Un fonds de 200 M$ pour les gestionnaires émergents

Après de nombreux mois de gestation, un plan d’action élaboré par le Chantier entrepreneuriat de Finance Montréal prendra sous peu son envol.

Rappelons que l’organisation avait laissé savoir qu’elle avait un plan en gestation pour encourager le démarrage de nouvelles firmes de gestion de portefeuilles.

Finalement, c’est par l’entremise d’un fonds, financé par les caisses de retraite, que de nouveaux gestionnaires recevront de l’aide.

« Notre objectif est de réunir un actif de 200 M$ pour juin 2015 », explique Stéphane Corriveau, président et directeur principal d’AlphaFixe Capital, et pilote du comité chargé de trouver du capital d’amorçage (seed money) au sein du Chantier entrepreneuriat de Finance Montréal, en entretien avec Finance et Investissement.

« Le programme va permettre aux gestionnaires participants de gérer des actifs, de se construire un historique de rendement, de mieux comprendre le milieu et de pouvoir se présenter à la communauté », explique-t-il.

Le programme s’adresse aux entrepreneurs, à des personnes ayant constitué leur firme ou qui souhaitent le faire et à des firmes qui cherchent de nouveaux clients et regardent de nouveaux marchés. L’objectif est à court terme. On veut en quelque sorte bien démarrer le moteur des nouvelles entreprises.

« Nous ne pensons pas que ces gestionnaires puissent vivre uniquement avec cet actif sous gestion, mais nous croyons qu’il s’agit d’un bon coup de pouce pour commencer, pour se concentrer sur sa gestion et éviter de devoir chercher quotidiennement comment payer l’hypothèque », ajoute Stéphane Corriveau.

Donner un élan

Cet actif, destiné à encourager et à soutenir l’entrepreneuriat dans le domaine de la finance, sera partagé entre quatre ou cinq gestionnaires émergents. Ils le géreront pour une moyenne de quatre années.

L’échéance pourrait s’étirer de deux à six ans, mais il ne s’agira pas d’un mandat à vie. Stéphane Corriveau précise que le but est que les gestionnaires en incubation se développent et qu’au bout de trois ou quatre ans, des caisses de retraite, ayant suivi leur évolution, veuillent leur donner directement des mandats.

Au cours de l’été dernier, Stéphane Corriveau et Vital Proulx, président et chef de placements chez Hexavest, et leader du Chantier entrepreneuriat, ont rencontré de nombreux actuaires et responsables de caisse de retraite.

« La difficulté pour les caisses de retraite d’évaluer les gestionnaires en émergences dans le but de leur confier des actifs à gérer est sans doute le commentaire qui nous a été le plus fréquemment servi, évoque Stéphane Corriveau. En contrepartie, nous avons été agréablement surpris de constater à quel point la volonté d’engagement était présente si le modèle proposé parvenait à répondre à ce besoin. »

Se mouler aux caisses de retraite

La volonté du Chantier entrepreneuriat est donc d’établir une politique de placement qui corresponde aux besoins des caisses de retraite.

« Il y a 98 % des actifs gérés au Québec qui sont basés sur des stratégies : actions – obligations long terme seulement. On ne parle pas de Hedge Fund, ni de fond de couverture, mais bien d’actions basées sur l’indice S&P 500. C’est ce que le marché demande et notre plan désire répondre à la demande du marché », rappelle Stéphane Corriveau.

En contrepartie, les caisses de retraite seront invitées à investir de 1 à 2 % de leur actif sous gestion, de manière à constituer le fonds de 200 M$. Le frais de gestion demandé sera comparable à celui de n’importe quel gestionnaire institutionnel, estime Stéphane Corriveau.

Processus rigoureux

Le comité indépendant qui sera mis en place d’ici février 2015 tiendra compte des exigences des caisses. D’abord, un fournisseur de services, dont le mandat reste à octroyer, sera chargé d’analyser la structure des firmes en émergences ciblées afin de contrôler leur capacité à devenir un gestionnaire institutionnel.

« Cette firme va étudier les systèmes, aussi bien en terme de conformité, que d’arrière-boutiques (back-office). Peut-être que les gestionnaires qui seront analysés gèrent déjà l’argent d’un oncle ou de différents investisseurs privés. Nous devons toutefois nous assurer qu’ils soient conformes pour la gestion des fonds issus de comités de retraite », précise Stéphane Corriveau.

Un rapport d’analyse sera déposé auprès d’un comité de sélection, composé notamment d’actuaires et de membres de comités de retraite. Ce comité indépendant va aussi procéder à une analyse qualitative des firmes. Il va se pencher sur la structure de gouvernance, les principes d’investissements et la manière dont seront présentés les rendements. Puis, une fois que les actifs auront été attribués, ce comité effectuera les suivis sur les résultats.

Une panoplie de candidats

La recherche de firmes candidates ne devrait pas poser de difficulté. Le Conseil des gestionnaires en émergence (CGE), une jeune organisation qui regroupe une quarantaine de gestionnaires d’actif québécois, constitue un bassin naturel de candidats. Le CGE est également soutenu par Finance Montréal.

« La perception qu’un gestionnaire émergent est un gestionnaire qui commence et n’a aucun historique de rendement est encore présente dans l’esprit de nombreux distributeur d’actif. Plusieurs de nos membres possèdent pourtant un historique de rendement de plusieurs années et ont des actifs d’amassés. C’est surtout beaucoup moins spéculatif que les gens l’imaginent », expliquait Philippe Hynes, président de Tonus Capital et membre du conseil d’administration du CGE, lors d’un entretien avec Finance et Investissement en juin dernier.

« Les gestionnaires émergents qui ont le potentiel de se développer pour devenir institutionnels n’ont souvent pas la chance d’obtenir le soutien des caisses de retraite, avance Stéphane Corriveau. C’est un cercle vicieux que nous désirons briser. »

« L’industrie de la finance à Montréal est marquée de mauvaises nouvelles depuis une couple d’années. Des compagnies ferment leurs portes, nous assistons à des fusions et au bout du compte, nous perdons notre centre d’expertise. Nous croyons qu’il y a beaucoup de talent à Montréal et nous ne voulons pas que dans dix ans, les caisses de retraite soient toutes gérées de Toronto, Boston, New York ou de Londres. Nous avons du potentiel à Montréal et il faut seulement se donner des instruments pour permettre à ce potentiel d’éclore », conclut Stéphane Corriveau.

Photo : Stock Exchange