«C’est le règlement 31-103, sorti en 2009, qui a fait émerger le secteur dispensé au Québec», soutient Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques, et chef de la conformité chez Mica Capital, à Québec.

«La catégorie « marché dispensé », poursuit-il, a été introduite par l’intermédiaire de ce règlement qui chapeaute tout le domaine des valeurs mobilières. Avant ce règlement, on ne voyait pas beaucoup de produits dispensés au Québec.»

Ce n’est toujours pas le cas, bien que le secteur s’anime de plus en plus et que le nombre de représentants autorisés à en vendre augmente lentement. Par exemple, Mica, qui a acquis son accréditation pour le marché dispensé en novembre 2012, compte une dizaine de représentants détenant le permis.

Chez Excel Gestion privée, de Sherbrooke, accrédité depuis environ un an, on en trouve huit. Par ailleurs, une quinzaine de représentants affiliés à l’un ou l’autre de ces deux courtiers sui-vent présentement le cours «Produits du marché dispensé» auprès de l’Institut IFSE.

Il semble toutefois que le secteur soit beaucoup plus populaire dans l’Ouest canadien, rapporte Normand Morin, directeur général d’Excel.

Investisseur avisé

Ce marché «dispensé» comporte des produits pour lesquels les manufacturiers ne sont pas tenus de soumettre un prospectus approuvé par une des autorités canadiennes en valeurs mobilières. Ils ont une dispense de prospectus.

Habituellement, un document accompagne toute émission de produit dispensé, mais les éléments soumis à l’attention des investisseurs sont laissés à la discrétion du manufacturier.

Les produits du marché dispensé doivent être offerts uniquement à des investisseurs admissibles ou qualifiés selon le type de produit et le choix du manufacturier. Les premiers doivent toutefois recevoir une notice d’offre et prendre conscience des risques liés à ces placements.

Est admissible la personne qui, avec son conjoint, possède un actif net de plus de 400 000 $ et dont le revenu, personnel, est de plus de 75 000 $ ou, combiné avec son conjoint, de 125 000 $. Un investisseur est qualifié lorsque son actif net est supérieur à un million de dollars ou que ses revenus, personnels, dépassent 200 000 $, ou lorsqu’ils sont combinés, 300 000 $.

On trouve de nombreux types d’investissements dispensés : parts de société en commandite, actions accréditives, billets structurés ou non structurés, projets d’infrastructures, fonds de catégories multiples, etc.

Dans certains cas, le secteur que vise le placement, par exemple les mines, donne lieu à des avantages fiscaux à l’un des paliers de gouvernement, parfois aux deux.

Risque et rendement

Le principal avantage des produits dispensés est de «changer le profil risque-rendement d’un portefeuille», avance Patrick Murray, représentant de courtier en marché dispensé et spécialiste en solutions de placement chez Investissements Standard Life, à Montréal.

C’est-à-dire que plusieurs catégories d’investissements dispensés ont seulement une corrélation faible avec les marchés traditionnels des actions et des obligations.

Les niveaux de risque peuvent être parfois élevés, mais pas nécessairement. «Les niveaux ne sont pas différents de ce qu’on trouve dans le domaine des fonds communs, par exemple», indique Normand Morin.

On trouve souvent des placements hautement spéculatifs, particulièrement dans le domaine minier ou dans certains secteurs immobiliers.

Dans d’autres cas, certains produits sont construits pour minimiser le risque en utilisant, paradoxalement, des types d’actifs considérés comme très risqués, par exemple des options ou des stratégies de couverture ou de vente à découvert.

C’est le cas du fonds alternatif SMRA, d’Investissements Standard Life, disponible dans le marché dispensé au Québec, mais qui est également offert sous forme de fonds distinct depuis novembre dernier. Un tel fonds est construit pour minimiser les mouvements de baisse tout en captant une partie respectable des hausses.

«En moyenne, quand le marché mondial des actions est à la baisse, le rendement de SMRA est de 0 %, rapporte Patrick Murray. Et quand le marché est à la hausse, SMRA capte 41 % de cette hausse.»

Une caractéristique fréquente des produits dispensés tient à leur liquidité très faible. Souvent, un marché secondaire est inexistant. «Il faut être prêt à immobiliser de l’argent pour des périodes de deux ou trois ans, parfois même jusqu’à dix ans, si on en juge par certains projets qui nous sont proposés», souligne Yvan Morin.

Se qualifier

Les exigences pour devenir représentant en produits du marché dispensé ne sont guère insurmontables.

D’abord, comme le précise le règlement 31-103 de l’Autorité des marchés financiers (AMF), il faut que le candidat réussisse l’examen du cours de l’Institut IFSE sur les produits du marché dispensé ou l’examen du cours du CSA Institute sur le commerce des valeurs mobilières du Canada. On encore, il faut qu’il réponde aux obligations de scolarité et d’expérience imposées au représentant-conseil.

Évidemment, pour la majorité des représentants intéressés, le cours de l’IFSE s’avère la voie la plus accessible, car il s’agit d’une formation qui ne requiert que 30 à 60 heures et peut être suivie à distance.

Gino Savard, président de Mica, vient de réussir cette formation haut la main, y ayant consacré au plus une trentaine d’heures sur une période d’un mois et demi.

Dans cette formation, on aborde les produits et la règlementation particulière du marché dispensé, mais une bonne partie de la matière recoupe des éléments avec lesquels les représentants sont déjà familiarisés : connaître son client, connaître son produit, bien apparier client et produit.

Une fois l’examen réussi, le représentant doit faire inscrire son nom au formulaire d’inscription par l’intermédiaire de la Base de données nationale d’inscription. «Ceux qui obtiennent ce permis ne sont pas des conseillers débutants, ils disposent déjà d’une clientèle établie et leur statut les qualifie», dit Normand Morin.

Détail d’importance : pour être en mesure d’offrir les produits du marché dispensé, le représentant doit être rattaché à un courtier accrédité.

Si le représentant offre déjà les produits en épargne collective, tant ces derniers que les produits dispensés doivent provenir d’un seul et même courtier.

«Il doit s’approvisionner chez le même courtier», précise Yvan Morin, qui reconnaît que cela représente un avantage concurrentiel pour un courtier du marché dispensé, puisqu’il peut ainsi recruter de nouveaux représentants.

Le choix du courtier, de sa compétence et de sa réputation est crucial. Car contrairement au marché des fonds communs qui sont amplement analysés et filtrés par des organismes comme Morningstar et multiples journaux et publications, le marché dispensé est suivi par très peu de personnes.

La crédibilité et la compétence du courtier en matière de vérification diligente dans le but de filtrer le bon grain de l’ivraie «jouent de façon importante dans l’équation», soutient Yvan Morin.