L’immeuble, qui doit ouvrir ses portes dans quelques semaines, deviendra ainsi le cinquième point de service aux membres sur le territoire de la Caisse de Lévis.

Par ailleurs, «la première caisse», celle qui a vu naître la coopérative financière, a beau-coup évolué dans ses pratiques, ses ambitions et ses objectifs au fil des décennies.

Un exemple

«Autant en pratique des affaires qu’en pratique intercoopérative, parce que la Caisse de Lévis est la première caisse, elle a le devoir de donner l’exemple», explique son directeur général, Benoit Caron. En somme, tout ce qui se passe à la Caisse de Lévis doit refléter l’esprit et les pratiques de Desjardins.

«Notre responsabilité première, c’est de faire vivre nos valeurs coopératives : la démocratie, la prise en charge du milieu, le bien-être collectif», ajoute René Bégin, président du conseil de la caisse.

Alors que les dirigeants de la caisse siègent à de nombreux conseils d’administration – Hôtel-Dieu, Cégep de Lévis-Lauzon, Maison des soins palliatifs du Littoral, organisme de développement culturel, etc. -, le président et le directeur général se sont partagé une «quinzaine de présidences d’honneur» depuis le début de l’année, dit René Bégin.

Le Mouvement Desjardins est ainsi conçu que toutes les gran-des orientations passent par l’assemblée des représentants, qui s’est réunie plus d’une quinzaine de fois depuis 2008, date d’entrée en poste de Monique F. Leroux. Ces assemblées ont culminé en deux congrès depuis 2008. C’est tant dans les congrès qu’au cours des assemblées que les grandes orientations du Mouvement sont débattues et adoptées.

Monique F. Leroux a amené avec elle une unité d’action entre les caisses, sous les auspices de la Fédération qui les regroupe, explique Benoit Caron. «Madame Leroux a instauré le principe de la « pensée Mouvement »», afin que les caisses aiguillonnent les orientations de développement du Mouvement selon une vision qui englobe tous les paliers de la coopérative. Il y a ainsi de moins en moins d’actions réalisées en vase clos.

Jusqu’à une époque récente, par exemple, les caisses étaient responsables de leurs horaires, des frais de services perçus et de leur publicité. «Plutôt que de passer beaucoup de temps sur ces questions, qui relèvent de la gestion des activités, les caisses réunies en assemblées se consacrent maintenant davantage aux gran-des orientations du Mouvement», explique René Bégin.

Dans ce contexte, la première caisse, malgré son poids symbolique, n’a pas de statut particulier dans la démocratie coopérative.

Le mantra de Desjardins, c’est «un membre, un vote», et la caisse de Lévis n’y échappe pas.

Si ses dirigeants disent n’avoir aucune influence particulière dans l’ordre des choses chez Desjardins, «nous avons la responsabilité d’avoir une influence constructive», dit René Bégin.

Développement d’affaires

L’exemple auquel la première caisse est tenue n’est pas l’adhésion rigide à une tradition immuable, au contraire : «Nous sommes la première caisse [au sein du mouvement] à mettre en place un modèle d’affaires axé sur le cycle de vie du client», explique Benoit Caron.

Il s’agit de segmenter la clientèle afin de proposer aux mem-bres des solutions intégrées, qui répondent à leurs besoins propres à chaque étape de leur vie.

«C’était devenu extrêmement exigeant pour un conseiller d’avoir un portefeuille de clients de tout acabit : le matin, il faisait une planification, le midi de l’assurance, l’après-midi des hypothèques…», relate Benoit Caron.

Ainsi, on propose des produits et services sur mesure pour les nouveaux propriétaires de maison en début de carrière, tandis que les préretraités auront accès à un autre éventail de solutions selon qu’ils se préparent à décaisser ou à vendre leurs parts dans une entreprise, en regroupant toute la palette de services accessibles, selon que le client est en phase d’accumulation ou de décaissement par exemple.

Une fois que la stratégie aura fait ses preuves, elle sera reprise par les autres caisses, en coordination avec la Fédération des caisses, le point de chute central de la structure décisionnelle du Mouvement.

Les filiales comme Desjardins Sécurité financière ou Valeurs mobilières Desjardins sont censées être «au service des membres», ce qui signifie que dans son modèle d’affaires respectif, chaque entité doit être en mesure de répondre aux besoins des caisses.

Ceux des membres sont définis à partir de la caisse, qui prodigue ensuite les services selon les besoins. On se coordonne donc entre filiales afin de ne pas laisser de zones grises où les clients pourraient être laissés à eux-mêmes, soutiennent les deux dirigeants.

Il faut avoir une offre concurrentielle, explique Benoit Caron. Pour ce faire, il faut donner de la valeur ajoutée aux services aux membres. La proximité et les valeurs coopératives font évidemment partie de l’offre.

