Un homme d'affaires assis sur un tas de billets vert.
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C’était en mars 2020, juste avant les premiers confinements de la pandémie de COVID-19, et Stéphanie Fortin, résidante d’Ottawa, venait de perdre son emploi à temps plein dans le commerce de détail.

Dès que les commerces ont fermé leurs portes dans le respect des mesures de santé publique, il est devenu quasi impossible pour Stéphanie Fortin de se trouver du travail. Elle a donc demandé la Prestation canadienne d’urgence (PCU), un programme gouvernemental mis en place à la hâte et qui a offert aux bénéficiaires admissibles 500 $ par semaine du 15 mars au 26 septembre.

Stéphanie Fortin a fait partie des quelque 20,7 millions de Canadiens qui ont reçu de l’aide en vertu des mesures liées à la pandémie en 2020, selon les données du recensement de 2021 que Statistique Canada a publiées mercredi.

Les données montrent que les revenus canadiens ont augmenté de 9,8 % au début de la pandémie comparativement à cinq ans plus tôt. L’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador ont été les seules à avoir enregistré des baisses. Le revenu médian des ménages après impôt a été de 73 000 $, ce qui reflète la faible croissance du revenu d’emploi sur cinq ans et la hausse des transferts gouvernementaux en 2020 en particulier.

Bien que moins de Canadiens aient touché un revenu d’emploi pendant la pandémie, les prestations ont fait baisser le taux de faible revenu à 11,1 % en 2020, contre 14,4 % en 2015, la plus forte baisse depuis 1976. Statistique Canada attribue également une diminution de l’inégalité des revenus aux programmes.

Des experts avaient prévenu que les données sur le revenu, qui sont basées sur les dossiers fiscaux et de prestations de l’Agence du revenu du Canada, présenteraient une image compliquée du début de la pandémie et devraient être considérées comme un instantané, des facteurs à plus long terme sont en jeu pour comprendre comment le paysage a évolué depuis.

Pendant la période où elle a reçu la PCU, Stéphanie Fortin a pu payer ses factures, poursuivre des passe-temps abandonnés depuis longtemps et planifier ses prochaines étapes vers une éducation qui lui permettrait d’obtenir un emploi mieux rémunéré et plus satisfaisant.

« Pour plusieurs d’entre nous, c’était la première fois que nous ne pouvions pas nous identifier par notre travail. Nous devions vraiment comprendre qui nous étions, a-t-elle raconté en entrevue. Et cette pause, à la fois mentale et financière, où je n’avais pas à me soucier de l’argent, m’a permis d’envisager ce que je voulais pour moi-même à l’avenir. »

L’année dernière, Stéphanie Fortin s’est inscrite à un programme d’assistante dentaire à La Cité, un collège francophone d’Ottawa, et après avoir obtenu son diplôme ce printemps, la jeune femme de 30 ans s’est trouvé un emploi comme assistante dans un cabinet dentaire.

Dans chaque crise économique, il y a une tendance mesurable de jeunes travailleurs qui poursuivent leurs études pour se rendre plus attrayants pour les employeurs, a expliqué l’économiste Armine Yalnizyan avant la publication des données du recensement.

Armine Yalnizyan, qui est la boursière Atkinson sur l’avenir des travailleurs, a fait valoir que les jeunes âgés de 15 à 34 ans ont actuellement « la plus grande longueur d’avance de toutes les générations depuis les années 1950 » pour trouver les types d’emplois qu’ils souhaitent. Bien que la PCU ait joué un rôle en aidant certains jeunes à atteindre ces objectifs, elle a déclaré que le facteur le plus important auquel il faut prêter attention est le vieillissement de la population.

Un demi-million d’adultes sont entrés dans la tranche démographique des plus de 65 ans depuis le début de la pandémie, et de nombreux autres ont pris une retraite anticipée. Cela affecte la mobilité des jeunes adultes sur le marché du travail, a déclaré Armine Yalnizyan, mais faussera également les tendances du revenu moyen, car les retraités forment un grand bloc de population et ont tendance à toucher des revenus fixes plus faibles.

« Ce que la pandémie a fait, c’est en fait accélérer l’histoire principale du marché du travail au cours des 10 dernières années », a déclaré Armine Yalnizyan, faisant référence aux effets du vieillissement de la population. « Cela n’a fait qu’accélérer ce qui allait se passer de toute façon. »

Cette tendance à plus long terme se reflète dans les données du recensement, qui montrent que plus de 20 % de la main-d’œuvre appartenait déjà à la catégorie des 55 à 64 ans au début de 2020.

Un autre facteur qui, selon Armine Yalnizyan, influencera les tendances globales des revenus et du travail à la suite de la pandémie est l’élargissement des programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada, qui admettent un plus grand nombre de non-résidents pour lesquels la croissance des salaires est généralement stagnante.

Le budget fédéral de cette année a promis de remédier aux pénuries de main-d’œuvre y compris dans des secteurs tels que le commerce de détail, la restauration et les soins de santé, en assouplissant les restrictions sur le nombre de travailleurs temporaires pouvant être recrutés et sur la durée de leur travail.

Cette pénurie de main-d’œuvre reflète la rapidité avec laquelle les taux d’emploi sont revenus à quelque chose qui semblait normal après la crise initiale de la pandémie, selon Casey Warman, professeur d’économie à l’Université Dalhousie.

« Le rebond a été incroyablement rapide. Étonnamment rapide, a-t-il déclaré dans une entrevue avant la publication des données du recensement. À mi-chemin de 2021, nous sommes complètement revenus là où nous étions avant. »

Malgré tout, les chiffres de 2020 offrent un aperçu précieux des sources de revenus des gens pendant la pandémie, a-t-il déclaré.

Lors d’une conférence de presse mercredi matin, André Bernard de Statistique Canada a déclaré qu’il était difficile de déterminer ce qui se serait passé en 2020 sans l’impact de l’aide gouvernementale, bien que certaines statistiques d’une année sur l’autre montrent l’impact négatif de la pandémie lorsqu’elle est vue de manière isolée.

La proportion de Canadiens touchant un revenu d’emploi a diminué par rapport à 2019, plus de femmes que d’hommes ayant abandonné le marché du travail. L’écart de rémunération entre les sexes persistait, les hommes gagnant 35 % de plus que les femmes, selon les taux de revenu médian.

En 2020, 113 835 Canadiens de moins ont touché un revenu d’emploi comparativement à 2019, et 415 585 de plus ont gagné moins de 20 000 $.

Pris isolément des prestations liées à la pandémie, les revenus d’emploi médians étaient en baisse par rapport à 2019 dans la plupart des provinces. Les pertes les plus importantes sont survenues dans les régions riches en ressources de l’Alberta, de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Saskatchewan, en baisse de 6,3 %, 6 % et 4,2 % respectivement, des pertes attribuées en partie aux prix du pétrole historiquement bas.

Les revenus médians plus élevés en Colombie-Britannique, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans les trois territoires reflètent les pertes d’emplois dans les secteurs à faible revenu, a rapporté l’agence, car les personnes qui ne gagnaient aucun revenu ne sont pas prises en compte dans les calculs du revenu médian.

Plus des deux tiers des adultes canadiens, soit 68,4 %, ont reçu des prestations gouvernementales liées à la COVID-19, 27,6 % des adultes ayant des prestations fédérales d’urgence et de rétablissement, le plus souvent la PCU.

Plus de la moitié des adultes ont également reçu des compléments aux programmes fédéraux existants, dont 90,5 % des personnes âgées, et 4,2 millions d’adultes canadiens ont également reçu de l’argent par le biais de programmes d’aide provinciaux ou territoriaux.