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En 2015, selon The Bond Buyer, les émissions de Green Munis s’élevaient à 2 milliards de dollars américains (G$), ce total atteignant 21 G$ en 2021. Cela découpe une part de 4,4% d’un marché d’émissions municipales qui totalisait 475 G$ en 2021.

Avantage temporaire

Une nouvelle analyse de Morgan Stanley Research révèle que les valorisations des obligations municipales sont encore largement déterminées par la notation de crédit de l’émetteur, et non par leur capacité à traiter les risques liés aux facteurs ESG. Cependant, cet avantage tarifaire pourrait bientôt changer.

« À l’heure actuelle, les investisseurs désireux de se constituer un portefeuille obligataire plus durable peuvent le faire sans payer une prime », explique Samantha Favis, stratège au sein de l’équipe de revenu fixe municipal de Morgan Stanley Research.

« À l’avenir, poursuit-elle, nous pensons que les facteurs ESG pourraient commencer à avoir un impact sur la performance des obligations, car il est de plus en plus difficile d’ignorer le lien entre le risque de crédit et les variables environnementales et sociales. »

Les marchés du crédit n’ont pas encore mis l’accent sur les risques liés aux facteurs ESG, pourtant ces variables ont un impact direct sur les notations de crédit des municipalités. Par exemple, les économies étatiques et locales doivent supporter des coûts initiaux pour se préparer à des dérèglements naturels plus fréquents causés par le réchauffement climatique.

De plus, l’impact important de sécheresses, d’inondations, de chaleur extrême et d’autres événements climatiques affecte tout, depuis les rendements agricoles jusqu’à la productivité du travail, en passant par le tourisme.

Contraintes pour les émetteurs

« Fondamentalement, l’ESG consiste à ajouter une nouvelle optique à la gestion du risque dans le processus d’investissement en examinant les facteurs ESG en plus des paramètres financiers traditionnels », explique Carolyn Campbell, responsable de la recherche ESG sur les titres à revenu fixe chez Morgan Stanley.

À mesure que le marché reconnaît l’impact important des facteurs ESG sur le risque de crédit, les évaluations futures des obligations municipales pourraient commencer à augmenter, ce qui signifie que les investisseurs ont de moins en moins l’occasion de trouver la meilleure valeur possible pour les obligations municipales dans leurs portefeuilles ESG.

Du côté des émetteurs, la demande n’est pas toujours évidente à satisfaire, relève The Bond Buyer. Par exemple, certains clients privilégient une approche axée sur l’impact, d’autres veulent investir dans des obligations pour l’éducation, d’autres se concentrent sur des problèmes environnementaux, fait ressortir Andrew Teras, directeur de la recherche municipale chez Breckinridge Capital Advisors.

Or, les émetteurs ont besoin de clarté sur ce que les investisseurs, les agences de notation, les assureurs obligataires et les régulateurs réclament au juste; et ils jugent que leur coopération doit leur apporter un avantage tarifaire. Ils hésitent à fournir certains niveaux de détail sans comprendre pleinement les répercussions réglementaires potentielles et les coûts associés à cette démarche.

« On demande aux émetteurs des informations nouvelles et différentes, fait ressortir Andrew Teras. Beaucoup d’entre eux veulent les fournir, mais elles ne l’ont pas été traditionnellement. »

Contestations diverses

Il n’est pas certain que les green munis vont avoir le vent dans les voiles. Tout d’abord, certaines études récentes ébranlent plusieurs idées reçues au sujet de l’investissement ESG, autant de sa performance que de son impact sur les entreprises.

De plus, des voix s’élèvent pour contester l’ESG et ses applications restrictives. Comme le rapporte un récent article du Financial Times, les trésoriers des États américains de la Louisiane, de la Caroline du Sud, de l’Arkansas et du Utah ont annoncé le retrait d’un milliard de dollars américains des portefeuilles de BlackRock d’ici la fin de 2022.

Dans la foulée de cette annonce, le Wall Street Journal rapportait que la Louisiane retirerait à elle seule 800 M$ à la fin de l’année, référant au support du géant financier pour l’investissement ESG. En effet, rappelle le WSJ, Larry Fink, chef de la direction de BlackRock, affirmait en 2020 que sa firme plaçait les questions de durabilité au cœur de son approche d’investissement.

Plus récemment, toujours selon le Wall Street Journal, le trésorier du Missouri, Scott Fitzpatrick, annonçait le retrait de 500 M$, soit le total des sommes confiées à BlackRock par les fonds de pension de l’État. Ce geste survient dans la foulée d’une déclaration d’un groupe de 19 procureurs généraux qui ont accusé BlackRock de boycotter l’industrie pétrolière aux dépens de ses clients. « Le trésorier du Missouri, écrit le WSJ se joint à un chœur de représentants d’États qui sont de plus en plus mécontents de l’adhésion de BlackRock à l’investissement ESG. »