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La ministre des Finances, Chrystia Freeland, met le cap sur l’après-pandémie et promet de répondre à la crise effrénée du logement avec son budget pour l’année 2022 présenté jeudi. L’entente libérale et néo-démocrate conclue récemment se fait aussi bien sentir.

« Aujourd’hui, le Canada est de retour en force », a-t-elle lancé au sujet des perturbations économiques surmontées depuis la venue, il y a plus de deux ans, de la COVID-19.

Celle qui est aussi vice-première ministre a dit, dans son discours aux Communes, que la récupération des emplois perdus s’élève à 112 %, et que « le temps est maintenant venu de mettre fin aux mesures de soutien extraordinaires liées à la pandémie ».

La pandémie aura coûté cher: pas moins de 350 milliards de dollars (G$) de dépenses en deux ans. Signe que le gouvernement croit qu’elle tire à sa fin, il n’entend dépenser que 11,7 G$ pour cette année et les suivantes.

Mais le gouvernement fédéral insiste sur le fait qu’il doit maintenant répondre à l’inflation galopante et à la hausse du coût de la vie ressentie par les Canadiens. Pour ce faire, le budget 2022 fait la part belle aux investissements en matière de logement.

Le gouvernement Trudeau signale qu’il entend concrétiser sa promesse électorale de mettre en place un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété. Cette initiative permettrait d’épargner jusqu’à 8000 $ par an, pour un total ne pouvant dépasser 40 000 $.

Les cotisations non utilisées ne pourront pas être reportées. On prévoit que les premières contributions seront versées en 2023 et que le coût de cette mesure sera de 735 M$ sur cinq ans.

Ottawa promet aussi d’agir sur un autre engagement, soit celui d’interdire aux étrangers l’achat d’une propriété qui ne soit pas récréative. Des exemptions sont prévues, comme pour les réfugiés et les étudiants étrangers en voie d’obtenir la résidence permanente.

Aider la population à se loger figure dans l’entente avec le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui permet aux libéraux de rester au pouvoir jusqu’en 2025.

Premiers chiffres sur le régime d’assurance-dentaire

Un autre jalon central de l’alliance libérale et néo-démocrate, l’assurance dentaire, se taille aussi une place dans l’exercice budgétaire. Pour la première fois, les libéraux chiffrent ce qu’il en coûtera pour établir le régime promis. Ils prévoient injecter 5,3 G$ sur cinq ans à partir de 2022-2023, puis 1,7 G$ chaque année suivante.

Comme prévu, le régime dentaire offert aux familles qui ont un revenu annuel de moins de 90 000 $ sera d’abord disponible, dans une première année, pour les enfants de moins de 12 ans. Le régime doit plus tard être élargi à toutes les personnes mineures, puis aux personnes en situation de handicap, avant d’être accessible à tous les ménages à faible revenu.

Par ailleurs, sur le plan de l’environnement, le gouvernement Trudeau détaille un peu plus comment il compte atteindre les objectifs de son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre dévoilé la semaine dernière. Pour atteindre sa cible que 60 % des ventes de voitures, d’ici 2030, soit celles de véhicules à zéro émission, Ottawa propose de prolonger, jusqu’en 2025, son programme offrant des rabais pouvant atteindre 5000 $ pour ce type d’achat.

Ainsi, on entend allonger 1,7 G$ sur cinq ans en plus d’élargir la portée du programme. Des investissements sont aussi prévus pour agrandir le parc de bornes de recharge, comme une enveloppe de 400 M$ à Ressources naturelles Canada pour le déploiement de ces installations dans les communautés éloignées.

« Responsabilité budgétaire »

S’ils promettent une foule d’investissements, les libéraux martèlent aussi qu’ils feront preuve de responsabilité budgétaire. « Le Canada a une fière tradition (en ce sens). C’est mon devoir de la perpétuer, et je le ferai », a soutenu Chrystia Freeland.

Ottawa entend entre autres aller piger dans les poches des banques et assureurs, comme le promettait la plateforme libérale. Le gouvernement créera un impôt spécial uniquement pour l’exercice de l’an passé ainsi qu’un « dividende pour la relance du Canada ». Au final, les institutions visées auront cinq ans pour payer 6,1 G$ supplémentaires.

La politologue Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa, estime que le budget de 2022 est « prudent ».

« On s’attendait à beaucoup de dépenses qui allaient sans doute même augmenter le déficit du gouvernement fédéral. Ce n’est pas ce qu’on a vu », analyse celle qui se spécialise en finances publiques.

Si elle note que les investissements prévus ne manquent pas, elle souligne que des revenus seront aussi au rendez-vous selon le plan budgétaire.

« On a commencé à imposer des gens, des entreprises mieux nanties, dit Mme Tellier. J’ai l’impression que le gouvernement essaie de trouver un juste équilibre entre donner davantage tout en restant un peu à l’intérieur des limites normales et raisonnables pour ce qui est d’équilibrer le budget. »

À son avis, le montant exigé des institutions financières est « significatif ». L’experte en finances publiques rappelle que plusieurs voix se sont élevées pendant la pandémie pour dire que ces organisations ont fait des gains durant la crise sanitaire. « Elles ont prêté beaucoup d’argent et ce n’est pas un service qui a été ralenti en temps de pandémie. »

Le gouvernement projette un déficit de 113,8 G$ pour l’année qui vient de se terminer, alors qu’il était évalué à 144,5 G$ lors de la mise à jour économique de décembre dernier.

Pour l’exercice financier courant, il sera de 52,8 G$ et de 39,9 G$ pour l’exercice suivant, prévoit le ministère des Finances.

Le budget de 2022 ne prévoit toujours pas de retour à l’équilibre budgétaire, mais le déficit sera réduit à 8,4 G$ pour l’exercice 2026-2027.

Et le budget de la défense?

En matière de défense nationale, le budget prévoit de nouveaux investissements de plus de 8 G$ sur cinq ans. « Ce financement renforcera les contributions du Canada à ses alliances de base, stimulera les capacités des Forces armées canadiennes, continuera d’appuyer le changement de culture et un milieu de travail sain et sécuritaire dans les Forces armées canadiennes, et raffermira la cybersécurité du Canada », peut-on lire dans le document.

Ainsi, les experts du gouvernement calculent qu’Ottawa dépensera environ 1,5 % de son PIB en défense au terme de l’horizon de prévision budgétaire de cinq ans. Ce calcul est basé sur la méthodologie de l’OTAN, qui prend notamment en compte des dépenses comme les pensions des anciens combattants et qui ne figurent pas dans le budget de la défense.

Dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, la pression est grande pour que le Canada atteigne la cible de 2 % du PIB, comme l’OTAN le demande à ses États membres.