Déception, certes, mais rares sont ceux qui s’attendaient à ce que le gouvernement donne suite rapidement aux recommandations.

Après quelques semaines d’audiences à la fin de l’été, au cours desquelles 34 mémoires lui ont été soumis, la Commission des finances publiques, où le Parti québécois dispose de la majorité des sièges, a choisi de refaire des études concernant les propositions phares du rapport D’Amours, soit le financement des régimes de retraite à prestations déterminées et la rente de longévité.

La première visait la mise en place d’une nouvelle norme de capitalisation des régimes actuels, et la seconde, la création d’une rente provenant d’un régime à prestations déterminées versée aux travailleurs québécois à partir de 75 ans.

«Il aurait été souhaitable qu’on ait un échéancier» de la part du gouvernement pour la suite des choses, déplore Claude Lock-head, vice-président principal d’Aon Hewitt à Montréal.

S’il n’est pas surpris que Québec décide de commander plus d’études, Claude Lockhead estime néanmoins qu’il y a des problèmes qui doivent être pris de front très vite. «Plus de deux millions de travailleurs québécois n’ont aucun régime de retraite», souligne l’actuaire.

Participant aux audiences de la Commission et l’un des auteurs du mémoire déposé par Aon Hewitt, Claude Lockhead estime que les recommandations du comité D’Amours n’étant «pas parfaites», il est normal qu’on ait jugé qu’il restait du travail à faire.

Cependant, les importants déficits cumulés par les universités et les municipalités québécoises constituent un problème majeur qu’on aurait pu régler «relativement facilement», en revoyant les façons de capitaliser les régimes et d’évaluer leur solvabilité, par exemple.

Hausse de taux

Cela étant, la récente hausse des taux d’intérêt à long terme a allégé la situation des régimes à prestations déterminées.

«Au mois d’août dernier, la solvabilité médiane des régimes au pays était de 84 %, alors qu’elle était de 69 % en décembre 2012», relève Claude Lockhead, qui estime que cela a probablement atténué le sentiment d’urgence implicite du rapport D’Amours.

On a bien sûr entériné quelques propositions, telles celles qui concernent la mise en oeuvre rapide des régimes volontaires d’épargne-retraite et l’achat de rentes auprès des assureurs par les comités de retraite des régimes.

«On ne peut continuer longtemps à faire l’autruche», dit Maurice N. Marchon, un des membres du comité D’Amours. Pour le professeur d’économie appliquée à HEC Montréal, «dans l’immédiat, il faut surtout mettre un terme aux fluctuations de solvabilité des régimes de retraite».

Ainsi, les taux réels utilisés par les régimes pour évaluer leur solvabilité, établis à 2 % actuellement, rendent la situation difficile. «Un régime est là pour longtemps : il faudrait plutôt calculer un taux d’équilibre à long terme, en prenant par exemple le taux réel et l’inflation», ce qui donnerait un taux aux alentours de 4,5 %.

Il n’est pas non plus surpris que la Commission ait renvoyé le tout à plus tard, même s’il juge «que ce n’est pas d’études supplémentaires qu’on a besoin, mais bien d’actions», dit-il.

La déception est palpable chez Michel St-Germain, associé exécutif chez Mercer, qui a également participé aux travaux de la Commission.

«Changer les régimes de retraite, c’est toujours difficile et périlleux. Il faut que la fenêtre soit ouverte. Elle ne semble pas l’avoir été», déplore l’actuaire. Il est déçu, mais pas étonné, puisque «la plupart des grandes études sur les régimes de retraite au Canada sont tablettées».

S’attaquer à la réorganisation du financement des caisses de retraite est politiquement difficile, observe Michel St-Germain. Lors des audiences de la commission, les intérêts des retraités, des syndicats, des employeurs, des gestionnaires de caisses de retraite étaient souvent diamétralement opposés.

Il y a aussi le fait que «le comité D’Amours a tenté de tout régler. N’aurait-il pas mieux valu s’attaquer à quelques problèmes plutôt que de vouloir tout régler ?» demande Michel St-Germain, qui voit dans le tablettage du rapport «une occasion ratée».