Deux hommes regardant un livre de compte en transparence, on voit un ordinateur avec des graphiques.
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Après des mois d’inquiétude quant à l’imminence d’une récession, les économistes notent la résilience de l’économie et envisagent un éventuel « atterrissage en douceur » du cycle actuel de hausse des taux.

« Peut-être que ce Saint Graal d’un atterrissage en douceur n’est plus mythique, avance Jean-François Perrault, économiste en chef à la Banque Scotia. Nous pourrions y parvenir ».

S’exprimant aux côtés d’autres économistes en chef le 13 janvier dernier lors de l’événement annuel sur les perspectives du Club économique du Canada à Toronto, Jean-François Perrault a affirmé que les économistes avaient sous-estimé la résilience de l’économie et des ménages.

« Un tas de conneries se sont produites l’an dernier », a-t-il assuré, évoquant des surprises de l’inflation à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, sa prévision de croissance de 3,7 % pour l’économie canadienne sera proche du chiffre réel lorsqu’il sera connu, estime-t-il.

Douglas Porter, économiste en chef de BMO Groupe financier, constate que l’économie a terminé l’année avec beaucoup plus d’élan que ce à quoi on s’attendait. Les aspects uniques de l’économie découlant de la pandémie, notamment l’épargne excédentaire et la demande refoulée, rendent les prévisions plus difficiles, ajoute-t-il.

Tout en soulignant la résilience de l’économie, Douglas Porter rappelle toutefois que chaque fois que la Réserve fédérale et la Banque du Canada ont augmenté les taux d’intérêt de quatre points de pourcentage ou plus depuis l’après-guerre, un ralentissement a suivi.

« On entend souvent dire qu’il ne faut pas se battre contre la Fed, rappelle-t-il. C’est un cas où vous ne pouvez vraiment pas lutter contre la Fed ».

Faire baisser l’inflation de 5 ou 6 % vers les fourchettes cibles des banques centrales sera difficile et nécessitera probablement « au moins un modeste ralentissement », a-t-il avancé.

Craig Wright, économiste en chef de RBC, maintient sa prévision précoce d’une récession cette année, soulignant la démondialisation et la fin de « l’argent gratuit » avec des taux d’intérêt ultra-bas.

« Il y a tout simplement trop de forces pour empêcher une récession », assure-t-il.

Toutefois, Craig Wright est plus optimiste quant à la trajectoire de l’inflation. Il dit s’attendre à ce que le taux d’inflation revienne dans la fourchette cible de 1 % à 3 % de la Banque du Canada d’ici la fin de l’année.

L’économie canadienne a créé 104 000 emplois en décembre, surprenant les économistes et suscitant des attentes de hausse des taux d’intérêt pour refroidir le marché du travail.

Les économistes du panel étaient divisés quant à savoir si la Banque du Canada allait faire une pause ou augmenter les taux de 25 points de base supplémentaires lors de la réunion du 25 janvier.

Beata Caranci, économiste en chef du Groupe Banque TD, assure que la décision pourrait être davantage une question de message. La publication le même jour du rapport sur la politique monétaire, qui exposera le programme à court terme de la banque, sera plus importante que la nouvelle hausse des taux.

« D’un point de vue stratégique, il se peut qu’ils veuillent procéder à un relèvement de 25 points de base dans le seul but de rappeler aux marchés leur crédibilité et de s’assurer qu’il n’y a pas de complaisance ou de trop grande reprise », résume Beata Caranci.

À la fermeture des marchés le 12 janvier dernier, le S&P 500 était en hausse de 3,74 % pour l’année après la publication des chiffres de l’IPC américain, tandis que le S&P TSX Composite était en hausse de 4,26 %.

« Le marché croit certainement que nous sommes dans un scénario « Boucles d’or » où l’inflation diminue sans qu’il y ait de récession pure et simple », déclare Douglas Porter.

Bien qu’il y ait des signes positifs concernant l’inflation et les marchés, les économistes en chef estiment qu’il y a encore beaucoup de risques et d’incertitudes.

Douglas Porter souligne les risques géopolitiques, notamment les frictions avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, en plus de la guerre Russie-Ukraine. « Pour moi, ce sont des préoccupations beaucoup plus sérieuses que les défis économiques auxquels nous sommes confrontés », assure-t-il.

Jean-François Perrault évoque la possibilité d’autres surprises sur le front de l’inflation. Bien qu’il y ait « tout un tas de preuves » au cours des derniers mois suggérant que l’inflation fait ce que les économistes attendaient, il a déclaré que la pandémie a révélé que la compréhension de l’inflation par les économistes n’est pas aussi avancée qu’on le pensait auparavant.

« Je crains qu’il ne se passe quelque chose du côté de l’inflation qui ne corresponde pas à ce que nous pensons de l’inflation », avance-t-il. Et cela pourrait signifier une inflation plus élevée, des taux plus élevés et une récession plus profonde.

Les économistes de Desjardins ont indiqué dans un rapport publié vendredi que la croissance devrait se contracter pendant au moins deux trimestres cette année, l’endettement devenant un problème plus important pour les ménages canadiens.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, quant à elle, a déclaré dans un rapport publié récemment qu’une récession était encore évitable.