Aux États-Unis, les économistes anticipent que les rendements obligataires ne surpasseront pas 3,75 % pour les taux de 10 ans, et 4,25 % pour les taux de 30 ans.

Hausse bienvenue

Cette hausse anticipée des taux d’intérêt à long terme en Amérique du Nord est une bonne nouvelle pour les assureurs et les caisses de retraite, disent les spécialistes.

En effet, plus les taux d’intérêt à long terme sont bas, plus ces organisations doivent prendre des risques pour tenter de réaliser des rendements et de respecter leurs engagements à l’égard de leurs clients.

De plus, la valeur actualisée des engagements futurs s’accroît lorsque les taux d’intérêt baissent. «C’est pourquoi les caisses de retraite sont en déficit actuariel», souligne Maurice Marchon, professeur d’économie à HEC Montréal.

Par exemple, une hausse des taux d’intérêt à long terme, même modeste, réduit la pression exercée sur les assureurs pour qu’ils augmentent leurs primes d’assurance. Dans le cas des caisses de retraite, cela réduit la pression d’investir davantage dans le marché des actions, plus risqué que le marché obligataire.

Des taux d’intérêt à long terme à la hausse réduisent aussi la pression pour que les travailleurs prennent leur retraite plus tard. La faiblesse des taux d’intérêt – ils déclinent dans le monde depuis le début des années 1980 – a déjà forcé des travailleurs à reporter le moment de leur retraite.

«En termes de taux d’intérêt sur l’épargne déjà existante, les cash flows que cela procure demeurent relativement bas. Les gens seront donc forcés de travailler un peu plus longtemps», explique Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Banque Nationale.

Pour comprendre pourquoi les taux d’intérêt sont appelés à augmenter, il faut d’abord comprendre la raison de leur déclin depuis près de 35 ans.

Trois facteurs expliquent ce recul, selon une étude du Fonds monétaire international (FMI) (http ://bit.ly/1i6jSHv) publiée en avril 2014.

Premièrement, la hausse importante des revenus dans les pays émergents de 2000 à 2007 a fait bondir le niveau d’épargne dans ces pays, augmentant l’offre de crédit sur le marché obligataire.

Deuxièmement, la demande d’actifs sécuritaires a augmenté, reflétant l’accumulation de réserves dans les pays émergents et la hausse du risque dans le marché des actions par rapport à celui des obligations.

Troisièmement, les taux d’investissement ont décliné de manière forte et persistante dans les pays industrialisés depuis la crise financière de 2008.

Comme plusieurs institutions financières, le FMI prévoit aussi une hausse des taux d’intérêt dans les prochaines années. Cependant, cette progression sera modérée, puisque ces trois facteurs «sont peu susceptibles de s’inverser substantiellement».

Sébastien Lavoie partage ce point de vue : «Les taux d’intérêt seront plus élevés à la marge, mais ce ne sera pas comme dans les années 1980 et 1990».

Dans les années 1980, la moyenne des rendements obligataires nominaux de 10 ans de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis ont dépassé les 10 %, selon le FMI.

L’influence chinoise

Selon Sébastien Lavoie, l’augmentation des dépenses de consommation en Chine exercera une pression à la hausse sur les taux d’intérêt, car cela réduira l’offre de crédit sur les marchés obligataires, notamment en Amérique du Nord.

En 2013, le taux d’épargne national en Chine (les particuliers, les entreprises, les gouvernements, mais excluant les étrangers) représentait 50 % du PIB chinois, selon la CIA, l’agence américaine du renseignement.

Ce taux s’élevait à 20,5 % et à 13,5 %, respectivement, au Canada et aux États-Unis.

Mathieu D’Anjou estime pour sa part que les taux d’intérêt à long terme ne peuvent tout simplement pas rester à leurs niveaux actuels, car la Réserve fédérale américaine (Fed) rehaussera bientôt son taux directeur dans la foulée – sans doute cet automne – de la reprise aux États-Unis.

«On pense que les taux à long terme sont à des creux qu’on n’a jamais vus, mais qu’ils ne pourront pas toujours rester aussi bas», dit-il.

Les 17 et 18 mars, les 17 participants du Federal Open Market Committee ont clairement indiqué qu’ils tablaient sur une hausse des taux d’intérêt à court terme.

Ils ont indiqué que le taux directeur de la Fed devrait atteindre 3,25 % en 2017 – il s’agit là de la médiane de leurs prévisions.

«Une normalisation des taux d’intérêt se produira bientôt aux États-Unis», souligne Maurice Marchon.

Actuellement, le taux directeur de la Fed s’établit à 0,25 %, et ce, depuis la crise financière de 2008. Les taux directeurs des banques centrales ont une influence importante sur le niveau des taux d’intérêt à long terme.

L’offre et la demande de crédit des agents économiques (entreprises, gouvernements, particuliers, etc.) restent toutefois les principaux déterminants des taux d’intérêt de 10 et de 30 ans.

Plusieurs facteurs limiteront les hausses des taux d’intérêt à long terme, affirment les économistes interviewés par Finance et Investissement, notamment le vieillissement de la population, qui fait en sorte que les gens à la retraite ou sur le point de l’être limitent leurs dépenses de consommation.

Or, si les consommateurs épargnent davantage, les banques n’ont pas besoin d’offrir des taux d’intérêt élevés pour les inciter à épargner.

Par ailleurs, la relative faiblesse des investissements des entreprises par rapport aux années 1980 et 1990 est aussi un frein à une hausse importante des taux d’intérêt à long terme.

En effet, si la demande de capitaux pour financer des projets est faible dans le secteur privé, les banques n’ont pas avantage à remonter le coût du crédit.