Pourtant il manque cruellement de balises communes susceptibles d’orienter les investisseurs. C’est pourquoi l’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV; IOSCO en anglais) vient de publier une étude qui fait le tour de la question et recense parmi ses membres les initiatives dans le monde qui visent à faire l’éducation des investisseurs et, tout particulièrement, de leurs conseillers.

Alors qu’en 2012, le marché ESG global rejoignait seulement 11% des investisseurs individuels, leur proportion avait atteint 25 en 2020. En même temps qu’affluaient les investisseurs, les actifs sous gestion dans les FNB ESG croissaient de 53% en 2021 à 2,7 billions de dollars américains tandis que les obligations et prêts durables atteignaient 1,6 billion de dollars américains. Une étude de Bloomberg Intelligence projetait en février 2021que les actifs ESG dans le monde dépasseraient 53 billions en 2025, soit plus d’un tiers des 140,5 billions de dollars américains d’actifs totaux sous gestion prévus.

Grain de sel

Il faut prendre ces chiffres survoltés avec un gros grain de sel quand on sait combien l’éco-blanchiment est répandu, comme le rappelle le scandale récent chez DWS, filiale de gestion d’actifs de Deutsche Bank. Selon Morningstar, sur des actifs totaux de 459 milliards d’euros apparemment consacrés à l’investissement ESG, seulement 100 à 150 milliards l’étaient vraiment, l’article de Morningstar rappelant que l’éco-blanchiment ne constitue nullement de la fraude, mais seulement de la fausse représentation – sans pénalités.

Évidemment, l’éco-blanchiment est un des risques les plus évidents rattachés à l’investissement ESG, constate l’étude de l’OICV. Mais ce risque, fait-elle ressortir aussi, est la conséquence d’un manque flagrant de normes et de standards pour le secteur, tant du côté des entreprises, des gestionnaires de portefeuille que des régulateurs. Dans plusieurs régions du monde, les régulateurs cherchent à combler cette carence, mais aucun corpus commun n’a encore émergé.

Le problème est accru, juge l’OICV, par les grandes firmes de notation ESG dont les grilles d’analyse diffèrent, comme le relevait un article de Finance et Investissement au sujet du titre de Microsoft. Alors que l’indice MSCI USA ESG Leaders l’affiche à son sommet, Sustainalytics lui donne une cote très moyenne qui le situe dans le 8e quartile, et Truvalue lui donne une cote plutôt médiocre de 32%.

Enfin, comme le constate une étude de Derek Horstmeyer, professeur de finance au George Mason University’s Business School, plusieurs fonds ESG ont une très forte allocation en titres technologiques, ce qui leur a nui gravement dans la chute boursière récente, en titres de PME et sont même très sensibles aux aléas du secteur pétrolier!

Éduquer, éduquer, éduquer

Dans un tel labyrinthe, l’investisseur doit savoir trouver son chemin. D’où l’importance cruciale de faire son éducation, et c’est pourquoi l’OICV fait un recensement des initiatives les plus intéressantes à ce chapitre dans le monde. Malheureusement, les conseillers ne semblent pas être au rendez-vous. L’étude rapporte « qu’une enquête mondiale a révélé que 45 % des investisseurs déclarent que leur conseiller financier ne fournit des informations sur l’investissement durable que lorsqu’on le lui demande. En France, une enquête auprès des particuliers a montré qu’environ 90 % d’entre eux ne se sont pas vu proposer un produit d’investissement socialement responsable, ou ISR, par une banque ou un conseiller. »

La première initiative que salue l’étude de l’OICV en est une de l’Ontario Securities Commission, dont « le contenu encourage les investisseurs à se concentrer sur les valeurs fondamentales qui sont les plus pertinentes pour eux lors de la sélection des investissements ESG, à en apprendre davantage sur les différents types de produits d’investissement ESG disponibles, à examiner les documents d’information sur les fonds et à discuter avec leur conseiller financier des investissements liés à l’ESG. »

L’OICV encourage le recours à multiples canaux de communications, particulièrement aux technologies de pointe des webinars et des médias sociaux, pour rejoindre les investisseurs. Elle salue de nombreuses initiatives au passage, notamment l’utilisation de Facebook, de LinkedIn et de Twitter par l’AMF Québec et de podcast par l’AMF France.

Cependant, il ne suffit pas de s’adresser aux investisseurs. L’OICV encourage des programmes de formation visant, par exemple, tous les employés des organismes de règlementation, mais surtout visant les conseillers. Là aussi, une double initiative d’AMF France est mise à l’honneur. D’un côté, elle mène un programme de formation volontaire s’adressant à tous les employés du régulateur, de l’autre, elle a mis au point un module de formation optionnel sur la finance durable à l’intention des conseillers qui, à partir d’août 2022, seraient tenus de demander à leurs clients leurs préférences ESG.