Un homme d'affaire devant une fenêtre qui surplombe la ville.
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Alors que le risque d’une récession économique semble s’éloigner des États-Unis, la « richcession » semble, elle, là pour rester. C’est un journaliste du Wall Street Journal, Justin Lahart, qui a ainsi baptisé en début d’année le ralentissement économique qui touche actuellement les voisins du Sud.

D’habitude, une crise économique frappe en premier les ménages à faibles revenus, qui subissent avant les autres la hausse du chômage. Les chiffres de l’emploi figurent ainsi parmi les indicateurs surveillés à la loupe par les banques centrales pour déterminer les hausses du taux directeur.

Or, depuis le début de l’année, le ralentissement économique frappe surtout les salariés américains aux revenus plus élevés, rapporte le Wall Street Journal, citant une étude de la société Challenger, Gray and Christmas, selon laquelle, chez les ménages qui gagnent un revenu supérieur à 150 000 $, le nombre de demandes à l’assurance-emploi a progressé de plus de 40% en un an. Cette hausse du chômage est plus de cinq fois supérieure à celle des ménages gagnant moins de 65 000 $, souligne la firme.

Elle signale qu’environ un tiers des licenciements annoncés par les entreprises américaines en 2023 ont eu lieu dans des sociétés technologiques telles que Meta Platforms, la société mère de Facebook, où le salaire médian avoisinait les 400 000 $ l’an dernier. Le couperet serait tombé, dans ce secteur, sur près de 200 000 emplois cette année.

Changements de comportements

L’industrie de la finance, où les salaires sont plus élevés, a également été touchée, notamment à la suite de la faillite des banques First Republic, Signature et Silicon Valley. Morgan Stanley a annoncé vouloir supprimer 3000 emplois lors d’une deuxième vague de licenciements, après avoir déjà coupé 2 % de ses effectifs en décembre. Le rachat de Credit Suisse par UBS devrait se solder quant à lui par des coupures de 35 000 postes, dont une partie aux États-Unis.

Ces difficultés chez les salariés à hauts revenus s’accompagnent de changements de comportements de consommation. Selon le Bank of America Institute, les dépenses par cartes de crédit et de débit consacrées par les ménages aisés aux biens non essentiels, comme les produits de luxe, étaient en avril inférieures à la même période de l’an dernier, alors que les dépenses des autres ménages dans ces mêmes biens étaient supérieures.

Walmart rapporte également que ses parts de marché ont augmenté auprès d’une clientèle plus aisée que celle qui fréquente ses allées habituellement. Ce fait est significatif, note David Tinsley, économiste pour l’institut, car les 40% de ménages les plus aisés représentent plus de 60% de la consommation aux États-Unis.

Selon les économistes, la plupart des employés touchés par la « richcession » possèdent un bon niveau d’éducation et peuvent donc trouver un nouvel emploi assez rapidement, ce qui contribue à contenir le chômage malgré les licenciements. Les licenciés des techs trouvent ainsi à se recaser au sein du gouvernement fédéral, ainsi que dans les secteurs de l’hôtellerie, de la vente au détail et du transport.

« Ce n’est pas une récession »

En outre, les travailleurs aisés disposent généralement d’une épargne dans laquelle ils peuvent puiser après avoir perdu leur emploi, ce qui leur permet de continuer à dépenser et d’alimenter l’économie, signale Tom Barkin, président de la Reserve fédérale de Richmond. Jan Hatzius, économiste en chef chez Goldman Sachs, indique pour sa part que cette situation l’a incité à réduire la probabilité d’une récession de 35 % à 25 % au cours des 12 prochains mois.

« Le risque de récession s’éloigne rapidement », a déclaré à l’Associated Press Neil Dutta, économiste chez Renaissance Macro, qu’il s’agisse d’une récession en dents de scie ou d’une « récession des riches », ajoutant que s’il fallait lui donner des noms différents, ce n’était pas une récession.

« Il est facile d’imaginer qu’il pourrait s’agir d’un type différent d’assouplissement du marché du travail […] qui aurait un impact différent, à la fois sur la demande et sur des éléments tels que le taux de chômage, par rapport à un affaiblissement normal », a déclaré pour sa part Tom Barkin à l’agence de presse américaine.