Femme souriante assise à un bureau en face d'un client.
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C’est le cas – dans la théorie. En pratique, sur le terrain, la finance, « c’est très émotionnel », affirme Audréanne Leblanc, fiscaliste et planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine.

Comprendre et gérer cette émotivité constitue le domaine auquel s’est consacrée la récente discipline de la finance comportementale, dans laquelle Audréanne Leblanc s’est spécialisée. « On comprend de plus en plus combien le comportement a un impact important sur les décisions, dit-elle, et un conseiller informé en finance comportementale peut aider ses clients à avoir une relation à l’argent plus saine. »

Surtout, la finance comportementale éclaire les réticences qu’un client peut avoir à l’endroit du changement et permet à un conseiller de mieux comprendre comment il peut faciliter le changement pour un client.

Par exemple, le « paradoxe du choix » est une notion importante de la finance comportementale qui permet de mettre en perspective une foule de « complications » dans lesquelles un client peut s’enliser. Audréanne Leblanc illustre son propos par une sortie à la crèmerie où on va amener deux groupes de gens. Au premier groupe, on va offrir un choix très élaboré de 30 saveurs, au deuxième, un choix simplifié de 3 saveurs. « Les études montrent que ceux qui ont seulement trois choix sont plus heureux », explique la fiscaliste. Contrairement au groupe des 30 saveurs, ils se creusent moins les méninges pour savoir ce qu’ils veulent, ils sont plus heureux avec leur choix final et ne le remettent pas en question.

Faut-il en conclure qu’il faut proposer le moins possible à ses clients? Pas du tout. L’expérience montre plutôt « l’importance de bien connaître son client pour lui offrir les ‘saveurs’ qui s’appliquent le mieux à lui, à ses biais cognitifs particuliers, à sa culture, à ses dispositions », fait ressortir Audréanne Leblanc.

Souvent, les conseillers voient leur rôle comme celui d’un « expert » et d’un « spécialiste » qui multiplie auprès de ses clients, connaissances, techniques et stratégies – et ils tombent à côté de la plaque. « On peut arriver avec les meilleures stratégies du monde, mais si le client n’est pas prêt à les recevoir, on fait fausse route », souligne la conseillère.

Elle donne le simple exemple de créer et de suivre un budget ou de rédiger un testament, choses qu’on doit aborder souvent avec des clients. Mais plusieurs contrôlent mal leurs impulsions d’achat, ce qui fait dérailler régulièrement le budget. D’autres ne sont simplement pas prêts à faire l’introspection nécessaire et à entamer le processus de réflexion qui va permettre de finaliser un testament. Celui-ci reste donc en plan.

Comme on peut le constater, les obstacles ne sont pas cognitifs, mais émotionnels. Une foule de réticences obscures se dressent sur le chemin et empêchent le client d’y progresser.

Comment surmonter ces obstacles ? La clé tient en grande partie dans ce que la psychologie classique appelle « l’écoute active ». Il faut inviter le client à parler, à se dévoiler, à révéler tous les « oui, mais » qu’il abrite. Pour y arriver, les habiletés relèvent plus d’un mentor et d’un « coach » que d’un professeur. Et devenir un bon mentor ne s’improvise pas. Il faut que le conseiller se passe lui-même au crible de la finance comportementale.

En premier lieu, insiste Audréanne Leblanc, le conseiller doit pratiquer l’injonction classique : connais-toi toi-même. « Le conseiller doit connaître ses propres biais et faire en sorte de ne pas les interposer entre lui et son client. » Il doit surtout oublier les jugements et éviter d’aborder un client avec des prémisses et des préjugés déjà établis. « Il faut cultiver l’esprit du débutant et ne pas tenir pour acquis qu’on sait déjà tout ce qui est bon pour notre client. »

Audréanne Leblanc aime parler de co-création. La relation avec un client n’est pas à sens unique, allant d’un conseiller qui dispose de toutes les clés vers un client perçu comme un réceptacle vierge. « Oui, le conseiller est expert de son domaine, mais le client est l’expert de sa vie. Il faut laisser la place au client pour qu’il se dévoile et explique sa vie. »