Au même moment, des indications d’un ralentissement économique accompagné d’un resserrement des dépenses gouvernementales sont apparues en Chine.
Même s’il reste optimiste quant aux perspectives de croissance à long terme des marchés asiatiques, Kenneth Lowe, cogestionnaire du BMO Fonds asiatique de croissance et de revenu, admet que les actions asiatiques se heurtent à des problèmes à plus court terme.
D’abord, les évaluations. En apparence, les titres asiatiques semblent attrayants. Ils se négocient à seulement 11 fois les bénéfices et à 1,6 fois la valeur comptable. De plus, l’écart d’évaluation avec les titres américains n’a jamais été aussi important.
Cependant, lorsqu’on approfondit l’analyse, on s’aperçoit que les évaluations sont polarisées. D’une part, les sociétés de grande qualité qui ont des bénéfices prévisibles et dont la croissance est durable coûtent assurément plus cher que les sociétés cycliques, surtout celles d’Asie du Nord, comme la Corée ou la Chine par exemple. De toute manière, les prévisions de bénéfices sont un peu trop élevées et risquent de décevoir.
Ensuite, un resserrement probable du crédit : «Il n’y a pas qu’en Chine que la croissance du crédit a pris des proportions inquiétantes : le phénomène s’étend à Singapour, à Hong Kong, à la Malaisie et à la Thaïlande, où le crédit s’est accru à un rythme beaucoup plus rapide que le PIB en raison des politiques monétaires laxistes des cinq dernières années. Cela ne peut durer indéfiniment», pense-t-il.
Dans ce contexte, bien que les titres du secteur financier soient les plus importants en portefeuille, avec une pondération de près de 22 %, le fonds ne détient aucune banque chinoise. «Nous croyons que la qualité de leurs actifs est problématique ; la crise de liquidités actuelle est peut-être un signe précurseur de ces problèmes. Leur apport en capital est plus fragile qu’il ne paraît et leur dividende pourrait être coupé. Elles seront forcées de répartir le capital plus efficacement», estime Kenneth Lowe.
Le fonds a une préférence marquée pour les sociétés capables de se financer à même leurs propres flux de trésorerie pour leur croissance et de plus, de payer un dividende aux actionnaires. Kenneth Lowe souligne que, contrairement à ce qu’on peut penser, 90 % des entreprises asiatiques versent un dividende. Cela dit, le fonds n’a pas de seuil de rendement pour inclure un titre. Le portefeuille affichait un rendement de dividende moyen de 3,47 % au 30 juin dernier.
Le fonds favorise les sociétés de croissance de qualité axées sur le marché intérieur au détriment des sociétés cycliques du secteur de l’énergie et des produits matériels. Les titres sont sélectionnés un à un, et les pondérations sectorielle et géographique ne sont que le résultat de cette sélection.
Néanmoins, eu égard aux critères appliqués à cette sélection, certaines juridictions se retrouvent toujours favorisées : comme Hong Kong et Singapour, qui comptent respectivement pour 19 % et 14 % du fonds. Notamment en raison de leurs normes de gouvernance élevées. Sans compter que les titres cotés dans ces pays offrent de meilleurs dividendes. À l’inverse, des pays comme l’Inde et la Corée sont toujours moins présents dans le portefeuille.
Impact du cycle de la dette
Des sommes importantes ont été investies dans les marchés émergents d’Asie en raison des rendements très faibles des titres à revenu fixe. La hausse des taux d’intérêt aux États-Unis a eu pour effet de rapatrier une partie de ces sommes. La Chine a été particulièrement touchée, selon Mark Lin, gestionnaire du Fonds Asie-Pacifique CIBC.
Cependant, plus fondamentalement, alors que les États-Unis ont agi pour assainir les bilans de leurs institutions financières dans la foulée de la crise de 2008, l’Asie est loin derrière. En Chine, les banques, sous le contrôle de l’État, ont prêté de manière imprudente et l’explosion de crédit qui s’en est ensuivie a maintenu le taux de croissance du PIB chinois au-delà de 8 %.
Or, plusieurs prêts ne seront pas remboursés et le cycle de la dette en Asie commence à avoir un impact sur l’économie, comme en Europe. «La Chine s’apprête à traverser une réforme de son système bancaire et à normaliser sa croissance. Elle ne peut injecter plus de dettes, l’équivalent de stéroïdes, pour y parvenir», affirme Mark Lin.