En matière d’actif, la seule Caisse de Lévis, sans ses points de services satellites, se situe au 11e rang des 322 caisses populaires dont les états financiers sont recensés par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cumulant 1,3 G$ d’actif au 31 décembre 2012, elle est cependant bien au-delà de la moyenne des caisses, qui affichaient à la même date un actif de 373 M$.

La communauté

L’importante présence dans la collectivité est son principal avantage concurrentiel : «Notre présence sur le territoire depuis 100 ans fait en sorte que dans tous les segments, nous avons des parts de marché colossales», qui dépassent les 50 %, explique Benoit Caron. Alors que sur le plan provincial, le Mouvement voit ses parts de marché rognées peu à peu par les grandes banques, la Caisse de Lévis domine la région.

Ce que fait aussi le Mouvement dans son ensemble : la municipalité régionale de comté de Lévis compte un peu plus de 60 000 travailleurs. Le Mouvement Desjardins, dans la seule ville de Lévis, y emploie 6 000 personnes. Avec 10 % de la main-d’oeuvre d’une région qui dépend d’elle, la coopérative domine son marché de plusieurs façons.

À cet égard, «lorsqu’un concurrent veut faire quelque chose, accroître ses parts de marchés, c’est certain que nous sommes la cible», explique Benoit Caron.

D’où l’importance d’offrir des produits et services à haute valeur ajoutée. Mais pour que les clients prennent la pleine mesure de cette «valeur ajoutée», «il y a un défi en matière d’enseignement des valeurs coopératives», explique René Bégin.

Le comptable de métier explique ainsi le travail qui doit être fait, après avoir financé en 2011 la mise sur pied d’une maison de soins palliatifs par exemple. «Je demande aux gens s’ils sont fiers de ce que leur caisse a fait pour un projet, par exemple. La prochaine question est alors de leur demander ce qu’ils sont prêts, eux, à faire en solidarité avec leur caisse», poursuit René Bégin.

En effet, pour injecter un million de dollars dans la collectivité, comme la caisse l’a fait au cours de la dernière année, il faut que les membres s’y mettent aussi s’ils veulent profiter des retombées. Il s’agit alors d’expliquer aux membres que s’ils veulent aller ailleurs pour payer un quart de point de pourcentage de moins pour un service, cela pourrait miner la capacité à long terme de la caisse de soutenir les initiatives locales.

C’est ainsi que lorsque la communauté de Lévis a voulu se doter d’un centre de soins palliatifs, par exemple, la caisse a pu se mobiliser et récolter près de 800 000 $ pour soutenir l’effort.

La communauté cerne un besoin, la caisse y répond.

Chacun trouve son compte

«Les dollars investis dans un projet proviennent des trop-perçus des membres. Il faut donc que je m’assure de pouvoir le leur retourner sous une forme ou sous une autre.»

En finançant un organisme, la caisse demande donc l’accès aux membres du conseil d’administration pour leur faire une offre de service.

La caisse s’engage également à promouvoir l’éducation financière de ses membres. «Nous nous engageons à offrir entre 35 et 40 conférences par an sur des thèmes comme la préparation de la retraite», poursuit Benoit Caron. Autant d’occasions de faire du développement d’affaires et de consolider sa position dans sa collectivité.

«Nous avons une stratégie de déploiement intégrée», ajoute Benoit Caron. La caisse de Lévis est par exemple la seule de la Fédération à avoir autant d’écoles sur son territoire : dix écoles primaires, trois polyvalentes, un cégep, un campus universitaire.

Autant d’occasions de recruter, de faire de l’éducation financière, d’enseigner les valeurs coopératives, de promouvoir l’enseigne, de solidifier ses liens dans sa collectivité.

La Caisse de Lévis est d’ailleurs sur le point d’instaurer des caisses étudiantes au sein des trois écoles secondaires, chacune dotée de son propre conseil d’administration.

Le souci de communiquer le sentiment d’appartenance des membres à leur caisse est également présent dans la conception du nouveau siège social.

Une des façades du bâtiment de trois étages, entièrement vitrée, est tournée vers la ville de Lévis.

La conception intérieure du bâtiment fait en sorte que les clients «sont accueillis chez eux», dans des espaces ouverts auxquels ils ont accès : des bureaux ouverts, des espaces lumineux, des structures de bois pour rappeler le passé, une infrastructure à la fine pointe de la tech-nologie pour souligner l’avenir, tandis que les archives du Mouvement et celles d’Alphonse Desjardins y seront hébergées.

Tant dans l’architecture du bâtiment que dans l’organisation de l’espace, en passant par la façon dont les services sont offerts, «nous voulons rappeler que la Caisse de Lévis est la gardienne du passé, résolument tournée vers l’avenir», conclut René Bégin.