afin de leur permettre de négocier des FNB dans le marché? Oui. Il y a beaucoup de firmes qui travaillent afin d’offrir des FNB au canal de distribution des conseillers membres de l’ACCFM.

D’un autre côté, avec ce type de conseiller, on aime leur donner ce qu’ils sont habitués d’avoir. Ils ne sont pas habitués à faire beaucoup de négociation sur les marchés. Ce qu’ils veulent, ce sont des solutions FNB, mais sans qu’ils aient à faire la négociation de titre. C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons lancé notre gamme de fonds communs ayant comme actifs sous-jacents des FNB.

Par ailleurs, nous voyons que plus de la moitié des ventes nettes de FNB en 2019 provenaient des investisseurs institutionnels, comme les caisses de retraite. Ils les connaissent et les utilisent de plus en plus. Les institutions financières peuvent aussi être des sociétés de fonds communs qui se disent par exemple : « J’ai besoin d’ajuster ma courbe des rendements, alors je vais acheter votre fonds de titres corporatifs à moyenne duration. » On voit des entrées nettes en ce sens arriver.

FI : Actuellement, quelles sont les tendances qui touchent le plus les conseillers réglementés par l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), sachant que c’est un canal de distribution qui croît à un rythme élevé?

KG : Le besoin d’efficience est de plus en plus prononcé. On veut bien gérer la répartition d’actif d’un portefeuille et le faire facilement. Il y a aussi l’importance grandissant des coûts d’investissement. Les FNB aident par rapport à ces tendances.

La croissance de la planification financière est une autre tendance. On voit de plus en plus de conseillers miser principalement sur la planification financière, au lieu d’être uniquement un intermédiaire qui vise à faire croître votre portefeuille. Cela contribue à la croissance des FNB.

On voit aussi les FNB répondre à des besoins de clients qui ont une approche multigénérationnelle à l’égard de leur portefeuille. C’est le cas de clients les plus âgés et fortunés, qui savent qu’ils vont passer une partie de leur patrimoine à la prochaine génération. Les FNB cadrent bien avec cette approche multigénérationnelle. Ils permettent de construire des portefeuilles où l’accent est mis sur l’efficience, les faibles coûts et la transparence. On peut alors transmettre le portefeuille à l’autre génération facilement.

FI : Encore une fois, cette année, BMO est le manufacturier de FNB canadiens qui connaît le plus de ventes nettes. Quelles sont les principales tendances que vous voyez dans le marché qui explique la bonne tenue des FNB de BMO?

KG : Nous voyons beaucoup de croissance dans la catégorie des FNB de titres à revenu fixe. C’est une croissance structurelle. Elle est fondée sur la prémisse que nous avons pris quelque chose qui est difficile à négocier, comme les titres à revenu fixe, et nous offrons quelque chose de simple, à faible coût, qui est facile à négocier sur la Bourse. Nous sommes le plus important manufacturier de FNB à revenu fixe au Canada et parmi le Top 10 mondial.

Aussi, à cause de la croissance de la volatilité dans le marché, nous avons vu en 2019 et nous continuerons de voir une demande pour des stratégies défensives, comme nos FNB à faible volatilité. Nos stratégies d’options d’achat couvertes continuent de bien faire, car les gens veulent une protection à la baisse, tout en ayant de la croissance et du revenu. Ce genre d’outils répondent aux besoins des clients.

De plus, les conseillers veulent simplifier leur manière de faire des investissements. Ils veulent passer plus de temps à recruter des clients et servir les clients qu’ils ont déjà. Alors la portion « investissement » de leurs activités devient de plus en plus simple. Au lieu de choisir des titres à revenu fixe individuels, ils offrent un FNB qui offre une exposition diversifiée. Cela aide la croissance des FNB partout dans le monde.

FI : Certains affirment que les FNB de titres à revenus fixes gérés passivement ont un raisonnement défaillant. Selon eux, la gestion active est la seule manière d’approcher convenablement le marché du revenu fixe. Que pensez-vous de ce débat?

KG : Il y a de la place à la fois pour la gestion active et pour la gestion passive en revenu fixe. Dans ce secteur, cela a été tout un défi pour un gestionnaire d’ajouter de la valeur. Il y a peu de leviers sur lesquels un gestionnaire de portefeuille peut tirer : la qualité de crédit, le secteur, la duration et la géographie. Ce qu’on voit dans le marché est que certains gestionnaires vont surpondérer le risque de crédit afin d’obtenir des rendements. Ou ils adoptent des durations beaucoup trop courtes parce qu’ils anticipent un environnement de hausse des taux d’intérêt. Si vous avez si peu de leviers sur lesquels tirer, c’est difficile d’ajouter de la valeur comme gestionnaire actif, en tenant compte des frais. C’est un défi pour un gestionnaire de réussir dans ce contexte.

Si nous étions dans un environnement changeant, comme un changement de régime, un gestionnaire de portefeuille peut changer le portefeuille et c’est pourquoi nous avons un éventail large de produits dans le secteur des FNB de titres à revenu fixe, ce qui permet au gestionnaire de créer sa propre courbe de rendement de manière efficiente et à faible coût, soit gérer activement avec des FNB passifs.