Le besoin de mentorat est particulièrement présent chez les conseillers qui commencent dans des cabinets indépendants, selon Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier et associé et coach chez Virage Coaching.

«Lorsque le conseiller commence dans un réseau plus important, il est épaulé par le directeur des ventes et toute son équipe, dit-il. Dans un cabinet indépendant, c’est essentiel d’avoir un mentor.»

Philippe Ventura, conseiller en sécurité financière, représentant en épargne collective et propriétaire du cabinet Chevalier, Meunier et associés, s’est adjoint un conseiller de la relève à qui il enseigne actuellement les rouages du métier.

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«Les jeunes ont absolument besoin de mentorat, indique-t-il. Mon conseiller junior est très motivé à passer du temps sur le terrain avec moi lorsque je rencontre des clients. J’ai commencé par partager avec lui des documents que j’utilisais pour m’aider lorsque j’ai moi-même commencé et j’utilise aussi le jeu de rôle en plus de lui présenter les lectures importantes à faire sur l’industrie.»

Chez SFL Partenaire de Desjardins sécurité financière (SFL), dans chaque centre financier, un directeur développement et encadrement des recrues assume le rôle de mentor auprès des conseillers débutants, explique Michael Rogers, vice-président régional ventes et recrutement chez SFL.

«Nos directeurs développement et encadrement des recrues les forment sur le plan de la structure de travail et de la segmentation de la clientèle en plus de les accompagner chez les clients. Chaque jeune conseiller peut, bien sûr, trouver son propre mentor.»

Afin qu’ils se consacrent à cette tâche, ces directeurs sont rémunérés à salaire. On met l’accent sur la structure de travail, mais également sur l’approche du client : «Nous leur enseignons par exemple à faire face à l’opposition d’un client, note Michael Rogers. Nous avons vraiment ramené les jeux de rôle dans la pratique.»

Les bons incitatifs

Même si le soutien humain est essentiel, celui-ci gagnerait à être bonifié par une rémunération hybride pour les conseillers débutants. En effet, plusieurs répondants au sondage en ligne ont souligné dans leurs commentaires qu’il est préférable d’offrir une rémunération alliant salaire et commissions aux conseillers juniors.

«La majorité des jeunes conseillers vont aimer cette formule hybride. S’ils réussissent, ils peuvent faire croître leurs revenus de façon importante, quitte à renégocier ensuite leur rémunération afin d’augmenter la part de commissions» souligne Sylvain De Champlain qui offre cette option depuis une dizaine d’années.

«J’ai déjà eu un conseiller uniquement à salaire et ça a été une grave erreur, la motivation n’y était pas, poursuit-il. D’un autre côté, c’est aussi très difficile de travailler uniquement à la commission.»

Cette rémunération hybride est parfois plus difficile à offrir dans certains cabinets de plus petite taille, ce qui pousse ces derniers à devenir créatifs.

«Mon conseiller junior a accès à une certaine portion de ma clientèle. Les revenus liés aux ventes qu’il y réalise sont ensuite séparés entre nous. J’utilise ma portion pour payer des frais administratifs, le téléphone, Internet ou encore le loyer, des choses pour lesquelles je ne lui demande pas de payer quoi que ce soit. C’est ma façon de l’aider à démarrer», explique Philippe Ventura.

SFL offre la rémunération hybride depuis 2006. Le débutant peut choisir durant une période temporaire la combinaison salaire-commissions qu’il préfère.

«C’est exigeant pour une firme d’offrir cette forme de rémunération, mais l’investissement à court terme en vaut la peine, puisque nos conseillers séniors se retrouvent avec un bassin de jeunes à qui ils peuvent vendre leur clientèle», dit Michael Rogers.

Transfert de clientèle

Interrogés sur leur intention de vendre leur clientèle à un conseiller junior, 47,72 % des répondants soutiennent qu’ils ne pensent ni à vendre leur clientèle ni à prendre leur retraite. Parmi les répondants, 17 % seulement soutiennent qu’ils pensent vendre leur clientèle et qu’ils ont déjà trouvé quelqu’un souhaitant l’acheter (voir le graphique).

«C’est fascinant de voir que les gens ne veulent pas vendre leur clientèle, note Philippe Ventura. C’est toutefois compréhensible, puisque certains conseillers, qui ne font pas nécessairement bien leur métier, peuvent conserver une clientèle et recevoir des commissions sans avoir à y consacrer beaucoup de temps.»

La rémunération explique également cette situation, selon Sylvain De Champlain : «Y a-t-il des clientèles à vendre ? Oui, mais il faut savoir où, et lancer beaucoup de lignes pour les découvrir. De plus, pourquoi un conseiller vendrait-il une clientèle pour deux ou trois fois les revenus quand il sait qu’il générera cette somme en deux ou trois ans en la conservant ?»

Michael Rogers voit pour sa part beaucoup de transferts de clientèle dans le réseau SFL. Les candidats viennent non seulement de l’interne, mais également de l’externe, alors que des conseillers séniors se joignent à SFL afin de trouver un conseiller junior ou pour avoir accès à du financement.

«La plus grande problématique, ce n’est pas que les conseillers veulent vendre tout en gardant leurs commissions de suivi, c’est qu’ils ne sont pas capables de se trouver une relève», remarque Michael Rogers.

Bouleversements réglementaires

Il reste que les conseillers de la relève devront composer avec plusieurs nouvelles règles. Interrogés sur la réglementation qui est la plus susceptible de nuire au développement de leurs affaires, 42,17 % des répondants ont cité la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), et 23,91 %, la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus (Do Not Call List).

«À cause des nouvelles règles sur la divulgation, notamment le règlement 31-103, beaucoup de conseillers qui ne sont pas très proches de leurs clients vont paniquer, anticipe Sylvain De Champlain. Quelle sera la réaction de leur client lorsqu’il verra le montant de la commission apparaître au bas de son relevé ? Je crois qu’il y aura alors des occasions d’achat de clientèle de la part de conseillers peu « relationnels » qui voudront vendre.»

«Les clients ont des attentes de plus en plus élevées envers les conseillers, mais c’est également l’occasion pour un conseiller, lorsqu’il est bien structuré, de démontrer à quel point son service peut être une valeur ajoutée», conclut Michael Rogers.