Cette année, en fait, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) — le groupe professionnel représentant l’industrie canadienne des fonds — a lancé une attaque préventive en publiant une étude qui cherche à montrer que les fonds canadiens ne sont pas aussi chers qu’ils en ont l’air de prime abord. L’étude a été instructive dans la mesure où elle a jeté la lumière sur la balance des pouvoirs entre les sociétés de fonds et les conseillers qui les vendent. Ses conclusions valent la peine d’être explorées, mais pas seulement pour les raisons recherchées par l’IFIC.

Ce qui est au coeur de l’argumentation de l’IFIC, c’est que les fonds canadiens combinent les frais de gestion (qui reviennent aux sociétés de fonds) avec les coûts de distribution (qui reviennent aux conseillers). Ignorant le fait que ces arrangements soient communs dans l’Europe toute entière (où les frais de gestion des fonds avoisinent en moyenne 80 points de base et les frais perçus par les conseillers un autre 80, pour une moyenne d’environ 1,6 %) et se déploient dans les parts de série C aux États-Unis, l’IFIC avance que cela élimine la possibilité de comparer les fonds canadiens à ceux des autres pays.

L’IFIC prétend que les frais des fonds canadiens, qui en moyenne surpassent les 200 points de base, sont en gros égaux à ceux des fonds américains si l’on part d’une hypothèse de 80 points de base en frais de gestion aux États-Unis, plus 100 à 150 points de base en frais de conseillers extérieurs aux fonds. Une fois de plus, si l’on ignore le fait que les fonds de série C aux États-Unis n’ont pas des frais aussi élevés et que les investisseurs américains peuvent choisir de ne pas payer de frais de conseillers plus facilement que les investisseurs canadiens, c’est assez juste.

Mais là où cela devient intéressant, c’est dans la répartition des frais des fonds canadiens citée par l’IFIC lui-même. De son propre aveu, une société de gestion canadienne typique prend 120 points de base pour elle-même et paie au conseiller 80 points de base pour en arriver à 2 % de frais, ce qui soulève les questions suivantes :

1. Pourquoi les sociétés de gestion de fonds canadiennes prélèvent-elles des frais de 50 % supérieur aux gestionnaires de fonds n’importe où d’autre au monde?

2. Pourquoi les conseillers financiers canadiens sont-ils payés un tiers de moins que leurs homologues américains?

On soupçonne que ce ne sont pas les questions que l’IFIC entendait soulever, mais elles valent la peine qu’on s’y attarde. Il apparaît que les gestionnaires d’actifs canadiens et les conseillers financiers américains sont payés bien au-dessus des normes mondiales. Comment nous en sommes arrivés là semble être un cas classique de qui détient le pouvoir de fixation des prix.

Au Canada, le marché est dominé par quelques grosses institutions de gestion d’actifs. Ayant le contrôle de la situation, il est prévisible qu’elles prennent une grosse part du gâteau pour elles-mêmes et n’en attribuent qu’une plus petite aux conseillers qui vendent les fonds.

Aux États-Unis, c’est le contraire qui s’est produit. Il y a des tas de gestionnaires d’actifs, y compris à bas prix comme Vanguard, et le pouvoir de fixation des prix est donc dispersé. Ce sont plutôt des distributeurs comme les sociétés de courtage et les conseillers financiers qui ont le contrôle. Elles ont saisi l’occasion d’accroître leur part et de pousser à la baisse la part attribuée aux gestionnaires.

Cela a été amplifié par ce que l’étude canadienne a fortement mis en lumière : que la pluparts des coûts de distribution aux États-Unis ne se trouvent pas dans le RFG. Donc, si les conseillers ont poussé à la baisse la part des gestionnaires en choisissant les FNB ou les parts institutionnelles, ils n’ont pas subi la même pression à la baisse sur leurs propres frais, moins publics.

En général, tout ensemble de frais, quelle que soit la manière dont ils sont répartis, qui arrive à un total de 2 % est un fardeau très lourd à porter à l’époque actuelle de rendements faibles. Une pression à la baisse continue sur les gestionnaires américains et les conseillers canadiens est probable. Mais la pression sur les frais a aussi toutes les chances de se répercuter enfin sur les protagonistes qui l’ont évitée jusqu’à présent : les sociétés de fonds canadiennes et les conseillers américains.

Pour les gestionnaires canadiens, c’est déjà en train de se produire. Les ventes de FNB explosent sur ce marché et vont assurément s’accaparer des parts de marché. Tôt ou tard, une génération de clients qui a été séduite par des conseillers promouvant l’utilisation de véhicules à coûts modiques créera probablement des clients qui commenceront à appliquer la même logique à ce qu’ils versent à leur conseiller.

À mesure que les actifs des clients augmenteront et que la balance des pouvoirs passera au client, les conseillers américains feront probablement face à une demande accrue pour des frais plus bas, surtout sur des soldes élevés. Les clients les plus intelligents exigeront de payer en dollars, et pas en points de base.

La tendance en matière de coûts de gestion et de distribution de fonds ne peut qu’être à la baisse. Les frais actuels ne fonctionnent pas dans la conjoncture actuelle, surtout pour les clients les plus fortunés et les plus désirables. En fin de compte, même les protagonistes qui ont à ce jour réussi à résister à la pression sur les frais pour leurs services en baissant le coût des services complémentaires devront s’adapter. Dans vingt ans, il ne sera pas question que les gestionnaires de fonds canadiens puissent faire payer plus de 1 %. Il en va de même pour les conseillers américains.