Un petit personnage sur une échelle installant une étoile à côté de quatre autres étoiles.
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Un nouvel encadrement réglementaire, qui entrera en vigueur en janvier prochain, permettra aux clients de détail de se procurer des fonds d’investissement à stratégie alternative. Les fonds alternatifs étaient jusqu’ici réservés aux investisseurs accrédités et aux investisseurs institutionnels et cette démocratisation de ces stratégies tombe à point.

La hausse des taux d’intérêt et la volatilité récente des marchés risquent de stimuler l’intérêt des clients afin de se protéger contre les effets de ces deux tendances sur leur portefeuille. Pour l’industrie des fonds d’investissement, les conseillers et leurs clients, ces avancées sont synonymes d’occasions d’investissement, à condition qu’elles conviennent aux clients.

Pour les conseillers qui souhaiteront investir cette terre encore vierge pour eux, le mot d’ordre restera l’éducation. En clair, les conseillers devront bien comprendre les produits qu’ils offrent et s’éduquer en ce sens. Ceux-ci devront aussi à leur tour éduquer leurs clients, ont soutenu l’ensemble des panélistes de l’atelier Arrivée imminente des fonds d’investissement alternatifs dans les portefeuilles des investisseurs individuels : êtes-vous prêt?, réunis à l’occasion des 13e Rendez-vous de l’Autorité des marchés financiers (AMF), à Montréal, lundi.

Voici quelques éléments qui pourraient faire l’objet des nouvelles conversations avec les clients.

Alternatif ne veut pas dire très risqué

Il est vrai que les fonds alternatifs sont généralement des fonds à gestion active, que leurs stratégies d’investissement peuvent être variées et difficiles à comprendre et que, au Canada, peu de produits ont un historique de performance supérieur à trois ans.

Cependant, inclure une stratégie alternative dans un portefeuille ne veut pas nécessairement dire « augmenter le risque du portefeuille », selon Geneviève Blouin, présidente et fondatrice, Altervest Ltd.

En effet, plusieurs fonds alternatifs visent à réduire le risque d’un portefeuille tout en augmentant les rendements. De plus, la diversification que peuvent procurer ces fonds pourrait faire en sorte de réduire la volatilité d’un portefeuille d’un client, selon elle.

« C’est malheureux lorsqu’on voit des fonds alternatifs qui sont automatiquement catégorisés comme très risqués, parce que ça a l’air d’une boîte noire », a-t-elle dit, notamment parce que les fonds alternatifs sont nouveaux.

« Quand on les met dans la boîte “haut risque”, ça fait que les investisseurs en ont trop peu dans leur portefeuille et ont une moins bonne diversification », a-t-elle ajouté.

Selon elle, il y a des mesures de risques qui sont utilisés par les fonds communs qui peuvent aussi être utilisés pour les fonds alternatifs afin de démontrer qu’ils ne sont pas si risqués que cela. « On va peut-être apprendre des nouveaux ratios de volatilité, des ratios de capture de volatilité à la baisse. D’ici 5 à 10 ans, tout le monde va connaître ces mesures-là. »

Selon elle, des fonds de gestion classiques de type « long only » ressemblent à d’autres fonds alternatifs de type 130-30, qui ont notamment recours à de la vente à découvert à raison de 30 % du portefeuille.

La diversification peut être un argument

Selon Geneviève Blouin, comprendre les stratégies sous-jacentes des portefeuilles alternatifs n’est pas toujours évident pour les clients, au premier abord.

Afin d’amener un client à envisager les stratégies alternatives, elle suggère de lui montrer l’effet d’ajouter une pondération alternative à l’ensemble de son portefeuille. Un client peut comprendre plus facilement que cet ajout réduit par exemple la volatilité de son portefeuille.

« La diversification, c’est un des rares free lunch sur le marché», a noté Jonathan Durocher, président, Banque Nationale Investissements (BNI).

« On croit beaucoup à la diversification et c’est là que les catégories d’actifs alternatifs peuvent ajouter de la valeur. Par diversification, on entend une plus basse corrélation aux actions, aux obligations, et aux portefeuilles typiques », a-t-il fait valoir.

Selon lui, il vaut mieux tenir compte de la psychologie de l’investisseur lorsqu’on lui présente le concept de diversification. « La diversification veut dire que vous allez toujours haïr votre portefeuille. Il va toujours y avoir une catégorie d’actif qui va moins bien paraître. Et l’investisseur va dire : “vends-la”», a dit Jonathan Durocher.

