Selon la secrétaire parlementaire aux Finances, Shelly Glover, le crédit d’impôt des fonds de travailleurs comme le Fonds de solidarité FTQ ou le Fondaction de la CSN a été éliminé parce qu’il ne « fonctionnait pas ».

La députée conservatrice a fait cette déclaration aux Communes, à trois reprises, au lendemain du dépôt du dernier budget fédéral.

Pourtant, la veille, le ministre de l’Industrie, Christian Paradis, avait plutôt expliqué que ces fonds étaient maintenant bien capitalisés et avaient donc rempli leurs objectifs. Une affirmation confirmée dans son essence vendredi par le député conservateur Jacques Gourde.

« Lorsqu’on parle des crédits d’impôt spéciaux, il faut comprendre que les fonds de la CSN et de la FTQ sont déjà capitalisés jusqu’à hauteur de plus de 10 milliards $. Donc, il y a toujours moyen de continuer de participer à ces fonds-là avec les déductions fiscales habituelles en termes de REER. Ce qu’on enlève, c’est le traitement spécial suite aux recommandations de divers organismes et institutions », avait expliqué jeudi Christian Paradis.

Mais vendredi, le ministre Maxime Bernier, notamment responsable des petites et moyennes entreprises (PME), a plutôt indiqué en entrevue à Radio-Canada que ces crédits d’impôt ont été éliminés parce qu’ils faisaient une « concurrence déloyale » aux autres types de fonds.

« Dans le fonds de la FTQ, il n’y a seulement que 11 pour cent du portefeuille de plus de 8 milliards $ qui est investi dans des petites entreprises en démarrage au Québec. Le reste, c’est-à-dire 89 pour cent du fonds de la FTQ, est investi dans des entreprises cotées à la Bourse à Toronto, des entreprises étrangères, des obligations de gouvernement. Et à ce niveau-là, le fonds de la FTQ fait une concurrence déloyale aux autres fonds et c’est pour ça qu’on veut enlever ce privilège-là et faire en sorte que finalement, bien, le fonds de la FTQ soit comparable aux autres fonds qui existent », a-t-il élaboré.

L’annonce de l’abolition graduelle de ce crédit d’impôt fédéral fait des vagues au Québec et la déclaration de Shelly Glover risque de jeter de l’huile sur le feu.

La première ministre du Québec, Pauline Marois, a elle-même déploré la décision d’Ottawa.

De passage à Rouyn-Noranda, vendredi, Pauline Marois a dit que l’abolition du crédit d’impôt fédéral pour les fonds de travailleurs est « une attaque frontale contre le Québec ».

« Je me suis déjà entretenue, d’ailleurs, avec des responsables des fonds de travailleurs, ce matin. Ils sont catastrophés et je le suis aussi. Le Québec a pris une initiative il y a quelques années, (…) il y a 30 ans, de soutenir la création des fonds de travailleurs, qui ont investi dans l’économie du Québec, qui donnent des résultats exceptionnels », a ajouté la première ministre.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Bloc québécois ont demandé des comptes au gouvernement, vendredi, à propos de cette décision « incompréhensible ». Ni l’un ni l’autre n’ont été impressionnés par la conclusion de Shelly Glover voulant que les crédits d’impôt « ne fonctionnaient pas ».

Le député Guy Caron, du NPD, a fait valoir que plus de 700 000 actionnaires ont contribué aux fonds de travailleurs, dont les sommes sont ensuite investies en priorité dans le développement régional.

« En éliminant progressivement le crédit d’impôt accordé aux personnes qui souscrivent aux fonds de travailleurs, les conservateurs s’attaquent, sans raison valable, à un modèle de réussite économique spécifique au Québec. Les fonds de travailleurs ont permis de créer et de maintenir des dizaines de milliers d’emplois au Québec. (…) Pourquoi les conservateurs abolissent-ils un si formidable modèle de développement économique en pleine période d’instabilité? » a-t-il demandé au gouvernement aux Communes.

« Le crédit d’impôt ne fonctionnait pas pour favoriser la croissance économique et la création d’emplois, selon nos consultations et des experts indépendants de l’OCDE, entre autres », a rétorqué Shelly Glover.

« Les provinces sont libres de faire ce qu’elles veulent et de trouver leurs propres moyens d’investissement. Nous, nous écouterons les experts », a-t-elle tranché.

Pour le Bloc québécois, cette mesure est une autre attaque des conservateurs contre les syndicats.

« C’est un budget antitravailleurs, c’est un budget antisyndicats. (…) Donc c’est dans leur fameuse idéologie, effectivement, de mettre des bâtons dans les roues des syndicats », s’est insurgé le député bloquiste André Bellavance.

Au sujet de l’allégation de Shelly Glover voulant que le crédit « ne fonctionnait pas », il parle de « mensonge éhonté ».

« Personne ne s’est jamais plaint de l’efficacité des fonds des travailleurs », a dit M. Bellavance.

Sans surprise, les fonds de travailleurs sont en colère.

« La décision du gouvernement conservateur d’éliminer graduellement d’ici 2017 le crédit d’impôt pour contributions à un fonds de travailleurs représentera une hausse d’impôt moyenne de 425,15 $ par épargnant », a calculé le Fonds de solidarité FTQ.

« Alors que la retraite est une priorité de plus en plus pressante pour les Québécoises et Québécois, il est insensé que le gouvernement conservateur décide d’éliminer cet important incitatif à l’épargne », a déclaré Denis Leclerc, premier vice-président à l’actionnariat du Fonds de solidarité, dans un communiqué diffusé au lendemain de la décision du gouvernement fédéral.