Ce dernier non plus n’a pas de banques chinoises et il évite les titres des industries lourdes, mais il maintient une pondération de 18,5 % en Chine pour participer à la croissance de la consommation de la classe moyenne. Il maintient aussi une pondération de 24,1 % à Hong Kong. Au plan sectoriel, le secteur de la consommation compte pour plus de 40 % du fonds, et celui des soins de santé, pour 20 %.
Il maintient aussi une pondération de 22,5 % au Japon, par rapport à 41 % dans l’indice MSCI Asie-Pacifique : «Le gouvernement japonais dirigé par Shinzo Abe a un plan d’action en trois volets : un stimulant monétaire, un stimulant fiscal et un plan de réformes. Ils se sont lancés à fond dans les deux premiers et le yen s’est déprécié, ce qui a fait bondir les exportations. Les bénéfices des entreprises ont repris leur croissance et cela devrait encourager la consommation. Cela devrait aussi soutenir au cours des prochains mois la progression de l’indice Nikkei, qui a bondi de 80 % depuis son creux de novembre jusqu’à son sommet de mai dernier», note-t-il.
Sur le plan des réformes toutefois, il n’y a pas eu de changements majeurs. Ce qui fait dire à Mark Lin que la progression à long terme de l’indice sera plus difficile : «Les défis sont énormes, alors que chaque mois, 30 000 personnes quittent le marché du travail et que la population diminue depuis 2008. De plus, le pourcentage de la dette gouvernementale par rapport au PIB atteint 245 %», souligne-t-il.
Les pays émergents sous-pondérés
Nadim Rizk, cogestionnaire du Fonds Asie-Pacifique Altamira, est aussi négatif en ce qui concerne le Japon. Néanmoins, la pondération du fonds en titres japonais est de 45 %, essentiellement des chefs de file mondiaux axés sur les exportations : «Il y a des entreprises japonaises exceptionnelles, comme le fabricant de dérailleurs pour vélo Shimano, le fabricant de capteurs Keyence, la société de robotique Fanuc, le fabricant de couches et de produits d’hygiène féminine Unicharm.
Notre pondération en titres japonais n’est que le reflet de notre sélection de titres de qualité. Si nous ne trouvions que des sociétés japonaises répondant à nos critères, nous aurions 100 % du portefeuille au Japon. En général, les sociétés des pays développés inscrites en Bourse sont de meilleure qualité que celles des pays émergents. L’idéal est une société de pays développé qui a une forte présence dans les pays émergents», insiste-t-il.
Cet accent placé sur la qualité fait que, outre le Japon, le fonds Altamira détient surtout des titres dans les pays développés de la zone Asie-Pacifique, notamment 20 % en Australie, et même 4,4 % au Royaume-Uni, puisque c’est là que le titre de la Standard Chartered Bank est coté, même si celle-ci exerce ses activités surtout en Asie.
En fait, la pondération du fonds dans les marchés émergents est de seulement 23 % : «On a tendance à oublier que les marchés boursiers des pays émergents sont moins sophistiqués que ceux des marchés développés. Les gens y jouent à la Bourse un peu comme au casino. Quand les titres montent, tout le monde veut acheter ; quand ils baissent, tout le monde veut vendre.»
Cela fait en sorte que les tendances à la hausse ou à la baisse sont très fortement marquées, poursuit le gestionnaire. «Par ailleurs, alors que les investisseurs institutionnels dominent les marchés des pays développés, ils sont beaucoup moins nombreux dans les pays émergents. De plus, ce sont des marchés où il y a beaucoup moins de règles de gouvernance et de transparence. Beaucoup d’entreprises cotées en Bourse sont détenues par des familles ou des gouvernements et sont gérées de façon quasi privée, même si elles ont une capitalisation boursière de 20 G$. Enfin, la direction des entreprises des pays développés est beaucoup plus avancée qu’elle ne l’est dans les pays émergents», rappelle-t-il.
Nadim Rizk souligne que le fonds ne détient aucun titre du secteur des matières premières. Il juge que les économies émergentes, surtout la Chine, sont au stade où la consommation va croître d’une façon importante. Plus du tiers du portefeuille est composé de titres du secteur de la consommation.
Il juge que les titres de la zone Asie-Pacifique sont plus intéressants qu’il y a six mois, mais il n’a pas encore acheté les titres qui l’intéressent. Si leurs prix reculaient encore de 15 à 20 %, ils deviendraient très attrayants, calcule-t-il.