Les actifs alternatifs devraient être utilisés d’abord dans un objectif de diversification, selon Barry McInerney, président et chef de la direction, Placements Mackenzie. Selon lui, les investisseurs ne devraient pas commencer par une pondération élevée de leur portefeuille en actif alternatif, mais y aller plutôt graduellement, au fur et à mesure qu’il est à l’aise d’en ajouter.

Geneviève Blouin, note quant à elle que les actifs alternatifs ne devraient pas avoir une pondération maximale ou cible tant et aussi longtemps qu’ils conviennent au client. Le portefeuille de certains clients peut en contenir 50 % ou même 60 %, selon le cas.

Priorité à la vulgarisation

« Pour qu’une solution alternative se retrouve dans un portefeuille, il faut qu’on soit capable de l’expliquer à enfant de 9 ans. Si on n’est pas capable de faire cela, posez-vous des questions », a caricaturé Jonathan Durocher.

Essentiellement, selon lui, une stratégie alternative devrait être simple et facile à comprendre.

Il faut donner le temps aux investisseurs et au marché de s’éduquer en matière de placement alternatif, d’après Geneviève Blouin : « Au départ, les investisseurs ne seront pas à l’aise avec le concept. Mais je suis convaincu que dans plusieurs années, ils le seront. »

« Je ne pense pas que ce sont des idiots. Ce sont des gens qui veulent apprendre. Il va y avoir beaucoup d’apprentissages. Je suis convaincu qu’ils vont apprendre les termes et évoluer afin d’être des investisseurs plus aguerris qu’un enfant de 9 ans », a-t-elle répliqué à la boutade Jonathan Durocher.

Selon Jonathan Durocher, lorsqu’on discute de stratégies alternatives avec les clients, il faut tenir compte des biais comportementaux des clients. « Pour la majorité des investisseurs, gagner 1 $ ne va pas avoir une charge émotionnelle aussi grande que de perdre 1 $ », a-t-il rappelé.

«Beaucoup d’éducation devra être faite dans la prochaine décennie », a souligné Barry McInerney.

Attention à la liquidité et aux frais

Avant de se procurer un fonds alternatif, un client devrait discuter avec son conseiller de la liquidité de ces fonds, selon Jonathan Durocher : « Est-ce que c’est vraiment liquide? Ce n’est pas parce que c’est marqué liquid alt que c’est vraiment liquide. Est-ce que j’ai besoin de mon capital bientôt? »

Un client devrait aussi s’assurer que les coûts et les frais ne sont pas exagérés. « Est-ce que la structure de frais est raisonnable, comparable et logique? » a noté Jonathan Durocher.

Selon lui, l’arrivée imminente des fonds alternatifs fait en sorte que certains veulent s’attaquer à ce marché étant donné qu’il offre pour les manufacturiers de fonds une occasion d’avoir des marges bénéficiaires plus élevées.

« On voit une tendance de born again asset manager. “On vient de découvrir la gestion alternative et devinez quoi? Elle coûte 1,20 % en frais de gestion.” Il y en a qui deviennent des gestionnaires alternatifs du jour au lendemain. Il faut faire attention à cela. »

Selon lui, alternatif ne veut pas nécessairement dire cher. D’ailleurs, BNI prévoit lancer prochainement le FNB d’investissements alternatifs liquides BNI (NALT) qui vise à procurer un rendement absolu, en investissant principalement dans des positions acheteur et vendeur sur des dérivés financiers qui offrent une exposition à d’importantes catégories d’actifs, comme les obligations d’État, les devises, les titres de capitaux propres et les marchandises. Les frais de gestion annuels du FNB correspondent à 0,60 % de sa valeur.

Comprendre les attentes du client

Un conseiller devrait également demander à son client comment il déterminera que son fonds alternatif a fait un bon travail, d’après Jonathan Durocher : « Ce n’est pas clair que c’est la même définition pour un conseiller et pour un client. »

Par ailleurs, selon lui, le conseiller qui offre un fonds alternatif devrait être « un peu plat ». « Si la personne qui te conte l’histoire te donne des high five et te dis : “Tu vas voir ça c’est écœurant!” alors attention. Ça lève des drapeaux rouges », a dit Jonathan Durocher.