Un tas de bitcoins.
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De 2016 à 2021, la Banque du Canada a mené des sondages annuels au sujet de Bitcoin, traçant un portrait en évolution de la célèbre cryptomonnaie et de ses utilisateurs

Quelques constatations s’imposent au départ. En 2016, 45% des répondants percevaient Bitcoin comme une monnaie d’échange et seulement 6%, comme un investissement. Dans le sondage de 2021, ces proportions s’inversent complètement : 60% le voient comme un investissement et seulement 9% comme une monnaie d’échange.

Avec 78% de Québécois informés de l’existence de Bitcoin en 2021, la Belle Province traînait la patte au Canada comparé à la Colombie-Britannique, en tête avec 95%, les Prairies, avec 92% et l’Ontario, avec 91%. Depuis le début des sondages, le Québec accuse un retard, le niveau de conscience en 2016 n’étant que de 49% comparé à 74% en Colombie-Britannique.

Par contre, quand vient le temps de détenir des Bitcoins, le Québec et l’Ontario sont très proches avec des taux de détention de 11,6% et 12,3% respectivement, assez loin derrière les 19,6% de la Colombie-Britannique et loin devant les 6,2% des Maritimes.

L’épisode de la pandémie explique certaines transformations indiquées plus haut. Ainsi, la part de Canadiens qui détiennent la cryptomonnaie a presque triplé de 2020 à 2021, passant de 5% à 13%. C’est dans cette année que le Québec s’est rattrapé au chapitre de la détention: de 5,5% en 2016, le niveau a décliné à 3,9% en 2020, avant de franchement tripler à 11,6% en 2021.

Survoltage pandémique

Comme l’explique l’étude, ce bond de 2020 à 2021 tient à l’augmentation importante du taux d’épargne et de la richesse des Canadiens dans la foulée de la pandémie. Le taux d’épargne est passé de 2,4% à 27% durant la période 2015-2019. Par ailleurs, « la croissance de la richesse des ménages s’est produite dans tous les quintiles de richesse, mais était plus apparente parmi les trois quintiles les plus bas », souligne l’étude.

La forte hausse des détenteurs de Bitcoin les divise en deux groupes distincts et égaux à partir de 2021 : les détenteurs récents et les détenteurs à long terme. Par exemple, les détenteurs de plus de 55 ans et les femmes sont les deux groupes qui ont connu la plus forte hausse en 2021. Par ailleurs, alors que 55% des détenteurs récents n’utilisent jamais leurs Bitcoins pour faire des achats, cette proportion tombe à 29% chez les détenteurs à long terme. Aussi, probablement à cause de leur plus grande familiarité avec le monde Bitcoin, les détenteurs long terme sont plus susceptibles de détenir des crytomonnaies alternatives, comme Ethereum et Dogecoin, les deux plus populaires.

Le niveau de conscience de Bitcoin en général est aussi élevé chez les hommes (91%) que chez les femmes (87%), par contre le taux de détention est plus du double chez les hommes : 19,3% contre 7,2%. Comme on peut s’y attendre, le groupe des 18-34 ans domine le palmarès, le niveau de détention chez eux étant de 25,6%, alors qu’il est de 14,7% chez les 35-54 ans et de 2,8% chez les 55+ ans.

L’effet « littératie »

Comme elle varie par groupes d’âge, la détention de Bitcoin varie aussi par niveau de revenus et d’éducation, mais les disparités sont moins accentuées qu’entre groupes d’âge. Ainsi, elle domine chez ceux qui ont un diplôme universitaire (18,8%) et un revenu supérieur à 70 000$ (17,2%). Viennent ensuite ceux qui ont un revenu entre 30 000$ et 70 000$ (12,4%) et qui détiennent un diplôme d’études secondaires ou moins. Au niveau collégial, le taux de détention tombe à 10,5% et chez ceux qui gagnent moins que 30 000$, à 5,8%.

Les chiffres sur les niveaux de littératie financière étonnent, écartelés en 2021 entre ceux chez qui elle est basse (15,6%) et ceux chez qui elle est élevée (14,7%). Chez ceux dont le niveau de littératie est moyen, on tombe à 8,8%. La pandémie a été déterminante ici aussi : alors que les Canadiens ayant une faible littératie financière étaient plus susceptibles de posséder des Bitcoins, désormais la cohorte de ceux qui ont une littératie élevée est aussi importante.

Le portrait composite du détenteur typique se découpe donc ainsi : « Les propriétaires de Bitcoins sont plus souvent des hommes, issus de cohortes plus jeunes, disposant de revenus plus élevés, occupant un emploi, ayant une faible culture financière mais une connaissance comparativement élevée des bitcoins », écrivent les auteurs de l’étude. Il apparaît par ailleurs que les récents détenteurs sont plus susceptibles d’être sans emploi.

Pourquoi ne pas détenir des Bitcoin? En 2021, 39% des non-détenteurs l’expliquaient par leur manque de connaissance ou de compréhension de la cryptomonnaie; 23%, parce que leurs méthodes courantes de paiement les satisfaisaient; 19% parce qu’ils étaient méfiants de telles monnaies privées sans appui et sans réglementation gouvernementaux.

Sans expliquer pourquoi, l’étude relève que les jeunes Canadiens de 18 à 34 ans semblent réduire leur participation dans le marché Bitcoin. Il reste à voir si le sondage de 2022, à la suite du krach du marché des cryptomonnaies et du ralentissement économique, repérera une intensification de cette tendance.