Une main tient une loupe qui grossit un signe attention.
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Les fonds spéculatifs (hedge funds) jouent désormais un rôle croissant dans le marché des obligations fédérales canadiennes, contribuant à absorber la hausse des émissions de dette publique, mais leur présence accrue comporte aussi des risques systémiques, selon une nouvelle note de recherche publiée par des analystes de la Banque du Canada.

Les chercheurs constatent que la participation des fonds spéculatifs aux adjudications d’obligations du gouvernement fédéral s’est fortement accrue au cours des cinq dernières années, alors que les émissions ont presque doublé, passant de 122 milliards de dollars (G$) en 2019-2020 à 237 G$ en 2024-2025.

Les fonds spéculatifs représentent désormais environ 40 % des allocations lors des adjudications d’obligations d’État, contre pratiquement zéro il y a quinze ans.

« Les hedge funds constituent désormais une catégorie d’investisseurs importante ; la plus importante après les courtiers », souligne la Banque du Canada.

Cette montée en puissance s’explique notamment par l’augmentation des volumes émis, qui permet aux fonds spéculatifs de prendre des positions importantes afin de dégager les rendements recherchés.

« Comme le marché obligataire est relativement liquide et efficient, de petites inefficiences de prix poussent les fonds à prendre des positions plus importantes pour atteindre leurs objectifs de rendement », précisent les chercheurs.

L’essor des émissions a donc facilité leur participation, d’autant plus que la liquidité du marché réduit les coûts de transaction. Les autres types d’investisseurs, comme les caisses de retraite ou les gestionnaires traditionnels, sont moins sensibles à cette hausse, car ils disposent de moins de flexibilité et utilisent peu l’effet de levier.

Mais cette dépendance accrue envers les hedge funds comporte un revers, avertit la Banque du Canada : ces investisseurs sont aussi plus susceptibles de quitter le marché rapidement.

« Cette propension à fuir augmente la vulnérabilité du marché. La concentration croissante des hedge funds dans les marchés de la dette souveraine à l’échelle mondiale contribue à une base d’investisseurs plus risquée, ce qui amplifie les risques liés à l’endettement public », écrivent les auteurs.

Les fonds spéculatifs présentent plusieurs facteurs de fragilité :

  • taux d’échec élevé,
  • risques de refinancement liés à l’endettement ou aux appels de marge,
  • et statut d’investisseurs étrangers sans attache naturelle au marché canadien.

« Sans engagement organique envers le marché canadien, ils pourraient se retirer plus facilement en cas de choc propre au Canada », avertit la note.

En conclusion, la Banque du Canada estime que si la participation accrue des fonds spéculatifs a soutenu la liquidité et la demande sur le marché obligataire, elle s’accompagne désormais de risques accrus de retraits massifs liés à leur modèle d’affaires, à leur dépendance au marché des pensions et à leur faible ancrage structurel dans la dette publique canadienne.