Pourquoi la règle de 72 ne convient pas
papparaffie / 123RF Banque d'images

 

La règle de 72 est une formule mathématique facile et rapide pour estimer le temps qu’il faudra à votre client pour doubler son argent si cet argent reste entièrement investi et que les gains sont également réinvestis. Ce que cette règle ne réussit pas à faire, toutefois, c’est évaluer avec précision son futur pouvoir d’achat.

L’effet de composition des rendements perd de sa magie quand on prend en compte l’impact de l’inflation. Et si votre client investit dans un compte non enregistré, dans lequel son revenu est imposable l’année où il le gagne, la magie se dissipe encore plus.

La règle de 72 est un calcul très simple. D’abord, on formule une hypothèse quant au taux de rendement annuel moyen prévu pour le placement. Ensuite, on divise 72 par ce rendement moyen présumé. La réponse sera le nombre d’années qu’il faudra pour doubler cet argent.

Prenons pour exemple un rendement moyen de 6 %, qui est une hypothèse raisonnable dans l’environnement actuel de faibles rendements pour un portefeuille équilibré penchant vers les actions. À ce taux-là, selon la règle de 72, il faudrait 12 ans pour doubler l’argent. (72 divisé par 6).

Toutefois, alors qu’un rendement de 6 % doublera le montant nominal en dollars de l’argent en 12 ans, cette période ne sera probablement pas suffisante pour doubler le pouvoir d’achat. La raison en est l’inflation.

Bien que les taux actuels restent très bas, l’indice des prix à la consommation de Statistique Canada ayant globalement augmenté de seulement 1,3 % au cours des 12 mois qui se sont terminés en mars, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que l’inflation reste longtemps inférieure à sa moyenne historique de longue date de 4,1 %.

Donc si le chiffre de 72 n’est pas le bon pour estimer le nombre d’années qu’il faudra pour doubler le pouvoir d’achat de votre client, quel chiffre utiliser?

« Le chiffre sera plus élevé ou inférieur, selon le taux estimé de l’inflation », dit Shailesh (Shay) Kshatriya, directeur, stratégies de placements canadiens à Russell Investments à Toronto.

La règle de 72 a du sens si l’on suppose que l’inflation est à zéro. Dans le cas d’une période déflationniste, le dénominateur approprié pourrait même être inférieur à 72. « Toutefois, les conséquences économiques d’une déflation ne sont pas nécessairement positives, notamment si la déflation persiste sur une période prolongée », fait remarquer M. Kshatriya.

Dans les scénarios économiques et boursiers les plus probables, qui supposent une augmentation du coût de la vie, le chiffre ajusté à l’inflation aux fins de calcul est probablement bien supérieur à 72.

Par exemple, dans l’environnement actuel des marchés boursiers, les calculs de M. Kshatriya produisent une règle de 112 pour estimer le nombre d’années qu’il faudra pour doubler le pouvoir d’achat de votre client s’il investit dans des actions canadiennes générant un gain. Ce chiffre qui, insiste-t-il, variera au fur et à mesure que les hypothèses inflationnistes fluctueront, présume un taux moyen annuel de 2,5 % au cours des 20 prochaines années.

En supposant aussi un rendement annuel moyen de 7 % durant cette période pour les actions canadiennes, M. Kshatriya dit qu’il faudrait 10,3 ans pour doubler la valeur d’un investissement avant de prendre l’inflation en compte. (La règle de 72 est utilisée pour obtenir ce chiffre : 72 divisé par 7 égale 10,3.)

Mais pour déterminer combien de temps il faudrait pour doubler le pouvoir d’achat des investisseurs en supposant une inflation de 2,5 %, la règle de 112 de M. Kshatriya entre en jeu. En utilisant ce chiffre, il faudrait 16 ans pour doubler le pouvoir d’achat si celui-ci provient d’un placement dans des actions canadiennes et génère une moyenne de 7 % annuellement. (Ce calcul est fait en divisant 112 par 7, ce qui est égal à 16.)

La leçon pour les investisseurs est qu’ils peuvent se retrouver en mauvaise posture financière s’ils fondent leurs hypothèses de création de richesse sur des chiffres avant l’inflation, et sur la règle de 72. M. Kshatriya recommande que les conseillers jouent un rôle de « gestionnaire des attentes », en enseignant au moyen d’exemples à leurs clients les effets réels de l’inflation sur leurs placements à long terme.